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12/06/2020 | FRANCE | N°18NT00316

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 12 juin 2020, 18NT00316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Foëcy a demandé au tribunal administratif d'Orléans, en premier lieu, de condamner la SCDF E...-Pietu, la SCP Bro-Ponroy, liquidateur de la société RTP, et la société Apave Parisienne, à lui verser la somme de 51 034,82 euros TTC, augmentée des intérêts légaux, en réparation des désordres affectant le chéneau périphérique au droit de la verrière de l'espace " Bibliothèque - Multimédia " de la commune, en deuxième lieu, de condamner solidairement la société Le Beau Soleil, vena

nt aux droits de l'entreprise Dumazert, et l'entreprise Dumazert-Jaurand à lui verser...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Foëcy a demandé au tribunal administratif d'Orléans, en premier lieu, de condamner la SCDF E...-Pietu, la SCP Bro-Ponroy, liquidateur de la société RTP, et la société Apave Parisienne, à lui verser la somme de 51 034,82 euros TTC, augmentée des intérêts légaux, en réparation des désordres affectant le chéneau périphérique au droit de la verrière de l'espace " Bibliothèque - Multimédia " de la commune, en deuxième lieu, de condamner solidairement la société Le Beau Soleil, venant aux droits de l'entreprise Dumazert, et l'entreprise Dumazert-Jaurand à lui verser la somme de 3 751,58 euros TTC, augmentée des intérêts légaux à compter de la date d'enregistrement de sa requête, au titre des travaux de reprise de la verrière et en dernier lieu, de mettre à la charge solidaire de la SCDF E...-Pietu, de la SCP Bro-Ponroy, mandataire liquidateur de la société RTP, de la société Apave Parisienne, de la société Le Beau Soleil, venant aux droits de l'entreprise Dumazert, et de l'entreprise Dumazert-Jaurand, les dépens, d'un montant de 10 672,40 euros TTC, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603098 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif d'Orléans, en premier lieu, a condamné la SARL RTP, la SCDF E...-Pietu et la SAS Apave parisienne à verser respectivement à la commune de Foëcy les sommes de 31 554,50 euros, 6 761,68 euros et 6 761,68 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2016, en deuxième lieu, a mis les dépens, d'un montant de 10 672, 40 euros, à la charge définitive et solidaire de la SARM RTP, de la SCDF E...-Pietu et de la SAS Apave Parisienne, ainsi qu'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en troisième lieu, a condamné la SAS Apave parisienne à garantir la SCDF E...-Pietu à hauteur de 15 % des condamnations prononcées à son encontre au titre des dépens et des frais d'instance, et, en dernier lieu, a condamné la commune de Foëcy à verser une somme de 1 000 euros à la SC Le Beau Soleil et une somme de 1 000 euros à la société Dumazert-Jaurand en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 janvier 2018 et le 21 octobre 2019, la commune de Foëcy, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1603098 du tribunal administratif d'Orléans du 23 novembre 2017, en tant qu'il n'a pas condamné la SARL RTP, la SCDF E...-Pietu et la SAS Apave Parisienne solidairement ;

2°) de condamner solidairement la SCDF E...-Pietu, la société RTP et la SAS Apave Parisienne à lui verser une somme de 50 317, 86 euros TTC, avec intérêts à compter du 22 septembre 2016 ;

3°) de fixer définitivement sa créance au passif de la société RTP à hauteur de 63 990,26 euros ;

4°) de mettre à la charge solidaire de l'ensemble des défendeurs les frais d'expertise et une somme de deux mille euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier puisque le tribunal administratif a omis de statuer sur les conclusions à fin de condamnation solidaire qu'il avait présentées à l'encontre de la SCDF E...-Pietu, de la SCP Ponroy, liquidateur de la société RTP, et de la société Apave Parisienne ; le tribunal administratif n'a pas indiqué les raisons pour lesquelles il refusait de prononcer une telle condamnation solidaire ;

- le jugement est irrégulier puisque le tribunal administratif a dénaturé les faits pour refuser d'indemniser le préjudice de jouissance résultant de la fermeture de l'espace Bibliothèque Multimédia ;

