Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Montauban de Bretagne a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes, premièrement, de condamner solidairement la SARL Petr Architectes, anciennement dénommée Fred Petr, la SARL Vilboux menuiserie, son mandataire judiciaire la SCP Despres, et la SARL Société entreprise Neveu à lui verser, à titre provisionnel, la somme de 23 749,17 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre de la réparation des menuiseries en façade sud d'un ensemble immobilier à usage de gendarmerie, deuxièmement, de condamner solidairement la SARL Petr Architectes, la SARL Vilboux menuiserie, son mandataire judiciaire la SCP Despres, à lui verser la somme de 6 796,01 euros TTC au titre de la réparation de la porte d'entrée du logement 4 et la somme de 89 345,11 euros TTC au titre de la réparation des autres menuiseries, troisièmement, de condamner la société Groupama à l'indemniser des travaux de réparation des dommages dans la limite de la somme provisionnelle de 56 042,63 euros TTC, correspondant aux montants des travaux, maîtrise d'oeuvre incluse, nécessaires pour traiter les conséquences des infiltrations, quatrièmement, de condamner solidairement la SARL Petr Architectes, la SARL Vilboux menuiserie, son mandataire judiciaire la SCP Despres, la SARL société entreprise Neveu et la société Groupama à lui verser, à titre provisionnel, les sommes de 24 813 euros TTC au titre des pertes de loyer subies depuis 2012, 24 813 euros TTC au titre des pertes de loyer subies en 2013 et 19 190,61 euros TTC au titre des pertes de loyers subies à compter de 2014 et jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois suivant le jour où la décision de justice à intervenir sera définitive, la somme de 3 777,82 euros TTC, au titre des honoraires de location et des frais de déménagement, cinquièmement, de condamner solidairement la SARL PETR Architectes, la SARL Vilboux menuiserie, son mandataire judiciaire la SCP Despres, la SARL société entreprise Neveu et la société Groupama à lui verser, à titre provisionnel, la somme de 7 490,92 euros TTC au titre des investigations, de l'assistance technique et des mesures conservatoires. Ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête au fond et de la capitalisation des intérêts. Enfin la commune de Montauban de Bretagne a demandé au tribunal de condamner solidairement la SARL Petr Architectes, la SARL Vilboux menuiserie, son mandataire judiciaire la SCP Despres, la SARL société entreprise Neveu et la société Groupama à lui verser, à titre provisionnel, la somme de 424,03 euros TTC au titre des frais d'huissier et de 10 741,90 euros TTC au titre des frais d'expertise judiciaire.
Par une ordonnance n° 1705305 du 26 mars 2019, le président du tribunal administratif de Rennes, en qualité de juge des référés, premièrement, a condamné les sociétés Petr Architectes, Vilboux et Neveu solidairement à verser à la commune de Montauban de Bretagne une provision d'un montant de 23 749,17 euros TTC au titre des désordres affectant les menuiseries en façades sud, deuxièmement, a condamné solidairement les sociétés Petr Architectes et Vilboux à verser à la commune de Montauban de Bretagne une provision d'un montant de 6 796,01 euros TTC au titre de la réparation de la porte d'entrée du logement 4 ainsi qu'une provision d'un montant de 89 345,11 euros TTC au titre de la réparation des autres menuiseries, troisièmement, a condamné solidairement les sociétés Petr, Vilboux et Neveu à verser à la commune de Montauban de Bretagne une provision d'un montant de 7 490,92 euros TTC au titre des travaux d'investigations, d'assistance technique et mesures conservatoires et de 81 560,09 euros TTC au titre des pertes locatives, quatrièmement, a condamné la société Groupama à verser à la commune de Montauban de Bretagne une provision d'un montant de 49 626 euros TTC, au titre des pertes locatives, cinquièmement, a condamné solidairement les sociétés Petr, Vilboux et Neveu à verser à la commune de Montauban de Bretagne une provision d'un montant de 3 777,82 euros au titre des honoraires de location et d'hébergement, sixièmement, a condamné la société Groupama à verser à la commune de Montauban de Bretagne une provision d'un montant de 44 236,81 euros HT, au titre du volet dégâts des eaux de la police d'assurance multirisques souscrite, septièmement, a condamné solidairement les sociétés Petr, Vilboux et Neveu à verser à la commune de Montauban de Bretagne une provision d'un montant de 10 741,90 euros TTC au titre des frais d'expertise judiciaire et une provision d'un montant de 424,03 euros TTC au titre des frais d'huissier.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 avril 2019, la société Vilboux Menuiserie, représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 26 mars 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes ;
