Vu la procédure suivante :
Par la décision n° 420070 du 6 mai 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour n° 17NT01449 - 17NT01482 du 23 février 2018 et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes.
Procédure contentieuse antérieure :
La société CVT Loisirs et M. D... I... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Saumur, à titre principal, à leur verser respectivement les sommes de 809 935,36 euros et 243 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la déchéance d'un contrat de concession de service public conclu en avril 2005.
Par un jugement n° 1408731 du 8 février 2017, le tribunal administratif de Nantes a condamné la commune de Saumur à verser à la société CVT Loisirs la somme de 654 680,92 euros, assortie des intérêts à compter de la réception de la demande du 29 décembre 2010 et de leur capitalisation.
Par un arrêt n° 17NT01449 - 17NT01482 du 23 février 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel d'une part de la commune de Saumur et de l'autre de la société CVT Loisirs et de M. I... E..., annulé ce jugement et rejeté les demandes formées par la société CVT Loisirs et M. I... E....
Procédure devant la cour :
Avant cassation :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 17NT01449 le 4 mai 2017, la commune de Saumur, représentée par la SCP Cornet-Vincent-Ségurel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 février 2017 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par la société CVT Loisirs et M. I... E... devant le tribunal administratif de Nantes ;
3°) de mettre à la charge de la société CVT Loisirs la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en estimant qu'elle avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en prononçant la déchéance du contrat de concession confié à la société CVT Loisirs, le tribunal a méconnu l'autorité de la chose jugée par un arrêt de la cour du 16 juin 2015 ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la déchéance était proportionnée aux fautes contractuelles commises par CVT Loisirs ;
- la convention de concession exclut tout droit indemnitaire du concessionnaire en cas de déchéance ;
- elle ne peut être condamnée à indemniser la société CVT ni de la valeur non amortie des investissements supplémentaires non prévus par la convention de délégation ni de la valeur nette comptable de travaux pris en compte sur les loyers déjà acquittés par elle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2017, la société CVT Loisirs et M. I... E... concluent au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demandent que la somme de 654 680,92 euros que la commune de Saumur a été condamnée à payer à la société CVT Loisirs soit portée à la somme totale de 809 935,36 euros, assortie des intérêts, et que la commune de Saumur soit condamnée à verser à M. I... E... la somme totale de 243 000 euros, assortie des intérêts. Ils demandent enfin que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saumur sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'analyse du tribunal, aux termes de laquelle le seul non versement de l'acompte de la redevance pour 2009 n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier la déchéance du concessionnaire ne méconnaît aucune autorité de la chose jugée et ne procède pas d'une appréciation erronée des faits ;
- ils doivent donc être indemnisés des préjudices subis.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 17NT01482 le 9 mai 2017, la société CVT Loisirs et M. I... E..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 février 2017 en tant qu'il limite le montant de l'indemnisation à 654 680,92 euros ;
2°) de condamner la commune de Saumur à verser à la société CVT Loisirs la somme de 733 893,93 euros, assortie des intérêts, au titre des investissements non amortis, la somme de 61 041,43 euros, assortie des intérêts, au titre des bénéfices non obtenus et la somme de 15 000 euros, assortie des intérêts, au titre du préjudice moral ;
3°) de condamner la commune de Saumur à verser à M. I... E... la somme de 228 000 euros, assortie des intérêts, au titre des rémunérations perdues en sa qualité de gérant, et la somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au titre du préjudice moral ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saumur la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le préjudice résultant des investissements non amortis du fait de la déchéance non justifiée s'élève à 733 893 euros ; la somme de 79 212,97 euros non accordée à ce titre par le tribunal représente un enrichissement sans cause pour la commune ;
- la société CVT Loisirs a été privée d'un bénéfice de 12 208,29 euros pendant cinq ans, soit 61 041,43 euros et son gérant a été privé de sa rémunération de 45 600 euros annuels pendant la même période de 5 ans, soit 228 000 euros ;
- ils ont subi un préjudice moral et une atteinte à leur réputation professionnelle, qui doivent être indemnisés à hauteur de 15 000 euros pour la société et de 15 000 euros pour son gérant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2017, la commune de Saumur conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, elle demande l'annulation du jugement et le rejet des demandes présentées par la société CVT Loisirs et M. I... E... devant le tribunal administratif de Nantes, enfin elle demande que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société CVT Loisirs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les demandes indemnitaires supplémentaires ne sont ni fondées ni justifiées ;
- en estimant qu'elle avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en prononçant la déchéance du contrat de concession confié à la société CVT, le tribunal a méconnu l'autorité de la chose jugée par un arrêt de la cour du 16 juin 2015 ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la déchéance était proportionnée aux fautes contractuelles commises par CVT Loisirs ;
- la convention de concession exclut tout droit indemnitaire du concessionnaire en cas de déchéance ;
- elle ne peut être condamnée à indemniser la société CVT ni de la valeur non amortie des investissements supplémentaires non prévus par la convention de délégation ni de la valeur nette comptable de travaux pris en compte sur les loyers déjà acquittés par elle.
