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05/06/2020 | FRANCE | N°19NT01622

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 05 juin 2020, 19NT01622


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2017 du préfet d'Ille-et-Vilaine en tant qu'il déclare cessible une surface de 244 m² de la parcelle cadastrée à la section AR, sous le n° 152p, située 25, rue Henri Monnerais à Rennes, ainsi que la décision portant rejet implicite de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1801072 du 1er mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête et des mémoires, enregistrés les 27 avril et 8 novembre 2019 et le 2 janvier 2020, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2017 du préfet d'Ille-et-Vilaine en tant qu'il déclare cessible une surface de 244 m² de la parcelle cadastrée à la section AR, sous le n° 152p, située 25, rue Henri Monnerais à Rennes, ainsi que la décision portant rejet implicite de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1801072 du 1er mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 avril et 8 novembre 2019 et le 2 janvier 2020, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2017 du préfet d'Ille-et-Vilaine en tant qu'il déclare cessible une surface de 244 m² de la parcelle cadastrée AR 152p ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- l'arrêté contesté est entaché d'illégalité au regard des dispositions de l'article R. 132-2 du code de l'expropriation et de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 en ce que, si l'arrêté de cessibilité en litige indiquait la nature de la parcelle en cause, il mentionnait qu'il s'agissait d'un terrain alors qu'y sont implantés deux garages ;

- c'est à tort que le moyen tiré du défaut d'établissement d'un document d'arpentage a été regardé comme un moyen nouveau alors qu'il constituait une nouvelle branche du moyen tiré du vice de procédure soulevé dans la requête initiale ;

- lorsqu'un arrêté de cessibilité déclare cessibles des parties de parcelles, ce qui implique de modifier les limites des terrains concernés, un document d'arpentage doit être préalablement réalisé afin que l'arrêté de cessibilité désigne les parcelles concernées conformément à leur numérotation issue de ce document ; le défaut d'accomplissement de cette obligation, qui constitue alors une garantie pour les propriétaires concernés par la procédure d'expropriation, entache d'irrégularité l'arrêté de cessibilité ; les dispositions de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière relatives à l'établissement préalable d'un document d'arpentage n'ont pas été respectées ;

- l'arrêté portant déclaration d'utilité publique est entaché d'illégalité.

Par des mémoires enregistrés les 9 octobre et 26 novembre 2019, la commune de Rennes, représentée par le cabinet d'avocats Coudray, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme B... de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme B... n'est pas recevable à invoquer en appel le moyen tiré de l'absence de réalisation préalable d'un document d'arpentage dès lors qu'il a été soulevé postérieurement à la date indiquée dans l'ordonnance prise sur le fondement de l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative ; en tout état de cause, ce moyen n'est pas fondé ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas davantage fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., pour Mme B... et de Me D..., pour la commune de Rennes.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 1er mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2017 du préfet d'Ille-et-Vilaine en tant qu'il déclare cessible une surface de 244 m² de la parcelle cadastrée à la section AR sous le n° 152p, située 25, rue Henri Monnerais, à Rennes, et de la décision portant rejet implicite de son recours gracieux. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, le président de la chambre chargée de l'instruction peut, sans clore l'instruction, fixer par ordonnance la date à compter de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux. / Les lettres remises contre signature portant notification de cette ordonnance ou tous autres dispositifs permettant d'attester la date de réception de cette ordonnance sont envoyés à toutes les parties en cause un mois au moins avant la date mentionnée au premier alinéa./ Le président de la formation de jugement, ou, au Conseil d'Etat, le président de la chambre, peur retirer l'ordonnance prise sur le fondement du premier alinéa par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours / Cette décision est notifiée dans les formes prévues au deuxième alinéa. "

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il considère qu'une affaire est en état d'être jugée, le président d'une formation de jugement d'un tribunal administratif peut, par ordonnance, fixer, dans le cadre de l'instance et avant la clôture de l'instruction, une date à compter de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux. Le pouvoir ainsi reconnu au président de la formation de jugement est limité à l'instance pendante devant la juridiction à laquelle il appartient. Cette ordonnance perd son objet et cesse de produire ses effets avec la clôture de l'instruction dans le cadre de cette instance. Il s'ensuit qu'en cas d'appel, l'usage fait en première instance de la faculté prévue par l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative est sans incidence sur la recevabilité des moyens que peuvent soulever les parties à l'appui de leurs conclusions d'appel.

4. Dès lors, contrairement à ce que soutient la commune de Rennes, le moyen tiré de ce que les dispositions combinées de l'article R. 11-28 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 ont été méconnues, invoqué en appel, est recevable.

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 11-28 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors en vigueur : " Sur le vu du procès-verbal et des documents y annexés, le préfet, par arrêté, déclare cessibles les propriétés ou parties de propriétés dont la cession est nécessaire. Ces propriétés sont désignées conformément aux dispositions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et l'identité des propriétaires est précisée conformément aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article 5 de ce décret ou de l'alinéa 1er de l'article 6 du même décret, sans préjudice des cas exceptionnels mentionnés à l'article 82 du décret d'application n° 55-1350 du 14 octobre 1955. Toutefois, il peut n'être établi qu'un seul document d'arpentage pour l'ensemble des parcelles contiguës comprises dans une même feuille de plan cadastral ; il n'est plus alors exigé de document d'arpentage soit à l'occasion de cessions amiables postérieures à l'arrêté de cessibilité ou à tous actes en tenant lieu, soit à l'occasion de l'ordonnance d'expropriation ".