2°) à titre subsidiaire, de retenir le devis qu'elle a présenté comme base d'indemnisation au titre des travaux de réfection des désordres, et en toute hypothèse, de ramener les postes de préjudice à de plus justes proportions ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Montauban de Bretagne la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'obligation mise à sa charge est sérieusement contestable ; à la date de la réception les malfaçons en litige étaient décelables ; l'impropriété à la destination n'est pas caractérisée ; c'est à tort que l'expert et le juge des référés ont retenu que les dommages lui étaient imputables s'agissant des désordres sur les menuiseries hors façade sud et porte d'entrée du logement n°4 ;
- le montant de la provision est sérieusement contestable ; le remplacement de la totalité des menuiseries par des menuiseries de type monobloc est injustifié ; il n'y a pas de lien de causalité directe entre les pertes de loyer déplorées et les désordres, notamment en raison de l'absence de souscription par la commune d'une garantie " dommages ouvrages " au regard de l'article L. 242-1 du code des assurances ; le préjudice en lien avec les honoraires de location et d'hébergement n'est pas établi dès lors qu'il nait d'un accord de volonté entre la commune et l'Etat et que les frais retenus n'étaient pas indispensables au relogement des locataires.
Par un mémoire, enregistré le 28 mai 2019, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de la Loire, dite Groupama Loire Bretagne, représentée par Me B..., agissant en qualité d'assureur de la commune de Montauban de Bretagne, demande à la cour, d'une part, de lui décerner acte de son offre d'indemnisation de la commune de Montauban de Bretagne à hauteur de 44 236,81 euros au titre des conséquences des dégâts des eaux constatés et 49 626 euros au titre des pertes de loyers sous réserve de la franchise contractuelle, et d'autre part, de condamner solidairement les sociétés Petr Architectes, Vilboux menuiserie, Despres et Neveu à la garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre, et de mettre à la charge de toute partie succombante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le caractère décennal des désordres a été retenu alors que les infiltrations ont été dénoncées dès avant la réception des travaux ;
- eu égard au contrat d'assurance multi risques conclu entre la commune et l'exposante, cette dernière ne doit garantir que les risques liés aux conséquences des dégâts des eaux et, au titre des préjudices de loyers, il y lieu de limiter le montant dû à deux ans de perte de loyers ;
- les sociétés Petr Architectes, Vilboux menuiserie, Despres et Neveu doivent la garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre compte-tenu des fautes imputables à ces sociétés et mises en lumière par le rapport d'expertise.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 juin 2019 et 27 février 2020, la commune de Montauban de Bretagne, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et des conclusions présentées par la société Petr Architectes et demande de mettre à la charge de la société Vilboux menuiserie une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Vilboux menuiserie, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire et la société Petr Architectes ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2020, la société Petr Architectes, représentée par la SELARL Groleau, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler l'ordonnance attaquée et de rejeter les conclusions indemnitaires de la commune de Montauban de Bretagne ;
2°) subsidiairement, de rejeter toute demande de condamnation dirigée contre elle ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, sur le désordre n° 1 de condamner les sociétés Vilboux menuiserie et Entreprise Neveu, à la garantir à hauteur de 100 % de toute condamnation éventuelle et à défaut de fixer à 5% sa part de responsabilité et pour le reste de condamner les sociétés Vilboux menuiserie et Entreprise Neveu à la garantir totalement, sur le désordre n° 2 de fixer à 50 % sa part de responsabilité et pour le reste de condamner la société Vilboux menuiserie à la garantir totalement, sur le désordre n° 3 de condamner la société Vilboux menuiserie à la garantir à hauteur de 100 % de toute condamnation éventuelle et, à défaut, de fixer à 1 % sa part de responsabilité et pour le reste de condamner la société Vilboux menuiserie à la garantir ; sur les dommages consécutifs aux désordres de condamner les sociétés Vilboux menuiserie et Entreprise Neveu à la garantir totalement ;
