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19/06/2020 | FRANCE | N°19NT00945

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 19 juin 2020, 19NT00945


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 juillet 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du consul général de France à Dakar du 4 février 2016 rejetant la demande de visa de long séjour de Mme B... en qualité de conjoint de réfugié statutaire.

Par un jugement n° 1611138 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes

a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 juillet 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du consul général de France à Dakar du 4 février 2016 rejetant la demande de visa de long séjour de Mme B... en qualité de conjoint de réfugié statutaire.

Par un jugement n° 1611138 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 mars 2019 et 13 mars 2020, M. et Mme B..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 7 juillet 2016 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, à titre principal, de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de la demande de visa, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a omis d'examiner la possession d'état dont ils se prévalaient ;

- les documents qu'ils produisent pour établir l'identité de Mme B... et leur mariage sont authentiques ; ils justifient de la possession d'état ;

- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le refus opposé à Mme B... est manifestement disproportionné au but poursuivi;

- la substitution de motif sollicitée par le ministre porterait atteinte au principe de sécurité juridique et au principe de confiance légitime.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le requérant ne remplit pas les conditions pour bénéficier de la réunification familiale ; il a épousé Mme B... quatre ans après l'obtention du statut de réfugié et ne conteste pas que leur relation a commencé après l'obtention du statut ;

- les intéressés ne remplissaient pas les critères pour bénéficier du rapprochement familial ; au moment où sont engagées les démarches pour faire venir Mme B..., ils étaient mariés depuis moins d'un an ; en outre, la vie commune n'est pas démontrée ; M. B... aurait dû introduire une demande de regroupement familial auprès de l'OFII et non de réunification familiale auprès de l'OFPRA ; il n'établit pas avoir obtenu l'accord de la préfecture, la commission de recours était donc fondée à rejeter la demande de M. B... ;

- les autres moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me C..., pour M. et Mme B....

Une note en délibéré, enregistrée le 5 juin 2020, a été présentée pour M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. et Mme B..., ressortissants guinéens, tendant à l'annulation de la décision du 7 juillet 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. B... contre la décision du 4 février 2016 du consul général de France à Dakar rejetant la demande de visa de long séjour de Mme B... en qualité de conjoint de réfugié statutaire, déposée le 2 mars 2015. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige, issue de la loi du 29 juillet 2015 : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : /1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Par ailleurs, s'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint ou concubin ainsi qu'aux enfants mineurs d'un réfugié statutaire les visas qu'ils sollicitent, elles peuvent toutefois opposer un refus à une telle demande pour un motif d'ordre public, notamment en cas de fraude.

4. Aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'office est habilité à délivrer, après enquête s'il y a lieu, aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire les pièces nécessaires pour leur permettre soit d'exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d'actes d'état civil. / Le directeur général de l'office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu'il établit ont la valeur d'actes authentiques. / Ces diverses pièces suppléent à l'absence d'actes et de documents délivrés dans le pays d'origine. (...).".

5. La décision du 7 juillet 2016 contestée a été prise sur le fondement de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise qu'elle ne méconnaît pas " le principe de l'unité de la famille dont bénéficient les réfugiés statutaires " dès lors que l'identité de Mme B... et son mariage avec M. B... ne sont pas établis, ces derniers ayant produit des documents dépourvus de valeur probante et révélant une intention frauduleuse.

6. Pour justifier de l'identité de Mme B..., les intéressés produisent plusieurs attestations du maire de la commune de Diountou (Guinée) certifiant l'authenticité de l'acte de naissance délivré à Mme B.... Ces attestations suffisent à établir l'identité de l'intéressée, le ministre se bornant à faire état de ce que cet acte de naissance comporterait un code erroné. Par ailleurs, le certificat établi, conformément aux dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par le directeur de l'OFPRA, atteste du mariage, le 13 juillet 2014, au Sénégal de M. et Mme B.... Le caractère authentique de ce certificat n'est aucunement discuté par le ministre. Par suite, l'existence du lien matrimonial unissant les intéressés est établi.

7. Compte tenu des développements qui précèdent, et des pièces produites par M. B... attestant des liens qu'il entretient avec son épouse, notamment des transferts d'argent à son profit, des justificatifs de voyages de M. B... pour rejoindre son épouse au Sénégal, où est né leur enfant le 24 novembre 2016, en refusant par la décision contestée le visa sollicité, la commission, dans les circonstances de l'espèce, a porté au droit de M. et Mme B... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte excessive aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même que M. B... s'est vu reconnaitre la qualité de réfugié statutaire le 21 septembre 2010 et s'est marié le 13 juillet 2014, c'est-à-dire postérieurement à la date d'introduction de sa demande d'asile.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et les autres moyens de la requête, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit procédé à la délivrance du visa sollicité dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige:

10. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 15 novembre 2018 du tribunal administratif de Nantes 2018 est annulé.

Article 2 : La décision du 7 juillet 2016 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme D... B... le visa sollicité dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me C..., une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme A..., présidente-assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juin 2020.

Le rapporteur,

C. A...Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00945


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00945
Date de la décision : 19/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-19;19nt00945 ?
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