Par un arrêt n° 17NT01450 du 10 novembre 2017 la cour administrative d'appel de Nantes a, à la demande de la commune de Saumur, sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 février 2017 jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête n° 17NT01449.
Après cassation :
Par des mémoires, enregistrés les 26 juin, 15 octobre 2019 et 11 février 2020, la commune de Saumur, représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 février 2017 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par la société CVT Loisirs et M. I... E... ;
3°) de mettre à la charge de la société CVT Loisirs et de M. I... E... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la décision de déchéance du concessionnaire est régulière au terme d'une substitution de motif ; la décision de déchéance est fondée sur les manquements systématiques de la société CVT Loisirs à ses obligations financières, pour un montant total de 270 912, 22 euros ; l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt rendu le 16 juin 2015 par la cour, qui a statué sur l'absence de responsabilité contractuelle de la commune, fait obstacle aux conclusions indemnitaires des requérants ;
- subsidiairement, la société ne saurait prétendre à l'indemnisation d'un préjudice ; le contrat de concession interdit toute indemnisation en cas de déchéance ; en tout état de cause, au titre des investissements non amortis, et eu égard à l'article 5 de la convention, la réalité des investissements et leur utilité pour la commune ne sont pas établies et le coût de certains investissements réalisés a déjà été pris en compte par la réfaction de loyer accordée à la société ; l'équipement wifi n'a pas été repris par la commune et ne peut être indemnisé ; il en est de même de la borne interactive APSIDES qui a également été subventionnée lors de son acquisition ; les titres de recettes émis par la commune ont été jugés réguliers par la cour ; les intérêts de retard liés aux prêts souscrits par la société CVT Loisirs, dont l'indemnisation est demandée, ne sont pas justifiés et correspondent à des investissements non indispensables au fonctionnement du service public ; la demande indemnitaire réévaluée au titre des bénéfices non obtenus sera écartée compte tenu des modalités de calcul présentées et de justificatifs insuffisants ; l'indemnisation des pertes de rémunération de M. I... E... sera écartée dès lors qu'elle ferait double emploi avec celle de sa société, de la réalité de son activité, et de l'objet de la société CVT Loisirs ; il ne peut y avoir d'indemnité du préjudice moral et de l'atteinte à la réputation professionnelle dans le contexte exposé.
Par des mémoires, enregistrés les 19 septembre 2019, 5 novembre 2019, 17 janvier 2020, 11 et 28 février 2020, la société CVT Loisirs et M. I... E..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) la confirmation du jugement du tribunal du 6 février 2017 en ce qu'il décide que la mesure de déchéance est irrégulière et constitutive d'une faute de la commune de nature à engager sa responsabilité ;
2°) sa réformation en ce qu'il limite la condamnation de la commune à 654 680,92 euros et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Saumur une somme de 1 389 425,01 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande du 29 décembre 2010 et capitalisation après un an, et à chaque échéance annuelle ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saumur une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la mesure de déchéance est dépourvue de bien-fondé faute d'existence avérée d'une faute d'une gravité suffisante ; les nouveaux motifs invoqués par la commune ne peuvent être utilement invoqués dès lors qu'ils n'étaient pas mentionnés dans le courrier de mise en demeure ; en tout état de cause ces motifs ne peuvent constituer une faute d'une gravité suffisante et la substitution de motif a déjà été écartée par le Conseil d'Etat ; l'arrêt du 16 juin 2015 cité ne s'oppose pas à l'indemnisation faute d'identité d'objet avec la présente affaire ; l'article 25 du contrat ne trouverait à s'appliquer que si la mesure de déchéance avait été légalement fondée ;
- il existe un droit à indemnisation au cas d'espèce ; celui-ci concerne les investissements que la société n'a pas été en mesure d'amortir en raison de la déchéance alors même qu'il n'y aurait pas eu d'accord préalable de la commune pour certains d'entre eux pour un montant de 654 680,92 euros ; aucune minoration sur les redevances ne peut être opérée sur le montant des investissements non amortis ; les investissements liés à la construction d'une piscine et d'un bar restaurant étaient nécessaires à l'exploitation du camping, alors même qu'ils n'auraient pas fait l'objet d'un accord préalable de la commune ; les équipements wifi et la borne interactive ont été transférés dans le patrimoine de la commune et constituent des biens de retour ; la société sera indemnisée des intérêts de retard liés aux prêts souscrits par la société CVT Loisirs pour un montant de 92 931,09 euros, des bénéfices non obtenus pour un montant de 395 413 euros, des pertes de rémunération de M. I... E... pour un montant de 201 400 euros, des préjudices moraux et d'atteinte à la réputation professionnelle de la société et de M. I... E... pour un montant de 45 000 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant la commune de Saumur, et de Me A..., représentant la société CVT Loisirs et M. I... E....