4°) de mettre à la charge solidaire des parties perdantes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- la demande de la commune de Montauban de Bretagne est irrecevable dès lors que le décompte général du lot n° 5 a été signé par le maitre d'ouvrage et notifié à la société Vilboux menuiserie le 9 octobre 2012 ;
- subsidiairement, le recours est mal fondé ; si la réalité et la nature des désordres ne sont pas contestés, l'imputabilité de ces désordres à l'exposante n'est pas établie : sur le désordre n°1 elle n'avait initialement pas de mission contractuelle rémunérée de coordination et elle n'a eu de cesse de rappeler les diverses sociétés, dont la société Vilboux menuiserie, à leurs obligations ; sur le désordre n° 2 les infiltrations sont uniquement dues à un défaut d'exécution et non de conception ; sur les autres menuiseries, les désordres sont imputables à un défaut de fabrication exclusivement imputable à la société Vilboux menuiserie ;
- les préjudices dont se prévaut la commune ne sont pas établis, les travaux de reprise proposés par l'expert sont disproportionnés et le préjudice de perte de loyers est entaché d'une erreur de calcul ;
- à titre subsidiaire, si elle devait être condamnée, la responsabilité délictuelle des sociétés Vilboux menuiserie et Entreprise Neveu serait engagée : pour le désordre n° 1 elle n'a eu de cesse de rappeler ces entreprises à leurs obligations, pour le désordre n° 2 sa responsabilité sera limitée à 50 % dès lors que le désordre est dû à la fois à un défaut de conception et à un défaut d'exécution imputable à la société Vilboux menuiserie et pour le désordre n° 3 l'expert a estimé que celui-ci était exclusivement dû à un défaut de fabrication imputable à la société Vilboux menuiserie ; pour les autres préjudices, en cas de condamnation, elle sera garantie par ces deux sociétés à proportion des parts de responsabilité retenues par la cour.
Par une ordonnance du 10 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 27 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des assurances ;
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la commune de Montauban de Bretagne.
Considérant ce qui suit :
1. En 2008, la commune de Montauban de Bretagne, propriétaire d'un ensemble immobilier à usage de gendarmerie qu'elle loue à l'Etat, a décidé de réaliser des travaux en vue de l'extension et de la réhabilitation de celle-ci afin de créer quatre nouveaux logements de fonction destinés à accueillir des gendarmes et leurs familles. Par acte d'engagement du 22 octobre 2008, la commune de Montauban de Bretagne a confié la maîtrise d'oeuvre à un groupement composé de la société SARL Petr Architectes, anciennement dénommée Fred Petr, et de la société SIMEC Ingénierie, pour un montant de 97 405 euros hors taxes. La mission de contrôleur technique a été confiée à la société SAS Qualiconsult. La société SARL entreprise Neveu est intervenue au titre du lot n° 4 couverture, suivant marché public de travaux du 21 septembre 2010. Par acte d'engagement du 21 septembre 2010, le lot n° 5 menuiseries extérieures a été attribué à la SARL Vilboux menuiserie. La commune de Montauban de Bretagne a constaté en juin 2012 des désordres de mouille affectant les quatre logements. A sa demande, un rapport de recherche de fuite a été dressé par le cabinet Assnet Hydrotech le 20 février 2014, suivi d'un rapport complémentaire du 14 août 2014. Le cabinet Assnet Hydrotech a notamment constaté des défauts d'étanchéité des menuiseries de l'étage, une infiltration par la toiture en zinc ainsi que des infiltrations par la porte d'entrée du logement n° 4. La commune de Montauban de Bretagne a déclaré le sinistre en 2012 auprès de son assureur multirisques, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire, dite Groupama Loire Bretagne, qui assure également la société Vilboux menuiserie. Une expertise amiable contradictoire a alors été réalisée par le cabinet Polyexpert. Par procès-verbal de constatations suite aux réunions contradictoires des 24 juin et 29 septembre 2014, le cabinet Polyexpert a relevé un défaut d'étanchéité entre la cheminée et la chaudière dans le logement n° l, des infiltrations d'eau par défaut d'étanchéité des menuiseries de l'étage, salon et cuisine dans le logement n° 2, une infiltration par la toiture zinc dans le logement n° 3 et des infiltrations d'eau par la porte d'entrée du studio constituant le logement n° 4. A la demande de la commune, le tribunal de grande instance de Rennes a désigné par ordonnance du 21 janvier 2016 un expert, M. F..., qui a remis son rapport le 8 juin 2017. Au vu des conclusions du rapport d'expertise, la commune de Montauban de Bretagne a demandé la condamnation des constructeurs et de son assureur, la société Groupama, au versement à titre provisionnel de différentes sommes afin d'assurer la réparation des différents préjudices subis.