- les désordres constatés dans l'espace Bibliothèque Multimédia sont de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs :

o l'ensemble des fuites constatées par l'expert rendent l'ouvrage impropre à sa destination et sont susceptibles d'en compromettre la solidité ;

o les causes des désordres résident dans des fautes d'exécution et une mauvaise réalisation ; par ailleurs, les désordres proviennent aussi du défaut de pente du chéneau ;

o la responsabilité des entreprises ayant commis les fautes d'exécution et mauvaise réalisation est susceptible d'être engagée ;

o la responsabilité de l'architecte qui a omis de relever, lors de la levée des réserves du lot couverture, la non-conformité de la pente du chéneau et qui a accepté un surdimensionnement du chéneau et une descente d'eau pluviale supplémentaire, est susceptible d'être engagée ; soit l'architecte n'a pas prévu la pente suffisante du chéneau dans les plans d'exécution, soit il n'a pas vérifié la conformité des ouvrages en cours de réalisation ;

o la responsabilité du contrôleur technique qui a accepté un surdimensionnement du chéneau et une descente d'eau pluviale supplémentaire et qui n'a formulé aucune observation dans son rapport final est susceptible d'être engagée ; la mission de base du contrôleur technique d'effectuer l'ensemble des vérifications finales en vue de la réception afin de permettre au maitre de l'ouvrage d'éventuellement émettre des réserves à la réception ;

- les préjudices qu'elle a subis recouvrent des travaux conservatoires à hauteur de 240 euros, du fait de l'intervention d'un couvreur pour réaliser les soudures manquantes dans le chéneau, des travaux réparatoires à hauteur de 45 077, 86 euros et un préjudice de jouissance évalué à 5 000 euros, dès lors que les travaux nécessiteront une fermeture de l'équipement pendant deux mois.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 mars 2018, 4 octobre 2019 et 10 février 2020, la SAS Apave Parisienne, représentée par la SELARL GVB, demande à la cour :

1°) de rejeter l'appel de la commune de Foëcy et de confirmer le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 23 novembre 2017 en tant qu'il n'a pas prononcé de condamnation solidaire et qu'il a rejeté les demandes de la commune de Foëcy au titre d'un préjudice de jouissance ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 23 novembre 2017 en tant qu'il la condamne à verser une somme de 6 761, 68 euros à la commune de Foëcy ;

3°) de rejeter toute demande dirigée contre elle, et notamment rejeter l'appel en garantie dirigé à son encontre par la société E...-Pietu ;

4°) de condamner la société E...-Pietu et la société RTP à la garantir à titre principal de toute condamnation qui serait prononcée contre elle et à titre subsidiaire de toute condamnation excédant sa quote-part de responsabilité ;

5°) de condamner la commune de Foëcy aux dépens ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Foëcy une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal administratif d'Orléans n'est pas entaché d'omission à statuer dès lors que les seules conclusions à fin de condamnation solidaire présentées par la commune de Foëcy concernaient les désordres relatifs à la verrière, qui ne la concernaient pas, et les dépens et indemnité de procédure ; la commune ne sollicitait pas de condamnation solidaire concernant les désordres affectant le chéneau périphérique au droit de la verrière ;

- les condition de la solidarité ne sont pas remplies puisqu'il n'existe entre les intervenants ni obligation contractuelle solidaire, ni cas de solidarité légale, ni fautes communes ayant entrainé la réalisation de l'entier dommage ; les dispositions relatives à la garantie décennale n'instituent pas de solidarité ; les obligations qui pèsent sur le contrôleur technique en application de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation sont fondamentalement différentes de celles qui pèsent sur les constructeurs ;

- sa responsabilité décennale ne peut être engagée :

o les désordres en cause, qui sont constitués principalement par des tâches d'eau et de rouille, ne sont pas de nature décennale puisqu'ils ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage et ne portent pas atteinte à la destination de l'ouvrage ; les fuites objets du litige relèvent plutôt de la garantie de parfait achèvement découlant de l'article 1792-6 du code civil, garantie qui ne pèse pas sur le contrôleur technique ;

o à supposer les désordres de nature décennale, ils ne peuvent lui être imputés compte tenu de la nature particulière de la mission du contrôleur technique qui n'est pas réputé constructeur au sens de l'article 1792-1 du code civil ; il n'est pas soumis directement à la responsabilité de plein droit de l'article 1792 du code civil et est régi par le seul article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation ; un dommage ne peut lui être imputable que si le désordre se rattache à un aléa technique qu'il aurait dû contribuer à prévenir ou s'il est imputable à une exécution défaillante de sa mission ; les missions qui lui étaient confiées, de type L (solidité de l'ouvrage), LE (ouvrage existant) et SEI (sécurité des personnes) étaient sans relation avec le litige ; elle est étrangère aux défauts d'exécution imputables à l'entrepreneur ; elle a attiré l'attention du maître d'ouvrage dans son rapport du 15 avril 2009 ;

