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19/06/2020 | FRANCE | N°19NT00877

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 19 juin 2020, 19NT00877


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2018 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1802627 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2019, M. C...

B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2018 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1802627 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2019, M. C... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 1er février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 28 septembre 2018 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard ;

6°) de condamner l'Etat à verser la somme de 1 500 euros à Me A... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique, sous réserve que Me A... se désiste du bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

Sur le refus de titre :

- la décision attaquée méconnaît le 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision attaquée est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2019, le préfet du Calvados conclut à titre principal, au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à ce que la demande tendant à la condamnation aux frais irrépétibles soit minorée.

Il fait valoir qu'il s'en rapporte à ses écritures de 1ère instance ainsi qu'au jugement attaqué et que le 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été méconnu.

Par une décision du 11 mars 2019, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., né le 7 février 2000 à Bamako (Mali), de nationalité malienne, est entré irrégulièrement en France le 19 janvier 2016. Saisi le 24 mai 2018 d'une demande de titre de séjour examinée sur le fondement du 2° bis et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des articles L. 313-7, L. 313-14 et L. 313-15 du même code, le préfet du Calvados a pris à l'encontre de l'intéressé un arrêté du 28 septembre 2018 lui refusant le séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 1er février 2019, le tribunal a rejeté sa demande. M. B... fait appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour:

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ".

3. Lorsqu'il examine une demande de carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance à l'âge de seize ans ou moins, qu'il justifie suivre une formation et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., né le 7 février 2000, a fait l'objet d'une ordonnance de placement provisoire du procureur de la République du tribunal pour enfants E... le 2 février 2016, soit à l'âge de 15 ans, et son placement à l'aide sociale à l'enfance a été maintenu par un jugement du juge des enfants du 14 février 2016. Il a déposé, le 24 mai 2018, une demande de titre de séjour en qualité d'étranger confié à l'aide sociale à l'enfance, soit dans l'année qui a suivi son dix-huitième anniversaire. Il n'est ni établi ni même allégué qu'il constituerait une menace à l'ordre public. M. B... a été scolarisé, pour l'année 2016-2017, au lycée Magne de Lisieux, en classe de français langue étrangère. Il n'a pas été retenu, pour l'année 2017-2018, en CAP (certificat d'aptitude professionnelle) de peinture. Il n'a pas davantage réussi à trouver un contrat d'apprentissage en peinture. Depuis le 14 mars 2018, le requérant était inscrit au programme de décrochage scolaire au sein du lycée Paul Cornu à Lisieux et était à la recherche d'un contrat d'apprentissage en menuiserie. Si, depuis le 12 décembre 2018, il est scolarisé en première année de CAP de menuiserie, cette circonstance est postérieure à l'arrêté attaqué. Si ses stages professionnels, de quelques jours uniquement, se sont bien déroulés, il ressort de ses bulletins de note pour l'année 2016/2017, que M. B..., au dernier trimestre, n'a effectué aucun effort pour progresser et était désinvesti, subissant sa scolarité et n'ayant pas le niveau pour intégrer un CAP. Sa structure d'accueil a indiqué, dans un avis du 17 mai 2018, qu'il avait de grandes difficultés à s'exprimer devant les adultes et un niveau scolaire semblant faible, accompagné de difficultés à s'intégrer. Si le requérant fait valoir qu'un bilan psychologique, réalisé en décembre 2018 mais pouvant révéler des faits antérieurs, a démontré " une grande lenteur dans le traitement cognitif ", cela ne saurait suffire à justifier les éléments précités. Ainsi, alors même que M. B... n'a plus de contacts, depuis son entrée en France, avec ses parents et frères et soeurs restés au Mali, et à supposer même qu'un programme de décrochage scolaire puisse être regardé comme une formation au sens des dispositions précitées, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des critères posés par le 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. B... est entré en France en janvier 2016, soit moins de trois ans avant la décision attaquée. A la date de la décision attaquée, il était inscrit dans un programme de décrochage scolaire. Il est célibataire, sans enfant et ne fait pas état d'attaches particulières en France. Ses parents et frères et soeurs vivent encore au Mali, pays dans lequel il a vécu la majeure partie de sa vie et il n'est ni établi ni même allégué qu'il ne pourrait pas retourner vivre avec eux. Dès lors le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français:

7. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 4 à 6, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté, par le jugement attaqué, sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions fondées sur les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 juin 2020.

Le rapporteur,

P. D...

Le président,

T. CELERIER Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00877
Date de la décision : 19/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : BLACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-19;19nt00877 ?
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