2. Par une ordonnance du 26 mars 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a, en premier lieu, condamné, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, les sociétés Petr, Vilboux et Neveu solidairement à verser à la commune de Montauban de Bretagne une provision de 23 749,17 euros TTC au titre des désordres affectant les menuiseries en façades sud (article 1er), les sociétés Petr et Vilboux solidairement à verser à la commune une provision de 6 796,01 euros TTC au titre de la réparation de la porte d'entrée du logement 4 (article 2), les sociétés Petr et Vilboux solidairement à verser à la commune une provision de 89 345,11 euros TTC au titre de la réparation des autres menuiseries (article 3), les sociétés Petr, Vilboux et Neveu solidairement à verser à la commune une provision de 7 490,92 euros TTC au titre des frais de travaux d'investigations, d'assistance technique et mesures conservatoires (article 4), les sociétés Petr, Vilboux et Neveu solidairement à verser à la commune une provision de 81 560,09 euros TTC au titre des pertes de loyers (article 5), les sociétés Petr, Vilboux et Neveu solidairement à verser à la commune une provision de 3 777,82 euros au titre des frais d'honoraires de location et d'hébergement (article 7), l'ensemble de ces sommes étant assorties des intérêts et de leur capitalisation. En deuxième lieu, le juge des référés du tribunal a condamné la société Groupama à verser à la commune, d'une part, une provision de 49 626 euros TTC au titre des pertes de loyers sur le fondement du contrat de la police d'assurance multirisques souscrite (article 6), d'autre part, une provision de 44 236,81 euros HT augmentée de la TVA au titre du volet dégâts des eaux de la police d'assurance multirisques, ces deux sommes également avec les intérêts et leur capitalisation, mais a rejeté la demande de subrogation de Groupama. En troisième lieu, le juge des référés a mis à la charge solidaire des sociétés Petr, Vilboux et Neveu une provision de 10 741,90 euros TTC au titre des frais d'expertise judiciaire et une provision de 424,03 euros TTC au titre des frais d'huissier (article 10), et à la charge solidaire des mêmes et de Groupama une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 14). En dernier lieu, le juge des référés a rejeté le surplus des conclusions de la commune de Montauban de Bretagne (article 11) et les conclusions d'appel en garantie des sociétés Petr, Vilboux et Neveu. La société Vilboux menuiserie relève appel de cette ordonnance. Groupama demande qu'il lui soit donné acte de sa proposition d'indemnisation de la commune de Montauban de Bretagne et que si une condamnation était décidée à son encontre elle soit garantie par les sociétés Petr Architectes, Vilboux menuiserie, la SCP Despres et la société Entreprise Neveu. La société Petr architectes demande d'annuler l'ordonnance attaquée en ce qu'elle fait droit en son principe aux demandes de la commune de Montauban de Bretagne, subsidiairement à ce qu'aucune provision ne soit mise à sa charge et, à titre infiniment subsidiaire, à ce qu'elle soit garantie solidairement et à ce que sa part de responsabilité soit réduite.
Sur les conclusions d'appel principal de la société Vilboux menuiserie :
En ce qui concerne la responsabilité :
3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi. Pour apprécier si l'existence d'une obligation est dépourvue de caractère sérieusement contestable, le juge des référés peut s'appuyer sur l'ensemble des éléments figurant au dossier qui lui est soumis, et notamment ceux provenant d'une expertise, pourvu qu'ils présentent un caractère de précision suffisante et qu'ils aient été soumis à la contradiction des parties.
4. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'un développement de moisissures a été constaté dans l'un des quatre nouveaux logements loués par l'Etat à la commune de Montauban de Bretagne afin de loger des gendarmes à compter de janvier 2012 puis, progressivement, que des problèmes d'humidité et d'infiltration ont été identifiés dans les autres logements. En conséquence de ces désordres, les occupants de ces appartements ont éprouvé une gêne sérieuse, puis pour certains des problèmes sanitaires et deux des logements ont été évacués à l'été 2012. Des expertises convergentes présentes au dossier, dont celle de l'expert désigné par une ordonnance du tribunal de grande instance de Rennes, il résulte que ces désordres trouvent notamment leur origine dans des infiltrations d'eau par les menuiseries extérieures, fenêtres et une porte, des quatre logements. Il apparaît également que si douze zones d'infiltration ont été identifiées à la date de l'expertise, la totalité des menuiseries des logements présentait des défauts de fabrication. Par suite, du fait de ces désordres, et contrairement à ce que soutient la société Vilboux menuiserie, les quatre logements ont été rendus impropres à leur destination.
