Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 22 août 2018 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1802606 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mars 2019, M. A... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 1er février 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 22 août 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa demande et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travailler, le temps de l'instruction de la demande de titre de séjour, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de condamner l'Etat à verser la somme de 1 200 euros à Me D... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique, sous réserve que Me D... se désiste du bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
Sur le refus de titre de séjour :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit dans l'application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 mars 2019, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en rapporte à ses écritures de 1ère instance ainsi qu'au jugement attaqué.
La clôture de l'instruction est intervenue le 28 octobre 2019.
Un mémoire, enregistré le 18 mai 2020 et présenté pour M. B... n'a pas été communiqué.
Par une décision du 25 juin 2019, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant malien, né le 3 mars 2000 à Bamako (Mali), est entré irrégulièrement en France le 3 novembre 2016, à l'âge de seize ans, selon ses déclarations. Il a été pris en charge par le département du Calvados au titre de l'aide sociale à l'enfance à partir du 8 février 2017. Il a présenté le 15 mars 2018, une demande de carte de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, à titre subsidiaire sur le fondement des articles L. 313-15 et L. 313-7 du même code. Par un arrêté du 22 août 2018, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 1er février 2019, le tribunal a rejeté sa demande. M. B... fait appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., né le 3 mars 2000, a fait l'objet d'une ordonnance de placement provisoire du procureur de la République d'Evreux du 8 février 2017, soit à l'âge de 16 ans, et son placement à l'aide sociale à l'enfance a ensuite été maintenu. Il a déposé, le 15 mars 2018, une demande de carte de séjour, soit dans l'année qui a suivi son dix-huitième anniversaire. Il n'est ni établi ni même allégué qu'il constituerait une menace à l'ordre public. M. B..., a rencontré une conseillère d'orientation, en juillet 2017, puis il a été affecté dans l'établissement de formation professionnelle Yvonne Guégan à Hérouville-Saint-Clair. A la suite d'un premier stage au sein d'un restaurant, l'employeur a souhaité embaucher M. B... en tant qu'apprenti. Il a ainsi débuté un contrat d'apprentissage en octobre 2017 et a commencé sa formation en première année de certificat d'aptitude professionnelle (CAP) de cuisine auprès de l'ICEP-CFA de Caen. Le préfet a reconnu le sérieux du suivi de cette formation. Si les notes obtenues ont été faibles, avec une moyenne générale d'un peu plus de 9 sur 20, au vu des appréciations des professeurs elles ne révèlent pas un manque de sérieux ou de volonté mais reflètent les difficultés de M. B..., en écriture et en lecture, lequel ne savait ni lire ni écrire à son arrivée en France. Sa famille d'accueil a relevé notamment sa volonté d'intégration en France par le travail. La circonstance que M. B... ait quitté le Mali en raison de la précarité financière de sa famille et avec l'accord de sa mère, qui l'a aidé à obtenir des documents d'identité avant son départ, n'établit pas que l'intéressé ne remplit pas les critères posés par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que M. B... soutient sans être utilement contredit qu'il n'entretient plus de lien avec sa mère depuis son entrée en France, ce qui est corroboré par les pièces du dossier, aucune ne mentionnant de maintien des liens familiaux. En outre, il n'est pas contesté que son père est décédé en 2010. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que le préfet du Calvados, en refusant de lui délivrer une carte de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. La décision de refus de titre de séjour prise à son encontre est ainsi entachée d'illégalité.
5. La décision de refus de titre de séjour étant annulée, les décisions obligeant M. B... à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet du Calvados du 22 août 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
6. Le présent arrêt, qui annule le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français opposés à M. B..., implique, eu égard au motif qui le fonde, que le préfet procède à la délivrance de la carte de séjour sollicitée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à cette délivrance dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve que M. B... dispose d'un contrat de travail ou d'une proposition de contrat.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat, Me D..., peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me D..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 1er février 2019 et l'arrêté du préfet du Calvados du 22 août 2018 concernant M. B... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de procéder à la délivrance de la carte de séjour sollicitée par M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve que M. B... dispose d'un contrat de travail ou d'une proposition de contrat.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me D... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme Buffet, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 juin 2020.
Le rapporteur,
P. C...
Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00988