- à titre subsidiaire, son implication ne pourrait être envisagée qu'au titre de l'accentuation d'une seule des trois fuites ; elle devrait en conséquence être garantie intégralement et solidairement par les constructeurs, soit en totalité, soit au-delà de sa part de condamnation définitive qui ne peut être qu'infime en raison d'un défaut d'information ;

- en ce qui concerne le montant du préjudice, la commune de Foëcy n'établit l'existence d'aucun préjudice de jouissance ni dans son montant, ni dans son principe ;

- tout appel en garantie dirigé contre elle, notamment celui de l'architecte, doit être rejeté puisque sa mission ne peut s'exercer qu'à la demande et au seul profit du maître d'ouvrage et ne peut être invoquée par les constructeurs ; en particulier tout appel en garantie de l'architecte doit être rejeté compte tenu de la différente des prestations entre le maître d'oeuvre et le contrôleur technique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2018, la SCDF E...-Pietu, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d'appel de la commune de Foëcy ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 23 novembre 2017 en tant qu'il l'a condamnée à verser à la commune de Foëcy la somme de 6 761, 68 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société RTP, la société Le Beau Soleil et la SAS Apave Parisienne à la garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Foëcy la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas entaché d'omission à statuer, aucune demande n'ayant été formulée au titre de la solidarité ;

- les constatations de l'expert relatives à l'existence d'un préjudice de jouissance ne s'imposaient pas au tribunal administratif ;

- sa responsabilité décennale ne peut être engagée :

o la faute à l'origine des désordres est imputable au seul contrôleur technique ; la SAS Apave Parisienne, qui avait une triple mission L, LE, SEI, avait été spécialement missionnée pour effectuer le contrôle de la conformité technique du chéneau et n'a formulé aucune mention défavorable quant à la pose du chéneau dans le rapport initial ; l'architecte n'a donc aucune implication dans la survenance des désordres ; l'avis du contrôleur technique du 15 avril 2009 aurait dû alerter le maître d'ouvrage et les constructeurs sur la pente minimale du chéneau ; il n'a pas pu supposer que le chéneau avait été installé en violation des prescriptions relatives à son inclinaison ; le contrôleur technique doit s'assurer de l'étanchéité du clos et du couvert ;

o il ne devait en aucune façon la conception d'exécution du chéneau, seule la conception architecturale du projet relevant de ses missions ; la réalisation technique du chéneau relevait de la seule entreprise sous contrôle du bureau de contrôle ;

o l'architecte ne peut être condamné solidairement avec le bureau de contrôle qui n'est lié par aucun contrat avec lui ;

- il n'y a pas de lien de causalité entre les défauts constatés et les désordres allégués puisque ce n'est pas l'absence de pente du chéneau qui a conduit aux fuites d'eau dans la bibliothèque ; seule la mauvaise qualité d'exécution du chéneau et de la verrière sont à l'origine des désordres ;

- la SAS Apave Parisienne et la SCP Bro-Ponroy, mandataire de la RTP, doivent la garantir de toute condamnation à son encontre.

Par une ordonnance du 28 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 février 2020 à 12 H.

Par courrier du 3 mars 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que la juridiction administrative n'est pas compétente pour inscrire une créance au passif d'une société placée en redressement judiciaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G..., première conseillère,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SDCF E...-Pietu, et Me B..., représentant la SAS Apave Parisienne.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Foëcy (Cher) a engagé une procédure en vue de la passation d'un marché public pour créer une bibliothèque multimédia. La mission de maîtrise d'oeuvre a été confiée à l'atelier E...-Pietu par un contrat du 27 juin 2005. Une mission de contrôle technique a été confiée, par convention des 6 décembre 2005 et 10 avril 2006, à la SAS Apave Parisienne. Le marché public de création de l'espace Bibliothèque et Multimédia a été divisé en treize lots, dont les marchés ont été conclus en juin 2008. En particulier, le lot n° 3 " couvertures tuiles " a été confié à l'entreprise Yvon Chantier, aux droits de laquelle est venue la société RTP. Le lot n° 4 " menuiseries extérieures aluminium serrurerie " a été, quant à lui, confié à l'entreprise Dumazert, devenue ultérieurement l'entreprise Dumazert-Jaurand. La réception de ces deux lots est intervenue, avec réserves, le 13 novembre 2009, les réserves ayant été levées le 20 novembre suivant.