6. En deuxième lieu, la responsabilité décennale des constructeurs ne peut être engagée que si les désordres procèdent de vices qui n'étaient pas connus du maître d'ouvrage lors de la réception. Le caractère apparent du vice s'apprécie à la date du procès-verbal de réception, même si celui-ci donne une date d'effet à la réception antérieure. Un vice qui était connu lors de la réception mais dont les conséquences ne se sont révélées qu'après la réception ne peut être considéré comme apparent.
7. En l'espèce, la réception de l'ouvrage constitué des quatre nouveaux logements édifiés a été prononcée avec réserves, sur d'autres points que les menuiseries extérieures, le 26 mars 2012 avec effet au 15 décembre 2011. L'ordonnance attaquée retient, au terme d'une analyse détaillée et motivée, que ni les désordres en litige, ni l'ampleur de leurs conséquences ne peuvent être regardés comme ayant été apparents à la réception des travaux. Pour contester cette appréciation, la société Vilboux se borne à relever que l'expert ne s'est pas prononcé sur le caractère apparent des désordres et que la commune était assistée d'un maître d'oeuvre, notamment présent lors des opérations de réception. Par ces seules affirmations, elle ne conteste pas utilement l'appréciation, qu'il convient d'adopter, portée par le premier juge.
8. En troisième lieu, la société Vilboux menuiserie soutient que c'est à tort que l'expert a mis en cause sa responsabilité dans les infiltrations constatées au niveau des menuiseries qu'elle a fabriquées et posées. Il résulte cependant du rapport d'expertise que " les causes des désordres sont des défauts de fabrication et de pose des menuiseries extérieures ". L'expert s'est ainsi fondé sur le constat d'un " défaut d'étanchéité entre les pièces d'appui horizontales et les tapées verticales " et de la circonstance, au terme des opérations d'expertise, qu'il ne disposait pas des informations réclamées relatives aux modalités de fabrication des menuiseries, aux références des pièces utilisées ou aux dispositions effectivement prises par la société Vilboux menuiserie pour assurer l'étanchéité ou le détail de l'assemblage entre l'appui des menuiseries et les tapées. En se bornant à citer les documents fournis à l'expert, à affirmer qu'elle a bien assemblé les menuiseries, et à alléguer que l'expert aurait refusé à tort de démonter une menuiserie existante et d'envisager comme cause des infiltrations d'eau un défaut de drainage, la société Vilboux menuiserie, qui ne nie pas le constat selon lequel son dossier des ouvrages exécutés ne comporte aucun détail d'exécution, ne contredit pas utilement les analyses et conclusions de l'expert, alors surtout que celui-ci a notamment procédé à des essais d'étanchéité sur les menuiseries posées, après démontage partiel du doublage intérieur, en effectuant des arrosages, et a constaté des entrées d'eau. Ainsi la société Vilboux menuiserie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, à l'issue d'opérations d'expertise insuffisantes ou incorrectement conduites, que sa responsabilité aurait été engagée.
En ce qui concerne le montant de la provision :
9. Le maître de l'ouvrage a droit à la réparation intégrale des préjudices qu'il a subis lorsque la responsabilité décennale des constructeurs est engagée, sans que l'indemnisation qui lui est allouée à ce titre puisse dépasser le montant des travaux strictement nécessaires à la remise en ordre de l'ouvrage tel qu'il avait été commandé.
10. En premier lieu, l'ordonnance attaquée retient, au titre des préjudices indemnisables de la commune de Montauban de Bretagne, la somme de 89 345,11 euros afin de remplacer par des menuiseries monobloc l'ensemble des menuiseries des quatre logements affectés par des infiltrations d'eau. Si la société Vilboux menuiserie conteste ce choix et préconise une alternative moins onéreuse caractérisée par la révision de la jonction des dormants des menuiseries et des tapées, il résulte toutefois clairement du rapport d'expertise, après constat d'infiltrations d'eau suite à des essais, que les menuiseries réalisées et posées par l'entreprise souffrent d'un vice de construction. Dans ces conditions, le changement de l'ensemble des menuiseries construites et posées par la société Vilboux menuiserie relève des travaux strictement nécessaires à la remise en ordre de l'ouvrage tel qu'il avait été commandé.