6. Aux termes de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 susvisé : " Tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un service chargé de la publicité foncière doit indiquer, pour chacun des immeubles qu'il concerne, la nature, la situation, la contenance et la désignation cadastrale (section, numéro du plan et lieu-dit). Le lieu-dit est remplacé par l'indication de la rue et du numéro pour les immeubles situés dans les parties agglomérées des communes urbaines. / Lorsqu'il réalise ou constate une division de la propriété du sol entraînant changement de limite, l'acte ou la décision doit désigner l'immeuble tel qu'il existait avant la division et chacun des nouveaux immeubles résultant de cette division, sauf en cas de lotissement effectué dans le cadre de la législation sur les lotissements ou s'il s'agit d'immeubles situés dans les communes où le cadastre n'est pas rénové. La constitution sur une fraction de parcelle d'un droit d'usufruit, d'un droit de superficie ou d'un bail emphytéotique est considérée comme un changement de limite de propriété. / Lorsque, sans réaliser ou constater une division de la propriété du sol entraînant changement de limite, il ne concerne qu'une ou plusieurs fractions d'un immeuble, l'acte ou la décision judiciaire doit comporter à la fois la désignation desdites fractions et celle de l'ensemble de l'immeuble. La désignation de la fraction est faite conformément à un état descriptif de division, ou, éventuellement, à un état modificatif, établi dans les conditions fixées par décret, et préalablement publié ; elle doit mentionner le numéro du lot dans lequel la fraction est comprise, et, sous réserve des exceptions prévues audit décret, la quote-part dans la propriété du sol afférente à ce lot. Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables lorsque l'acte ou la décision concerne soit une servitude, soit un droit d'usage ou d'habitation, soit un bail de plus de douze années. Elles sont également sans application lorsque l'acte ou la décision entraîne la suppression de la division de l'immeuble. / Les mêmes indications doivent obligatoirement figurer dans tout bordereau, extrait, expédition ou copie, déposé en vue de l'exécution de la formalité. / S'il s'agit d'immeubles situés dans les communes où le cadastre a été rénové, et faisant l'objet d'une mutation par décès, d'un acte ou d'une décision judiciaire translatif, déclaratif ou constitutif d'un droit réel susceptible d'hypothèque, la désignation est faite conformément à un extrait cadastral ayant moins de six mois de date au jour de la remise au service chargé de la publicité foncière, et, en cas de changement de limite, d'après les documents d'arpentage établis spécialement en vue de la conservation du cadastre. Cet extrait ou ces documents doivent être remis au service chargé de la publicité foncière à l'appui de la réquisition de la formalité ".

7. Il résulte des dispositions combinées rappelées aux points 5 et 6 que lorsqu'un arrêté de cessibilité déclare cessibles des parties de parcelles, ce qui implique de modifier les limites des terrains concernés, un document d'arpentage doit être préalablement réalisé afin que l'arrêté de cessibilité désigne les parcelles concernées conformément à leur numérotation issue de ce document. Le défaut d'accomplissement de cette obligation, qui constitue alors une garantie pour les propriétaires concernés par la procédure d'expropriation, entache d'irrégularité l'arrêté de cessibilité.

8. L'arrêté litigieux ne prévoit la cession que d'une partie, représentant 244 m2, de la parcelle cadastrée à la section AR sous le n° 152 p appartenant à Mme B.... Toutefois, il n'est pas contesté que la collectivité expropriante n'a pas fait réaliser un document d'arpentage désignant la parcelle concernée conformément à sa numérotation issue de ce document. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que l'absence de ce document, qui constituait une garantie pour Mme B..., entache d'irrégularité l'arrêté contesté en tant qu'il déclare cessible, au profit de la commune, une partie de la parcelle lui appartenant, le seul renvoi dans les visas de cet arrêté aux conclusions de la commission d'enquête " émettant un avis favorable à la cessibilité des parcelles sous réserve d'exclure de l'emprise opérationnelle " du projet de parc " la partie ouest de la parcelle AR 152 supportant la maison à usage d'habitation " n'étant pas suffisant pour pallier le défaut d'accomplissement de l'obligation de réaliser ce document. Dès lors, l'arrêté du 28 juillet 2017 du préfet d'Ille-et-Vilaine en tant qu'il déclare cessible une surface de 244 m² de la parcelle cadastrée AR 152p, située 25, rue Henri Monnerais à Rennes, et la décision portant rejet implicite du recours gracieux formé contre cet arrêté sont entachés d'illégalité pour ce motif.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2017 du préfet d'Ille-et-Vilaine en tant qu'il déclare cessible une surface de 244 m² de la parcelle cadastrée AR 152p et de la décision portant rejet implicite de son recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

10. D'une part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune de Rennes de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 1er mars 2019 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 28 juillet 2017 du préfet d'Ille-et-Vilaine en tant qu'il déclare cessible une surface de 244 m² de la parcelle cadastrée à la section AR sous le n° 152p, située 25, rue Henri Monnerais à Rennes, et la décision portant rejet implicite du recours gracieux formé par Mme B... sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... versera une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Rennes tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., au ministre de l'intérieur, à la commune de Rennes et au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme A..., présidente-assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juin 2020.

Le rapporteur,

C. A...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01622
Date de la décision : 05/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : PIPERAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-05;19nt01622 ?
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