Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision du 4 novembre 2016 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires du grand ouest a rejeté le recours administratif préalable obligatoire qu'il a formé contre la sanction de déclassement d'emploi qui lui a été infligée le 29 août 2016 par la commission de discipline de la maison d'arrêt du Mans et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 1700806 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires du grand ouest du 4 novembre 2016 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 mai 2019 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B....
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, la composition de la commission de discipline était régulière ; les dispositions de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale ont ainsi été respectées ;
- le surplus des moyens soulevés en première instance est infondé ; ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision de poursuite doit être écarté comme manquant en fait ; les droits de la défense et les dispositions de l'article R. 57-7- 16 du code de procédure pénale ont été respectés ; la sanction appliquée était proportionnée.
Par un mémoire, enregistré le 6 février 2020, M. B..., représenté par l'association d'avocats Thémis, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno, rapporteur,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., alors incarcéré à la maison d'arrêt du Mans-Les Croisettes, a commis, le 12 août 2016, des faits ayant motivé l'application, le 29 août 2016, d'une sanction de déclassement de la formation professionnelle qu'il suivait. Le recours administratif formé contre cette mesure a été rejeté par le directeur interrégional des services pénitentiaires par une décision du 4 novembre 2016, notifiée le 14 novembre 2016. Par l'article 1er du jugement du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette dernière décision. La garde des sceaux, ministre de la justice, relève appel de ce jugement dans cette mesure.
2. La substitution à la décision disciplinaire initiale de la décision prise par le directeur interrégional des services pénitentiaires sur le recours administratif préalable obligatoire dont il est saisi ne fait pas obstacle à ce que soit invoqué à l'encontre de cette décision un moyen tiré de l'irrégularité de la procédure préalable à la décision disciplinaire initiale.
3. Aux termes de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". Aux termes de l'article R. 57-7-8 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs. / Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement. / Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance ". Aux termes de l'article R. 57-7-14 du même code : " A la suite de ce compte rendu d'incident, un rapport est établi par un membre du personnel de commandement du personnel de surveillance, un major pénitentiaire ou un premier surveillant et adressé au chef d'établissement. Ce rapport comporte tout élément d'information utile sur les circonstances des faits reprochés à la personne détenue et sur la personnalité de celle-ci. L'auteur de ce rapport ne peut siéger en commission de discipline. (...) ".
4. En l'espèce, d'une part, il ressort des pièces du dossier que la commission de discipline était présidée par le directeur adjoint de l'établissement qui, en vertu d'une décision du 8 mars 2016, assurait à compter de cette date, par intérim, les fonctions de chef d'établissement. Or, il n'est ni établi ni même allégué que cet intérim avait cessé le 29 août 2016, lorsque la commission de discipline s'est réunie. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier, et notamment du registre de la séance de la commission de discipline, que le président de la commission de discipline était assisté de deux assesseurs présentant les qualités requises par les dispositions précitées. En effet, outre l'assesseur issu de l'administration pénitentiaire, la commission comprenait un assesseur choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire, lequel avait été habilité à siéger en commission de discipline par une décision du président du tribunal de grande instance du Mans du 7 juin 2011.
5. Il suit de là que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision contestée au motif que la composition de la commission de discipline était irrégulière.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B..., tant en première instance que devant la cour.
7. En premier lieu, par une décision du 8 mars 2016, dont il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas été régulièrement publiée, le directeur par intérim de la maison d'arrêt du Mans-Les Croisettes a donné délégation à M. D..., chef de détention, pour signer, notamment, les décisions d'engagement des poursuites disciplinaires. Par suite, le moyen tiré de ce que M. D... n'était pas compétent pour engager les poursuites manque en fait.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale : " En cas d'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique sont portés à la connaissance de la personne détenue. Le dossier de la procédure disciplinaire est mis à sa disposition. / La personne détenue est informée de la date et de l'heure de sa comparution devant la commission de discipline ainsi que du délai dont elle dispose pour préparer sa défense. Ce délai ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. / Elle dispose de la faculté de se faire assister par un avocat de son choix ou par un avocat désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats et peut bénéficier à cet effet de l'aide juridique. (...) ".