11. En deuxième lieu, il est constant que du fait des désordres affectant deux des quatre logements la commune a dû réviser à la baisse le loyer qu'elle percevait de l'Etat et elle établit l'existence de conséquences financières consécutives pour la période courant de 2012 à mai 2019, date d'achèvement des derniers travaux et de retour de la dernière famille de locataires. L'ordonnance attaquée met à la charge solidaire de la société Vilboux menuiserie la somme de 81 560,09 euros TTC qui correspond aux pertes de loyers pour les années 2014 à mai 2019, au-delà des deux ans déjà indemnisés par Groupama Loire Bretagne au titre de la police d'assurance multirisques souscrite par la commune. Eu égard à la date de dépôt du rapport d'expertise, le 8 juin 2017, date à laquelle les désordres affectant les menuiseries assemblées et posées par la société Vilboux menuiserie étaient connus de la commune dans toute leur étendue et leurs conséquences, au délai de trois mois prévu par l'expert pour la réalisation des travaux de dépose et repose de celles-ci, et en prenant en compte des délais de commande et de définition de ces mêmes travaux, il y a lieu de retenir comme date à laquelle la créance de la commune de Montauban de Bretagne devenait sérieusement contestable le 1er janvier 2018, faute pour cette dernière d'avoir alors réalisé les travaux permettant le retour des locataires dans les logements. Si la société Vilboux menuiserie fait valoir un retard de la commune dans la réalisation des travaux, et la réintégration consécutive des locataires, qui s'expliquerait par l'absence de conclusion d'une assurance dommages-ouvrage telle que prévue à l'article L. 242-1 du code des assurances, une telle circonstance est, dans ces conditions, sans incidence sur ce délai. Aussi, en retenant comme base de calcul le document du 9 mai 2019 relatif aux pertes de loyers signé par le comptable de la commune, il y a lieu de ramener à la somme de 66 019, 24 euros TTC le montant de la provision à laquelle la société Vilboux menuiserie a été assujettie solidairement par l'article 5 de l'ordonnance attaquée.
12. En troisième lieu, la société Vilboux menuiserie soutient qu'il y a lieu de la décharger de l'obligation de verser une provision à la commune de Montauban de Bretagne au titre des frais de déménagement en 2012 de deux familles locataires des logements sinistrés et des honoraires de l'agence de location qui a organisé leurs relogements. Cependant il résulte de l'instruction, en particulier des plaintes détaillées des occupants et du rapport d'expertise précisant l'insalubrité de leurs logements en 2012, que de tels frais sont en lien direct avec les désordres ayant affecté les logements rendus impropres à l'habitation. Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a fixé à 3 777,82 euros TTC la provision à verser à la commune de Montauban de Bretagne à ce titre.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vilboux menuiserie est uniquement fondée à demander la réformation de l'ordonnance attaquée en ce que, par son article 5, elle la condamne, solidairement avec les sociétés Petr architectes et Entreprise Neveu, à verser à la commune de Montauban de Bretagne une somme excédant 66 019,24 euros TTC, avec intérêts et capitalisation, à titre de provision au titre des pertes de revenus locatifs.
Sur les conclusions de la société Groupama :
14. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ". Il incombe à l'assureur qui entend bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions d'apporter, par tout moyen et au plus tard à la date de clôture de l'instruction, la preuve du versement de l'indemnité d'assurance à son assuré.
15. Si la société Groupama indique dans ses écritures qu'elle propose, en sa qualité d'assureur multirisques de la commune de Montauban de Bretagne, au titre de la garantie des dégâts des eaux une indemnisation à hauteur de 44 236,81 euros, ainsi qu'une indemnisation de 49 626 euros au titre des pertes locatives, ce dont il n'appartient d'ailleurs pas à la cour de " lui donner acte ", elle ne justifie pas en tout état de cause du caractère effectif du versement de ces sommes. Dans ces conditions, le paiement effectif des sommes en cause ne pouvant être regardé comme établi, en dépit du caractère exécutoire de l'ordonnance attaquée, la subrogation à laquelle prétend la société Groupama Loire Bretagne ne peut, en application des dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 121-12 du code des assurances, être admise. Par suite, si en demandant à être garantie par les sociétés Vilboux menuiserie, Entreprise Neveu et Petr Architectes elle a entendu se prévaloir d'une qualité de subrogée dans les droits de la commune de Montauban de Bretagne, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions de la société Petr Architectes :
16. Les conclusions de la société Petr Architectes, tendant à ce qu'elle soit déchargée de l'obligation de verser les sommes mises à sa charge par l'ordonnance attaquée au bénéfice de la commune de Montauban de Bretagne, ont été provoquées par les conclusions de la société Vilboux menuiserie demandant à être déchargée de toute condamnation à l'égard de cette même commune. De telles conclusions ont été présentées après l'expiration du délai de recours contentieux, et ne sont recevables qu'au cas et dans la mesure où l'appelante principale obtiendrait elle-même une réduction de la part de l'indemnité qui doit rester définitivement à sa charge, aggravant ainsi le montant de l'indemnité que devrait payer la société Petr Architectes par l'effet de la solidarité.
