Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme H... A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 15 décembre 2017 par laquelle le président du conseil départemental du Loiret a retiré son agrément d'assistante maternelle.
Par un jugement n° 1801757 du 6 juin 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 août 2019 et le 8 novembre 2019, Mme E... H... A... B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1801757 du tribunal administratif d'Orléans du 6 juin 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 15 décembre 2017 par laquelle le président du conseil départemental du Loiret a retiré son agrément d'assistante maternelle ;
3°) de mettre à la charge du département du Loiret la somme de trois mille euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal administratif d'Orléans est irrégulier en raison de son insuffisance de motivation ; le raisonnement tenu par le tribunal administratif sur le moyen tiré de l'atteinte à sa liberté de conscience et de croyance est entaché d'incohérence ;
- le jugement du tribunal administratif d'Orléans est irrégulier en raison d'une erreur de fait quant à ses déclarations devant la commission consultative paritaire départementale ;
- la décision contestée porte atteinte à sa liberté de conscience ou de croyance ; les motifs avancés dans la décision se rapportent clairement et directement à ses convictions religieuses ; la décision l'a nécessairement sanctionnée pour l'expression de ses convictions religieuses, la privant d'un métier ; le principe de laïcité ne s'applique pas à elle, alors qu'elle n'est pas un agent public ; elle travaille comme salarié de particuliers employeurs et est soumise à certaines dispositions du code du travail, dont la liste est dressée par les articles L. 423-1 et L. 423-2 du code de l'action sociale et des familles ; les conditions de travail la concernant, y compris afférentes à la liberté religieuse, sont directement régies par le contrat de travail et les éventuelles conventions collectives ; ni les contrats de travail conclus ni la convention collective nationale de travail des assistants maternels et du particulier employeur ne prévoient une obligation de neutralité ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles et de l'annexe 4-8 du code ; l'influence de ses pratiques religieuses sur ses pratiques professionnelles entrainant des conditions d'accueil discriminatoires, le refus d'accès des parents aux pièces dédiées à l'accueil des enfants et son indisponibilité pour exercer ses fonctions d'assistante maternelle à domicile ne sont pas établis ; elle ne fait preuve d'aucun prosélytisme religieux ; le refus de servir du porc aux enfants gardés ne peut constituer une pratique religieuse abusive ni ne crée des conditions d'accueil ne satisfaisant pas la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants, voire discriminatoires ; elle a accepté devant la commission d'accueillir les pères des enfants sans laisser la porte ouverte ; elle ne s'oppose pas à l'accès des parents aux pièces dédiées à l'accueil des enfants mais n'autorise pas l'accès illimité et sans son accord préalable des parents à l'ensemble des pièces qui constituent son domicile ; la seule circonstance qu'elle assure la scolarité de ses enfants à domicile n'établit pas qu'elle serait indisponible pour exercer ses fonctions d'assistante maternelle.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 octobre 2019 et le 20 novembre 2019, le département du Loiret, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme H... A... B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Mme H... A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 septembre 2019.
Vu :
- la Constitution ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2012-364 du 15 mars 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G..., première conseillère,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... H... A... B... s'est vu délivrer, par décision du président du conseil départemental du Loiret du 2 juin 2015, un agrément d'assistante maternelle pour l'accueil d'un enfant mineur à la journée. Cet agrément a été modifié par une décision du président du conseil départemental du 31 mars 2016 pour permettre à l'intéressée d'accueillir deux enfants mineurs à la journée. Par une décision du 15 décembre 2017, le président du conseil départemental a retiré l'agrément dont bénéficiait Mme H... A... B... en qualité d'assistante maternelle. Mme H... A... B... relève appel du jugement du 6 juin 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président du conseil départemental du Loiret du 15 décembre 2017.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ".
3. Le tribunal administratif d'Orléans a apporté, au point 4 de son jugement, une réponse au moyen soulevé par Mme H... A... B... tiré de la méconnaissance du principe de liberté de conscience et de religion, laquelle n'est aucunement, contrairement à ce que soutient l'appelante, entachée de contradiction.