2. En raison de l'apparition de fuites d'eau au niveau de la verrière de la bibliothèque multimédia, la commune de Foëcy a saisi le 2 juillet 2015 le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à la désignation d'un expert, à laquelle il a été fait droit par une ordonnance du juge des référés de ce tribunal du 10 septembre 2015. Par une ordonnance du 26 janvier 2016, le juge des référés a étendu les opérations d'expertise à la société civile immobilière Le Beau Soleil, à la Mutuelle des architectes français, assureur de M. E... et à la SCP Pro-Ponroy, mandataire judiciaire de la société RTP, cette dernière ayant été placée en procédure de redressement judiciaire par un jugement du 22 septembre 2015. L'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a rendu son rapport le 30 mai 2016. Saisi le 22 septembre 2016 par la commune de Foëcy, le tribunal administratif d'Orléans a, par un jugement n° 1603098 du 23 novembre 2017, condamné la SARL RTP, la SCDF E...-Pietu et la SAS Apave Parisienne à verser respectivement à la commune les sommes de 31 554, 50 euros, 6 761, 68 euros et 6 761, 68 euros en réparation des désordres affectant le chéneau périphérique au droit de la verrière de l'espace Bibliothèque Multimédia avec intérêts à compter du 22 septembre 2016. Par ce même jugement, le tribunal administratif d'Orléans a condamné la SAS Apave Parisienne à garantir la SCDF E...-Pietu à hauteur de 15 % des condamnations prononcées à son encontre par les articles 2 et 3 du jugement au titre, respectivement, des dépens et des frais d'instance. La commune de Foëcy relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas condamné solidairement les société RTP, E...-Pietu et Apave Parisienne et en tant qu'il a limité à 45 077, 86 euros le montant de son préjudice indemnisable. Par ailleurs, la SAS Apave et la SCDF E...-Pietu demandent, par la voie de conclusions d'appel incident, l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'elles les condamnent à verser les sommes respectives de 6 761, 68 euros et 6761, 68 euros à la commune de Foëcy.

Sur les conclusions tendant à l'inscription de la créance de la commune de Foëcy au passif de la société RTP :

3. Les articles L. 622-21 à L. 622-25 du code de commerce régissent les conditions dans lesquelles peuvent être produites puis payées les créances détenues sur une entreprise qui fait l'objet d'une procédure collective. En particulier, l'article L. 622-21 de ce code fixe le principe de la suspension ou de l'interdiction, à compter du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, de toute action en justice tendant au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent de la part de tous les créanciers autres que ceux détenteurs d'une créance postérieure privilégiée. Ainsi, il résulte de ces dispositions qu'il appartient de manière exclusive à l'autorité judiciaire de statuer sur l'admission ou la non admission des créances déclarées.

4. La commune de Foëcy demande à la cour administrative d'appel de fixer au passif de la société RTP, venant aux droits de l'entreprise Yvon Chantier, la somme de 63 990, 26 euros. Elle demande ainsi nécessairement à la cour de statuer sur l'admission de la créance qu'elle avait déclarée à l'encontre de l'entreprise placée en procédure de redressement judiciaire par un jugement du 22 septembre 2015 puis en liquidation judiciaire par un jugement du 1er décembre 2015. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que ces conclusions doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaitre.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. En premier lieu, si au fil de ses écritures, la commune de Foëcy a évoqué la condamnation solidaire de la SCDF E...-Pietu, de la SCP Bro-Ponroy mandataire de la société RTP et la société Apave, auteurs du désordre affectant le chéneau au droit de la verrière, nommément désignés en les personnes de la SCDF E...-Pietu, de la SCP Bro-Ponroy mandataire de la société RTP et de la société Apave, il résulte de l'instruction qu'à la dernière page de ses différents mémoires présentées devant le tribunal administratif d'Orléans, qui constituait l'énoncé explicite de ses conclusions, la commune s'est bornée à demander la condamnation de ces sociétés au titre des désordres affectant le chéneau sans demander la solidarité de ces condamnations, alors que dans le même temps, elle demandait explicitement la condamnation solidaire des auteurs du dommage affectant la verrière. Dans ces conditions et compte tenu de la formulation explicite des conclusions de la commune appelante devant le tribunal administratif d'Orléans, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont omis de se prononcer sur ses conclusions tendant à la solidarité de la condamnation de la SCDF E...-Pietu, de la SCP Bro-Ponroy mandataire de la société RTP et de la société Apave.

