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19/06/2020 | FRANCE | N°19NT00386

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 19 juin 2020, 19NT00386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... I... A... et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 mars 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Brazzaville rejetant implicitement leurs demandes de visa de long séjour présentées au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 1603461 du 29 novembre 2018, le tribunal administrati

f de Nantes a annulé la décision contestée en tant qu'elle concerne le refus de vi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... I... A... et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 mars 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Brazzaville rejetant implicitement leurs demandes de visa de long séjour présentées au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 1603461 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision contestée en tant qu'elle concerne le refus de visa opposé à M. B... A... et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 24 janvier 2019 et le 10 septembre 2019, M. C... I... A..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 novembre 2018 en tant qu'il n'a que partiellement annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 4 mars 2016 ;

2°) d'annuler la décision contestée en tant qu'elle maintient le refus de visa qui lui a été opposé ;

3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer le visa sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le lien de filiation avec son père qu'il a été autorisé à rejoindre en France est établi tant par les documents d'état civil produits que par possession d'état.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... J... A..., ressortissant de la République du Congo né le 19 octobre 1975 et résidant régulièrement en France, a obtenu le 26 mars 2013 le bénéfice du regroupement familial en faveur de l'enfant C... I... K... A... F..., né le 24 décembre 1997 à Pointe-Noire et de l'enfant B... I... G... A... H..., né le 17 juillet 2005 à Brazzaville, présentés comme ses fils. Le 10 mai 2013, des demandes de visa de long séjour ont été déposées, au titre de ce regroupement familial, auprès des autorités consulaires françaises en poste à Brazzaville, lesquelles ont implicitement opposé un refus à chacune des demandes. Par une décision 4 mars 2016, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé ces refus. Le tribunal administratif de Nantes a, par un jugement du 29 novembre 2018, annulé la décision de la commission seulement en tant qu'elle concerne l'enfant B... I... A.... M. C... I... A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de la demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Dans le cas où la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité diplomatique ou consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir l'identité du demandeur de visa ou encore le lien familial entre celui-ci et le membre de famille que celui-ci entend rejoindre.

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

4. Il ressort des termes de la décision contestée que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fondé son refus sur, d'une part, la circonstance que l'acte de naissance du père allégué du requérant avait été reconstitué le 16 juin 1998 soit 23 ans après l'événement et un an avant la naissance de ce dernier et, d'autre part, le fait que la réquisition aux fins de reconstitution de l'acte de naissance du père n'était pas conforme à l'article 82 du code de la famille.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'acte de naissance de M. B... J... A..., que le requérant présente comme son père, a été reconstitué le 16 juin 1998 sur le fondement des réquisitions aux fins d'une déclaration tardive de naissance du Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Brazzaville du 20 mai 1998. Si l'acte de naissance n° 37/98 présenté par le requérant en vue d'établir son identité et son lien de filiation avec M. B... J... A..., fait état d'une déclaration de naissance reçue le 9 janvier 1998, soit antérieurement à la reconstitution de l'acte de naissance de son père, le requérant fait valoir sans être contredit que l'enregistrement des déclarations de naissance n'est pas subordonné à la production de documents d'état civil des parents. Le ministre de l'intérieur n'apporte aucun élément de nature à démontrer que le droit ou les usages locaux exigeraient la présentation, lors des déclarations de naissance, des actes d'état civil de chacun des parents ou encore du déclarant. Dans ces conditions, la circonstance que l'acte de naissance du requérant ait été dressé antérieurement à la reconstitution de l'acte de naissance de son père ne suffit pas à priver cet acte de valeur probante. De même, si devant le juge, le ministre de l'intérieur fait valoir que l'acte de naissance en cause indique que la mère est née le 30 mai 1978 alors qu'il ressort d'autres documents d'état civil, notamment de l'acte de naissance du frère du requérant, que leur mère est née le 13 mai 1978, cette discordance doit être regardée comme une simple erreur matérielle qui n'est pas de nature à remettre en cause le lien de filiation revendiqué avec le père.

6. D'autre part, ainsi que le reconnaît le ministre de l'intérieur, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est à tort fondée sur l'article 82 du code de la famille en vigueur en République démocratique du Congo alors que les documents d'état civil produits au soutien de la demande émanent de l'administration de la République du Congo dont les intéressés sont ressortissants.

7. Il suit de là qu'en estimant que l'identité de l'enfant C... A... F... et, partant, son lien de filiation avec M. B... J... A... n'étaient pas établis, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Eu égard au motif d'annulation sur lequel il repose, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, la délivrance d'un visa de long séjour à M. C... I... K... A... F.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement au requérant de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 novembre 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande dirigée contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 4 mars 2016 en tant qu'elle maintient le refus de visa opposé à M. C... I... K... A... F....

Article 2 : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 4 mars 2016 est annulée en tant qu'elle maintient le refus de visa opposé à M. C... I... K... A... F....

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, un visa de long séjour à M. C... I... K... A... F....

Article 4 : L'Etat versera à M. C... I... K... A... F... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... I... K... A... F... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pérez, président,

Mme Brisson, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juin 2020.

Le rapporteur,

K. D...

Le président,

A. PEREZLe greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00386
Date de la décision : 19/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : LEBRIQUIR

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-19;19nt00386 ?
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