9. M. B... se prévaut de ce que son avocat l'ayant représenté lors de la commission de discipline n'a obtenu la communication d'une copie du dossier de la procédure disciplinaire le concernant que par un courriel émis le 29 août 2016 à 16 heures 17, soit postérieurement à la séance de la commission qui s'est tenue le même jour à 14 heures. Il ne peut toutefois utilement invoquer la violation de l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale, qui ne s'applique pas aux poursuites disciplinaires exercées à l'égard des détenus.
10. En revanche, d'une part, il ressort des pièces du dossier que, si M. B... a effectivement reçu une convocation à la séance de la commission de discipline de l'établissement prévue le 29 août 2016 à 14 heures 00 et a signé cette convocation en mentionnant, comme date de remise en main propres de celle-ci, le " 28 août 2016 " à " 14 heures 00 ", ces dernières mentions sont erronées, comme l'a souligné son avocat lui-même en séance, lors de la commission de discipline, dès lors que la convocation avait été remise dès le 26 août 2016. Il ressort en outre des mentions d'un bordereau de remise de pièces daté du 26 août 2016 que M. B... a obtenu la communication du dossier de la procédure disciplinaire et qu'il a indiqué comme date de remise en mains propres de celui-ci le " 28 août 2016 " à " 14 heures 00 ". Aucun élément du dossier ne révèle qu'il n'aurait pas continué à avoir accès à ce dossier par la suite, y compris durant la séance de la commission de discipline. Enfin, il n'est ni établi ni même allégué que M. B... ait demandé que son avocat dispose, avant la réunion de la commission de discipline, du dossier de la procédure disciplinaire. Dans ces circonstances, les moyens tirés, d'une part, d'une méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure et des droits de la défense et, d'autre part, d'une violation de la garantie tenant à la mise à disposition du dossier de la procédure disciplinaire, prévue par l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale, doivent être écartés.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction alors applicable : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : / (...) 11° de causer délibérément un dommage aux locaux ou au matériel affecté à l'établissement, hors le cas prévu au 10° de l'article R. 57-7-1 (...) ", lequel vise tout " dommage de nature à compromettre la sécurité ou le fonctionnement normal de [l'établissement] ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 57-7-33 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable : " Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : / (...) / 7° La mise en cellule disciplinaire. ". Aux termes de l'article R. 57-7-47 du même code : " (...) la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder (...) quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-34 du même code : " Lorsque la personne détenue est majeure, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent également être prononcées : / (...) / 2° Le déclassement d'un emploi ou d'une formation lorsque la faute disciplinaire a été commise au cours ou à l'occasion de l'activité considérée (...) ".
12. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
13. Il ressort des pièces du dossier que, le 12 août 2016, M. B..., qui participait à une formation professionnelle, a dégradé des objets en fabrication. Or ces faits justifiaient une sanction de deuxième degré dès lors que la dégradation commise présentait, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu M. B... notamment devant la commission de discipline, un caractère délibéré et qu'elle était commise sur du matériel affecté, dans le cadre de la formation en cause, à l'établissement pénitentiaire. A ce titre, ces faits étaient d'ailleurs de nature à motiver l'application d'une sanction de mise en cellule disciplinaire pour une durée maximale de quatorze jours. Or, seule une sanction de déclassement de formation a été prononcée. Dès lors, cette dernière apparaît proportionnée à la faute commise.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la garde des sceaux, ministre de la justice, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision contestée. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'avocat de M. B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700806 du 28 mai 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'AARPI Thémis, avocat de M. B..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'AARPI Thémis et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Jouno, premier conseiller,
- Mme E..., première-conseillère.
Lu en audience publique, le 12 juin 2020.
Le rapporteur,
T. JounoLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03019
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