6. En second lieu, si la commune de Foëcy soutient que le tribunal administratif d'Orléans aurait dénaturé les faits soumis à son appréciation en ce qui concerne l'existence d'un préjudice de jouissance, un tel moyen est relatif au bien-fondé du jugement et doit être écarté en tant qu'il est invoqué pour contester la régularité de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité décennale :

7. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.

S'agissant de la nature des désordres :

8. Il résulte de l'instruction, notamment des constatations opérées par les différents experts d'assurances ou celui nommé par le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans qui ont examiné l'ouvrage, que la bibliothèque de la commune de Foëcy est constituée par plusieurs bâtiments qui s'articulent autour d'une verrière recouvrant son hall d'entrée. Cette verrière est composée d'une structure métallique en aluminium avec un remplissage en double vitrage. Il résulte également de l'instruction que dès la fin de l'année 2010 des fuites d'eau, avec écoulements goutte à goutte, sont apparues autour de la verrière lors d'épisodes pluvieux et venteux, notamment dans le hall de la bibliothèque et les bureaux du personnel. Si la SAS Apave Parisienne soutient que les désordres consisteraient en des tâches de rouille et d'humidité, il résulte des constatations opérées par l'expert que les plaques en bois étaient imbibées d'eau tandis que les plaques de plâtres formant les cloisons des bureaux étaient fortement moisies du fait de la première fuite observée par l'expert. Pour les deux autres fuites identifiées par l'expert, ont été constatées des coulures d'eau à l'intérieur du bâtiment de la bibliothèque. Compte tenu de l'ampleur et de la localisation des fuites d'eau, ces désordres sont de nature à faire obstacle à l'utilisation normale de la bibliothèque et ainsi la rendent impropre à sa destination. Par ailleurs, l'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a constaté que les trois fuites qu'il a relevées étaient de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage.

S'agissant de l'imputabilité des désordres :

9. Il résulte de l'instruction et notamment des constatations opérées par l'expert que la fuite observée dans le bureau du personnel est directement imputable à une mauvaise réalisation du joint de dilation du chéneau par l'entreprise Yvon Chantier, en charge du lot n° 3 " couvertures tuiles ", puis par son remplaçant la société RTP. En outre, cette fuite est également imputable à la stagnation d'eau au fond du chéneau qui joint la verrière aux bâtiments de la bibliothèque, le chéneau ayant été réalisé sans aucune pente pour conduire les eaux pluviales vers les tuyaux de descente en méconnaissance des règles de l'art applicables, notamment du DTU 40.5 qui prescrit une pente au moins égale à 5 millimètres par mètre. Par ailleurs, les deux autres fuites observées dans le hall de la bibliothèque sont également imputables, d'une part, à un décollement du joint de dilatation en remontée sur la paroi verticale de la verrière et, d'autre part, à une absence de soudure d'une descente d'eau pluviale dans le chéneau.