4. En second lieu, si Mme H... A... B... soutient que les premiers juges auraient commis une erreur de fait quant à la portée de ses déclarations devant la commission consultative paritaire départementale, qui s'est réunie le 28 novembre 2017, ce moyen procède toutefois d'une contestation du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. L'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " L'assistant maternel est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon non permanente des mineurs à son domicile. / L'assistant maternel accueille des mineurs confiés par leurs parents, directement ou par l'intermédiaire d'un service d'accueil mentionné à l'article L. 2324-1 du code de la santé publique. Il exerce sa profession comme salarié de particuliers employeurs ou de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues au chapitre III du présent livre, après avoir été agréé à cet effet ". L'article L. 421-3 du même code dispose que : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside / Un référentiel approuvé par décret en Conseil d'Etat fixe les critères d'agrément. (...) / L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne (...) ". L'article L. 421-6 du même code dispose que : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-3 du même code : " Pour obtenir l'agrément d'assistant maternel ou d'assistant familial, le candidat doit : / 1° Présenter les garanties nécessaires pour accueillir des mineurs dans des conditions propres à assurer leur développement physique, intellectuel et affectif (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant, de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être.
7. Il ressort des pièces du dossier que la décision du président du conseil départemental du Loiret du 15 décembre 2017 portant retrait de l'agrément de Mme H... A... B... est fondée sur les motifs suivants : " Mme A... B... n'est pas en capacité de respecter le principe de laïcité dans l'exercice de sa profession. / Ses pratiques professionnelles sont fortement influencées par ses pratiques religieuses qui restent une priorité pour elle au détriment d'un accueil non discriminatoire. / Mme A... B... n'a pas démontré lors des débats qu'elle laisserait les parents accéder aux pièces dédiées à l'accueil des enfants. / Par ailleurs, Mme A... B... n'est pas suffisamment disponible pour exercer le métier d'assistante maternelle : Madame gère la scolarité de ses deux enfants à domicile (école à la maison) ".
8. En premier lieu, la décision contestée n'a aucunement pour objet de porter atteinte à la liberté de conscience ou de croyance de Mme H... A... B..., ni de lui imposer le respect du principe de laïcité tel qu'il s'impose aux agents publics, mais uniquement de retirer l'agrément d'assistante maternelle dont elle disposait depuis l'année 2015. La seule circonstance que certains des motifs de la décision de retrait mentionnent les pratiques religieuses de l'intéressée ne porte pas atteinte à sa liberté religieuse dès lors que le président du conseil départemental du Loiret s'est borné à apprécier si le comportement global de Mme H... A... B..., compte tenu notamment de ses choix familiaux et de ses pratiques religieuses, présentait des garanties suffisantes pour l'accueil et l'épanouissement des enfants accueillis. Il suit de là que le moyen tiré de l'atteinte portée à la liberté de conscience et de croyance de Mme H... A... B... doit être écarté.
9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le département, alerté par des formateurs ayant accueilli Mme H... A... B... en formation et qui ont rapporté certains propos de cette dernière, deux éducatrices de jeunes enfants ont effectué, à la demande du département, une visite inopinée au domicile de l'intéressée le 15 juin 2017. Il résulte de leurs constatations que Mme H... A... B..., qui s'était montrée réticente à l'idée d'accueillir les agents du service de la protection maternelle et infantile, ne pouvait offrir qu'une disponibilité réduite pour l'accueil des jeunes enfants puisque ses deux enfants, alors âgés de 5 et 6 ans, sont scolarisés à domicile par ses soins, plusieurs heures par jour. L'intéressée a au demeurant reconnu au cours de cette visite inopinée son absence de disponibilité totale en raison de la scolarisation à domicile de ses propres enfants et a ultérieurement, lors de ses observations devant la commission paritaire indiqué qu'elle n'est pas disponible pour garder des enfants les matins du lundi au jeudi inclus. Il ressort également de ces constatations que Mme H... A... B... a témoigné d'une réticence à l'idée que les pères assurent l'accompagnement de leurs enfants, préférant avoir des relations avec les mères. Elle a indiqué accepter de montrer les pièces d'accueil des enfants à leurs pères lors des premières visites mais ne souhaiter les recevoir ultérieurement que dans l'entrée de son logement, en maintenant la porte de l'appartement ouverte. Les éducatrices ont en outre relevé chez l'intéressée des conceptions éducatives rigides, " voire inquiétantes pour ses propres enfants ", et ont souligné que l'isolement progressif de l'intéressée et de ses enfants n'apparaissait pas compatible avec un agrément d'assistante maternelle. Dans ces conditions, le président du conseil départemental du Loiret n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que les conditions d'accueil offertes par Mme H... A... B... ne pouvaient plus être regardées comme garantissant la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme H... A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président du conseil départemental du Loiret du 15 décembre 2017.
Sur les frais du litige :
11. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Loiret, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme H... A... B... demande au profit de son avocat en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme H... A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... H... A... B... et au département du Loiret.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président,
- M. Jouno, premier conseiller,
- Mme G..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 juin 2020.
La rapporteure,
M. G...Le président,
L. Lainé
La greffière,
M. D...
La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03245
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