Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 22 août 2018 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1802443 du 28 décembre 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mars 2019, M. D... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen n° 1802443 du 28 décembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 22 août 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours ;
4°) de condamner l'Etat à verser la somme de 1 500 euros à Me C... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique, sous réserve que Me C... se désiste du bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
Sur le refus de titre de séjour :
- le préfet du Calvados n'a pas été en mesure de s'assurer que le médecin rapporteur ne figurait pas parmi les membres du collège médical ;
- le collège de médecins a rendu son avis dans un délai de plus de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux, en méconnaissance de l'article R.313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui a eu une influence sur le sens de la décision prise ;
- l'avis du collège de médecins est silencieux sur une éventuelle convocation de l'intéressé au stade de l'avis rendu par le collège médical ;
- la décision attaquée méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur l'obligation de quitter le territoire :
- la décision attaquée méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- la décision en litige méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 mai 2019, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
La clôture de l'instruction est intervenue le 13 décembre 2019.
Un mémoire, présenté pour M. A... et enregistré le 7 mai 2020 n'a pas été communiqué.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., né le 8 janvier 1967 à Bagerhat (Bangladesh), déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français le 15 novembre 2014. Il a sollicité le statut de réfugié qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 août 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 10 février 2016. Le réexamen de sa demande d'asile a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 avril 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 15 décembre 2016. M. A... a fait l'objet d'un arrêté portant refus de titre de séjour en date du 5 avril 2017. Le 24 octobre 2017, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 août 2018, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 28 décembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande. M. A... fait appel de ce jugement.
Sur le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate (...) ".
3. En premier lieu, d'une part, il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité.
4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, que l'avis du 6 avril 2018 concernant la situation médicale de M. A... a été rendu par trois médecins faisant partie du collège de l'OFII, dont les noms sont indiqués. Le préfet du Calvados produit au dossier une attestation de l'OFII du 7 novembre 2018, postérieure à l'arrêté attaqué mais révélant des faits antérieurs, indiquant, au vu d'une capture d'écran du logiciel en charge du traitement administratif des dossiers, le nom du médecin qui a établi le rapport médical sur la situation du requérant, dont il ressort qu'il ne s'agissait pas d'un des trois membres du collège de l'OFII. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis du 6 avril 2018 a été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées doit être écarté.
5. En deuxième lieu, si les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que l'avis du collège de médecins est rendu dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux adéquats, le respect de ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité.
6. En troisième lieu, si l'avis du collège médical de l'OFII précise que M. A... a été convoqué, au stade de l'élaboration du rapport, pour effectuer des examens complémentaires et justifier de son identité mais ne précise pas si ce dernier a été convoqué au stade de l'élaboration de l'avis, cette omission est sans influence sur le sens de la décision prise et n'a pas privé l'intéressé d'une garantie.
7. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'OFII a estimé, dans son avis du 6 avril 2018, que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge pouvant entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers le Bangladesh.
8. Il est constant que M. A... souffre d'un diabète de type 2 et d'hypertension artérielle sévère sous trithérapie. Il ressort des pièces du dossier que le requérant suit un traitement notamment à base d'urapidil, vasodilatateur, de perindopril, inhibiteur de l'enzyme, et de glimépiride, sulfamide, hypoglycémiant appartenant à la classe des sulfonylurées. M. A... a produit la liste des médicaments essentiels au Bangladesh datant de 2008, laquelle n'indique pas ces médicaments. Toutefois, cette liste est ancienne et par nature non exhaustive. En outre, M. A... a produit en appel un certificat d'un médecin au Bangladesh, au demeurant postérieur à l'arrêté attaqué, indiquant que les médicaments pris par M. A... " ne sont pas disponibles partout ", ce qui sous-entend qu'ils sont disponibles dans certaines parties du Bangladesh, l'intéressé n'indiquant pas en quoi il ne pourrait pas y avoir accès. Le requérant soutient également que ces médicaments ne sont pas indiqués dans les fiches disponibles sur le site internet DRUGS.COM. Cependant, ces éléments ne sont pas produits et le préfet remet en cause, sans être ensuite contredit, la fiabilité de ce site internet. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
10. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est présent sur le territoire français depuis 2014, avec son épouse et leur fils de 14 ans, scolarisé depuis 2015. Toutefois, cette entrée en France reste relativement récente et rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine, son épouse n'étant pas davantage titulaire d'un titre de séjour, et à ce que son fils poursuive sa scolarité au Bangladesh. Dès lors, alors même qu'il n'aurait plus d'attaches familiales dans son pays d'origine, le moyen tiré par l'intéressé de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.
Sur la décision fixant le pays de destination :
12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
13. Si le maire de la commune de Bagherat a attesté, en appel, que le père et le frère du requérant ont été attaqués en février 2016, alors qu'ils allaient récupérer leurs terres, par des membres du Jamaat e Islami, ce qui a donné lieu à un dépôt de plainte, ces éléments ne suffisent pas à établir que M. A... risquerait, de par sa seule appartenance à la communauté hindoue, d'être effectivement et personnellement exposé au Bangladesh à des traitements de la nature de ceux qui sont prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors au demeurant que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet du Calvados du 22 août 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles fondées sur les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme Buffet, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 juin 2020.
Le rapporteur,
P. B...
Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01045