10. Il résulte en outre de l'instruction que la société d'architectes E...-Pietu s'était vue confier une mission complète de maîtrise d'oeuvre comportant les éléments de mission de diagnostic et esquisse, d'avant-projet sommaire, d'avant-projet détaillé, de projet, d'assistance aux contrats de travaux, de visa des études d'exécution, de direction de l'exécution des travaux, et d'assistance aux opérations de réception. Il ressort des constatations de l'expert que l'architecte, M. E... a relevé en cours d'exécution des travaux l'absence de pente du chéneau en méconnaissance du DTU 40.5 mais n'a pas tiré les conséquences de cette malfaçon lors des opérations de réception des travaux. Il a ainsi manqué à sa mission de contrôle des travaux en ce qui concerne les malfaçons dans l'exécution du lot n° 3. Par ailleurs, il est constant que l'entreprise Yvon Chantier s'est vu confier le lot n° 3 " couverture tuiles " en charge de la réalisation notamment du chéneau formant la jonction entre la verrière et les autres bâtiments de la bibliothèque. Or, il ressort des constatations de l'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans qu'au cours de l'exécution de sa mission, l'entreprise, aux droits de laquelle vient la société RTP, a d'une part méconnu les obligations techniques qui s'imposaient à elle en ne réalisant pas de pente sur le chéneau et d'autre part, commis plusieurs malfaçons à l'origine de fuites notamment dans la verrière. Enfin, il résulte des dispositions de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, que l'obligation de garantie décennale s'impose non seulement aux architectes et aux entrepreneurs, mais également au contrôleur technique lié par contrat au maître de l'ouvrage dans la limite de la mission qui lui a été confiée. Il résulte de l'instruction que la société Apave Parisienne, contrôleur technique, qui s'était vu confier une mission portant à la fois sur la phase de conception et la phase de réalisation de l'ouvrage, devait assurer une mission (L) portant sur la solidité des ouvrages et une mission (LE) portant sur la solidité des ouvrages existants. Il en résulte que la société Apave Parisienne n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation excluraient sa responsabilité au titre de la garantie décennale des constructeurs. Or, comme l'a constaté l'expert nommé par le tribunal administratif d'Orléans, si la société Apave Parisienne a souligné, en cours d'exécution des travaux, l'absence de pente du chéneau joignant la verrière aux autres bâtiments de la bibliothèque, elle n'a aucunement mentionné cette absence dans son rapport final.

11. Il résulte de ce qui précède que la commune de Foëcy était fondée à rechercher la responsabilité décennale de la SARL RTP, venant aux droits de la société Yvon Chantier, de la SCDF E...-Pietu et de la SAS Apave Parisienne, qui eu égard à leurs missions respectives, ont concouru à la survenance des dommages affectant le chéneau de la verrière de la bibliothèque municipale.

S'agissant des préjudices :

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la réparation des désordres engageant la responsabilité décennale des constructeurs, nécessite la reprise complète du chéneau défectueux et la réparation des désordres intérieurs résultant des infiltrations d'eau et causés aux sous-faces du chéneau, aux dalles de faux-plafond et à l'isolation. Il résulte des évaluations opérées par l'expert que l'ensemble de ces travaux peut être estimé à la somme de 38 228, 44 euros toutes taxes comprises (TTC). A ce montant doivent être ajoutés le coût de la maitrise d'oeuvre estimé à 8, 5 % du montant des travaux hors taxes, soit 3 249, 42 euros TTC, le coût de la mission de contrôle technique estimé à 1 920 euros et le coût de la mission de coordination SPS évalué à 1 680 euros. Il en résulte que le montant des travaux de réfection doit ainsi être fixé à la somme globale de 45 077, 86 euros TTC.

13. En deuxième lieu, si l'expert a évalué le montant des réparations des fuites pendant l'expertise judiciaire à 240 euros TTC correspondant à trois heures d'intervention d'un couvreur pour réaliser les soudures manquantes dans le chéneau et la fourniture de divers éléments pour la finition, ainsi que l'a estimé à juste titre le tribunal administratif d'Orléans, la commune de Foëcy ne justifie aucunement avoir fait réaliser ces travaux conservatoires. Sa demande doit dès lors être rejetée sur ce point.

14. En dernier lieu, l'expert a indiqué que la durée des travaux de reprise des dommages affectant notamment le chéneau entourant la verrière pouvait être estimée à deux mois et que la bibliothèque devrait être fermée pendant cette période. Il résulte, en outre, de l'instruction d'une part que la commune appelante perçoit des cotisations d'abonnement de la part des abonnés de la bibliothèque et d'autre part qu'en dehors des horaires d'ouverture au public, la bibliothèque de la commune accueille des élèves des écoles maternelle et primaire de la commune et pendant les vacances, des groupes du centre de loisirs. Il résulte des estimations de l'expert que la bibliothèque de la commune de Foëcy sera totalement indisponible, tant au public qu'aux enfants des écoles maternelle et primaire et du centre de loisirs pendant une durée de deux mois. Il sera fait une juste évaluation du préjudice futur de jouissance de la bibliothèque multimédia subi par la commune appelante en le fixant à la somme de 1 000 euros.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le préjudice total subi par la commune de Foëcy doit être fixé à la somme de 46 077, 86 euros TTC.

S'agissant de la solidarité :

16. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt que la commune de Foëcy ne peut être regardée comme ayant présenté devant le tribunal administratif d'Orléans des conclusions à fin de condamnation solidaire de la société RTP, venant aux droits de la société Yvon Chantier, titulaire du lot n° 3, de la SCDF E...-Pietu, maître d'oeuvre, et de la société Apave Parisienne, contrôleur technique. Ces conclusions présentent donc la nature de conclusions nouvelles en appel qui sont par suite irrecevables.