17. Le présent arrêt fait droit à l'appel principal de la société Vilboux menuiserie uniquement en réduisant le montant de la condamnation solidaire prononcée par l'article 5 de l'ordonnance attaquée au paiement d'une provision de 81 560,09 euros TTC en indemnisation des pertes de loyers subies par la commune de Montauban de Bretagne. Il aggrave en conséquence la situation de la société Petr Architectes, à laquelle la commune de Montauban de Bretagne, du fait de la condamnation solidaire prononcée par le premier juge, serait en droit de réclamer la totalité de cette somme. Par suite, dans cette seule mesure, les conclusions d'appel provoqué de la société Petr Architecte sont recevables. Toutefois, la société Petr Architectes se borne, au titre de l'indemnisation des pertes de loyers, à faire valoir que le calcul de la demande provisionnelle de la commune est erroné pour la période comprise entre le 1er décembre 2013 et le 30 novembre 2017, par référence à un bordereau du 8 novembre 2017. Il résulte cependant de l'ordonnance attaquée que le montant provisionnel déterminé par le premier juge a été calculé par référence au bordereau cité qui prévoit bien, ainsi que l'indique la société Petr Architectes, une indemnisation à hauteur de 19 190,61 euros pour la période écoulée entre le 1er décembre 2013 et le 30 novembre 2017. Par suite, au regard du seul moyen qu'elle invoque sur ce point, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
18. La société Petr Architectes formule également " à titre infiniment subsidiaire " des conclusions d'appel en garantie contre les autres constructeurs, les sociétés Vilboux menuiserie et entreprise Neveu. Il s'agit de conclusions d'appel incident en tant qu'elles visent la SARL Vilboux mais, compte tenu de ce que les éléments de l'instruction ne permettent pas en l'état du dossier de procéder à une répartition non contestable des responsabilités entre les entreprises, ces conclusions d'appel en garantie visant la société Vilboux menuiserie doivent être rejetées. En tant qu'elles visent la société Entreprise Neveu, les conclusions d'appel en garantie sont des conclusions d'appel provoqué irrecevables en l'absence d'aggravation sur ces autres points de la situation de la société Petr Architectes.
19. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la société Vilboux menuiserie est fondée à demander l'annulation du seul article 5 de l'ordonnance attaquée et uniquement en ce que cet article la condamne solidairement à verser, à titre de provision, une somme excédant 66 019,24 euros TTC, avec intérêts et capitalisation. D'autre part, les conclusions d'appel incident et provoqué de la société Groupama Loire Bretagne et de la société Petr Architectes doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la société Vilboux menuiserie, la commune de Montauban de Bretagne, la société Groupama et la société Petr Architectes.
D E C I D E :
Article 1er : La provision de 81 560,09 euros TTC, avec intérêts et capitalisation, que la société Vilboux menuiserie a été condamnée solidairement à verser à la commune de Montauban de Bretagne au titre de la perte de revenus locatifs par l'article 5 de l'ordonnance n° 1705305 du 26 mars 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes est ramenée à 66 019, 24 euros TTC.
Article 2 : L'ordonnance du 26 mars 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes est réformée en ce qu'elle a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vilboux menuiserie, à la commune de Montauban de Bretagne, à la société Petr Architectes, à la société Entreprise Neveu, à la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de la Loire, dite Groupama Loire Bretagne et à la SCP Despres, mandataire judiciaire de la société Vilboux Menuiserie.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2020, à laquelle siégeaient :
- M. C..., président de chambre,
- M. Jouno, premier conseiller,
- Mme H..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 juin 2020.
Le président de chambre, rapporteur,
L. C...
L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,
T. Jouno
La greffière,
M. D...
La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01411