Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Union des mémoires de Lanester a demandé au tribunal administratif de Rennes de déclarer nulle et non avenue la délibération du 9 mai 1980 par laquelle le conseil municipal de la commune de Lanester a dénommé une avenue " Hô Chi Minh ", subsidiairement d'annuler cette délibération du 9 mai 1980, et à titre infiniment subsidiaire d'annuler la décision du 28 juillet 2016 par laquelle le maire de la commune de Lanester a refusé d'abroger la délibération du 9 mai 1980.
Par un jugement n° 1604076 du 2 juillet 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 août 2018, 14 mars 2019 et 31 octobre 2019, l'association Union des mémoires de Lanester, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 juillet 2018 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) à titre principal, d'annuler la délibération du 9 mai 1980 par laquelle le conseil municipal de la commune de Lanester a dénommé une avenue " Hô Chi Minh " ;
3°) subsidiairement, d'annuler la décision du maire de la commune de Lanester du 28 juillet 2016 refusant d'abroger la délibération du 9 mai 1980 par laquelle le conseil municipal de la commune de Lanester a dénommé une avenue " Hô Chi Minh " ;
4°) d'enjoindre à la commune de Lanester de modifier la dénomination de l'avenue " Hô Chi Minh " dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Lanester la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est recevable au regard de sa qualité à agir ;
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'en méconnaissance des articles R. 741-1 et R. 741-2 du code de justice administrative il n'a pas été lu publiquement ;
- le tribunal administratif a effectué une appréciation erronée de la situation en estimant que la dénomination d'une avenue " Hô Chi Minh " n'était pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation eu égard aux actes de la personne ainsi honorée et à l'opposition d'une partie de la population ;
- le tribunal administratif a effectué une appréciation erronée, et entachée de contradiction, en estimant que l'attribution d'un hommage public à cette personne ne caractérisait pas un trouble à l'ordre public ;
- le jugement est entaché d'erreur de droit en qu'il ne reconnait pas que la décision du 28 juillet 2016 est entachée d'incompétence de son auteur dès lors qu'il n'appartenait qu'au seul conseil municipal de statuer sur la demande d'abrogation de la délibération du 9 mai 1980 ;
- la condamnation au paiement de frais sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'association compte tenu des faibles ressources de la requérante et de l'intérêt jurisprudentiel de cette affaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2019, la commune de Lanester, représentée par Me B... et Me E..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'association Union des mémoires de Lanester une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable en raison du défaut d'intérêt à agir de l'association ;
- subsidiairement les moyens soulevés par l'association Union des mémoires de Lanester ne sont pas fondés.
Vu l'ordonnance n° 18NT03286 QPC du 17 septembre 2018 par laquelle le président de la 4ème chambre de la cour a rejeté la contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité opposé à l'association Union des Mémoires de Lanester par l'ordonnance du 22 septembre 2016 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Rennes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant l'association union des mémoires de Lanester.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 9 mai 1980, le conseil municipal de la commune de Lanester a nommé le chemin départemental 326 " avenue Hô Chi Minh ". Par un courrier du 25 mai 2016, l'association Union des mémoires de Lanester a demandé au maire de la commune d'abroger cette délibération. Par une décision du 28 juillet 2016, le maire de Lanester n'a pas fait droit à cette demande. Par un jugement du 2 juillet 2018, dont l'association relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de cette délibération du 9 mai 1980 et de la décision du 28 juillet 2016.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'article L. 10 du code de justice administrative dispose que : " les jugements sont publics. (...) " et l'article R. 741-1 du même code dispose que : " Réserve faite des dispositions applicables aux ordonnances, la décision est prononcée en audience publique ". Il résulte de ces dispositions que les décisions juridictionnelles auxquelles elles s'appliquent sont rendues publiques par une lecture en audience publique.
3. Il résulte des mentions du jugement attaqué, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, qu'il a été lu en séance publique le 2 juillet 2018. En se bornant à produire le tableau prévisionnel des audiences du tribunal administratif de Rennes pour l'année judiciaire 2017-2018, publié sur le site internet de la juridiction, l'association Union des mémoires de Lanester n'établit pas l'absence de toute audience publique à cette date et, par suite, n'apporte pas la preuve contraire aux mentions du jugement. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-1 du code de justice administrative n'est pas fondé et doit être écarté. L'association requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Par une délibération du 9 mai 1980 le conseil municipal de Lanester a dénommé un chemin départemental traversant la commune " avenue Ho-chi-Minh " et, saisi d'une demande d'abrogation de cette délibération par l'association Union des mémoires de Lanester, le maire lui a répondu, par un courrier du 28 juillet 2016 : " Je vous informe qu'à ce jour, aucune décision de changement de dénomination n'a été prise par le conseil municipal ".
5. Aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. (...) " et aux termes de l'article L. 2121-29 du même code : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ". Dans le cadre des pouvoirs qui lui sont ainsi conférés, le conseil municipal est compétent pour délibérer sur la dénomination des rues et places publiques de la commune et dispose à cet effet d'un large pouvoir d'appréciation, sous le contrôle de l'erreur manifeste exercé par le juge de l'excès de pouvoir.
6. En premier lieu, si l'association fait valoir qu'en raison de la personnalité controversée d'Ho Chin Minh, de ses actes et de ses engagements idéologiques, une telle dénomination ne peut perdurer, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que ce choix communal ait été à l'origine de troubles à l'ordre public ou ait heurté de manière significative la sensibilité des habitants de Lanester. Par suite, les décisions contestées ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. En deuxième lieu, il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 5 que si le conseil municipal est seul compétent, pour la dénomination des rues et places publiques, c'est au maire qu'il revient d'inscrire cette question à l'ordre du jour d'une réunion du conseil municipal. Par suite, le maire a compétence pour rejeter une demande tendant à l'abrogation d'une délibération ayant cet objet. Toutefois, il ne peut légalement prendre une telle décision que si la décision dont l'abrogation est sollicitée est elle-même légale. Dans l'hypothèse inverse, il est tenu d'inscrire la question à l'ordre du jour du conseil municipal, pour permettre à celui-ci, seul compétent pour ce faire, de modifier la dénomination illégale.
8. La décision citée du 28 juillet 2016 du maire de Lanester s'analyse comme un refus d'inscription à l'ordre du jour du conseil municipal de la demande d'abrogation de la délibération du 9 mai 1980 présentée par l'association Union des mémoires de Lanester. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que cette délibération n'est pas illégale. Ainsi cette association n'est pas fondée à soutenir que la décision du 28 juillet 2016 serait entachée d'un vice d'incompétence.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Lanester, que l'association Union des mémoires de Lanester n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
10. D'une part, si l'association Union des mémoires de Lanester fait valoir que la somme de 1 500 euros mise à sa charge au titre des frais d'instance par le jugement attaqué porterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'association au regard de ses faibles ressources, alors que ce jugement présente un intérêt jurisprudentiel, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal administratif ait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 761-1 de code de justice administrative, dès lors que la requérante était partie perdante. Par suite, les conclusions de l'association Union des mémoires de Lanester tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué doivent être rejetées.
11. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par l'association Union des mémoires de Lanester. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette association, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Lanester dans l'instance d'appel.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Union des mémoires de Lanester est rejetée.
Article 2 : L'association Union des mémoires de Lanester versera à la commune de Lanester une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Union des mémoires de Lanester et à la commune de Lanester.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2020, à laquelle siégeaient :
- M. A..., président de chambre,
- M. Jouno, premier conseiller,
- Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 juin 2020.
Le président de chambre, rapporteur,
L. A...
L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,
T. Jouno
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03286