En ce qui concerne les appels en garantie :

17. La SCDF E...-Pietu, maître d'oeuvre, et la SAS Apave Parisienne, contrôleur technique, demandent à être garanties des condamnations prononcées à leur encontre respectivement par la société RTP et par la SAS Apave Parisienne et par la société RTP et la SCDF E...-Pietu. De telles conclusions d'appel provoqué doivent être rejetées dès lors que ces deux sociétés ne sont pas condamnées solidairement à indemniser la commune de Foëcy en application du point 16 du présent arrêt.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Foëcy est uniquement fondée à demander la réformation du jugement n° 1603098 du 23 novembre 2017 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il n'a pas condamné les société RTP, E...-Pietu et Apave Parisienne à lui verser une somme supplémentaire de 1000 euros au titre du préjudice de jouissance du fait de l'immobilisation de la bibliothèque pendant une durée de deux mois.

19. En l'absence de condamnation solidaire des société RTP, E...-Pietu et Apave Parisienne, il y a lieu de répartir cette somme entre les constructeurs. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il résulte de l'instruction que l'entreprise Yvon Chantier puis la société RTP, titulaire du lot n° 3, a méconnu les prescriptions qui s'imposaient à elle quant à la réalisation du chéneau et commis plusieurs malfaçons dans l'exécution de sa mission. Il sera fait une juste appréciation de sa responsabilité dans la survenue des désordres en la fixant à 70 %. Il résulte de l'instruction que le maître d'oeuvre, qui aurait dû relever l'absence de pente du chéneau et les malfaçons entachant l'exécution du lot n° 3, a manqué à sa mission de surveillance du chantier. Il sera fait une juste appréciation de sa responsabilité dans la survenue des désordres en la fixant à 15 %. Enfin, il résulte de l'instruction que le contrôleur technique, qui avait connaissance de l'absence de pente affectant le chéneau en méconnaissance du DTU 40.5 et dont la mission s'étendait aussi pendant la phase de réalisation des travaux, s'est abstenu de mentionner les malfaçons dans son rapport final. Il sera fait une juste appréciation de sa responsabilité dans la survenue des désordres en la fixant à 15 %.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la somme que la SARL RTP doit être condamnée à verser à la commune de Foëcy doit être portée à 32 254, 50 euros. La somme que la SCDF E...-Pietu doit être condamnée à verser à la commune doit être portée à 6 911, 68 euros. Enfin la somme que la SAS Apave Parisienne doit être condamnée à verser à la commune doit être portée à 6 911, 68 euros.

Sur les frais du litige :

21. En premier lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de la SCDF E...-Pietu et de la SAS Apave Parisienne une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Foëcy en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

22. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Foëcy soit condamnée à verser à la SCDF E...-Pietu et à la SAS Apave Parisienne les sommes que ces dernières demandent en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la commune de Foëcy tendant à l'inscription au passif de la société RTP de la somme de 63 990, 26 euros sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaitre.

Article 2 : La SARL RTP est condamnée à verser à la commune de Foëcy une somme de 32 254, 50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2016.

Article 3 : La SCDF E...-Pietu est condamnée à verser à la commune de Foëcy la somme de 6 911, 68 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2016.

Article 4 : La SAS Apave Parisienne est condamnée à verser à la commune de Foëcy la somme de 6 911, 68 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2016.

Article 5 : Le jugement n° 1603098 du 23 novembre 2017 du tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 2, 3 et 4 du présent arrêt.

Article 6 : La SAS Apave Parisienne et la SCDF E...-Pietu verseront solidairement à la commune de Foëcy la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Foëcy est rejeté.

Article 8 : Les conclusions de la SCDF E...-Pietu et de la SAS Apave Parisienne tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Foëcy, à la SCDF E...-Pietu, à la SAS Apave Parisienne et à la SCP Bro-Ponroy, en qualité de liquidateur de la société RTP.

Copie en sera adressée, pour information, à l'expert.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président,

- M. Jouno, premier conseiller,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 juin 2020.

La rapporteure,

M. G...Le président,

L. Lainé

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au préfet du Cher en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18NT00316

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00316
Date de la décision : 12/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SELARL GVB AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-12;18nt00316 ?
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