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Saumur a conclu avec la société CVT Loisirs un contrat de concession de service public pour la gestion et l'exploitation de deux campings municipaux, du bar-brasserie-épicerie de l'un d'eux et d'un centre international de séjour, pour une durée de 10 ans à compter du 1er mai 2005. Estimant que la société CVT Loisirs avait commis des fautes dans l'exécution du contrat, le conseil municipal de la commune de Saumur a, par délibération du 20 octobre 2010, prononcé la résiliation de la concession aux torts exclusifs de la société. Saisi par la société CVT Loisirs et son gérant, M. I... E..., le tribunal administratif de Nantes a, par un jugement du 8 février 2017, condamné la commune de Saumur à verser à la société CVT Loisirs la somme de 654 680,92 euros en réparation des préjudices subis du fait de la déchéance du contrat de concession de service public. Par un arrêt du 23 février 2018 la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et a rejeté les demandes de la société CVT Loisirs et de M. E.... Par une décision du 6 mai 2019, à la demande de cette société et de son gérant, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour cette affaire.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Saumur :
2. D'une part, il résulte de l'instruction qu'en vertu de l'article 5 de la convention de concession, la société CVT Loisirs s'était engagée à réaliser des travaux de mise aux normes et de développement identifiés et chiffrés au sein d'une annexe à la convention, pour un montant estimatif de 272 284,25 euros HT. Aux termes de l'article 9 de la convention relative à la redevance annuelle due à la commune concédante, le concessionnaire pouvait déduire du montant de cette redevance l'annuité résultant de la souscription d'un emprunt sur dix ans pour la somme nécessaire à couvrir ces travaux. Plusieurs différends étant nés entre les parties quant à la communication des documents relatifs au prêt contracté à cette fin par le concessionnaire et aux modalités de calcul de la déduction, la société CVT Loisirs n'a pas déféré à la mise en demeure de la commune de lui verser l'acompte de la redevance de l'année 2009, d'un montant de 40 330,63 euros. La commune de Saumur ne pouvait résilier unilatéralement, pour ce seul motif mentionné dans la délibération du 20 octobre 2010, la concession alors que le non versement, certes fautif, de cette somme n'était pas, eu égard au montant des investissements engagés par le concessionnaire et à l'équilibre économique de l'exploitation, dont le chiffre d'affaires annuel avoisinait un million d'euros, d'une gravité suffisante pour fonder légalement la déchéance du concessionnaire.
3. D'autre part, la commune de Saumur se prévaut également de l'article 25 du contrat de concession qui stipule que " la déchéance du concessionnaire sanctionnant le non-respect de la convention sera effective 3 mois après sa notification à l'intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception. Dans ce cas, le concessionnaire devra, sans pouvoir prétendre à aucune indemnité, remettre à la ville les installations dans un bon état d'entretien et de fonctionnement (...) ". Cependant, ainsi qu'exposé au point précédent, la déchéance prononcée par le conseil municipal de Saumur le 20 octobre 2010 est irrégulière et, à ce titre fautive. Par suite, la responsabilité de cette commune est bien engagée en conséquence.
4. Aussi, sans qu'il y ait lieu de procéder à la substitution de motifs demandée par la commune de Saumur, et alors qu'elle ne peut utilement se prévaloir de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 16 juin 2015 de la présente cour en l'absence d'identité d'objet et de parties, la société CVT Loisirs et M. I... E... sont fondés à soutenir que la mesure de déchéance est irrégulière et que cette faute est de nature à engager la responsabilité de la commune de Saumur.
En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices subis par le société CVT Loisirs et M. I... E... :
S'agissant des investissements non amortis :
5. En premier lieu, dans le cadre d'une délégation de service public ou d'une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique. En outre, les biens qui n'ont pas été remis par le délégant au délégataire en vue de leur gestion par celui-ci et qui ne sont pas indispensables au fonctionnement du service public sont la propriété du délégataire, à moins que les parties n'en disposent autrement.
6. En deuxième lieu, à l'expiration de la convention, les biens qui sont entrés, en application des principes énoncés ci-dessus, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l'exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu'elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public. Par ailleurs, les parties peuvent convenir d'une faculté de reprise par la personne publique, à l'expiration de la délégation ou de la concession, et moyennant un prix, des biens appartenant au délégataire qui ne sont pas nécessaires au fonctionnement du service. Toutefois, aucun principe ni aucune règle ne fait obstacle, s'agissant de ces biens susceptibles d'une reprise, à ce que le contrat prévoie également leur retour gratuit à la personne publique au terme de la délégation.
7. En troisième lieu, lorsque, par ailleurs, la personne publique résilie la convention avant son terme normal, le délégataire est fondé à demander l'indemnisation du préjudice qu'il subit à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique dès lors qu'ils n'ont pu être totalement amortis. Lorsque l'amortissement de ces biens a été calculé sur la base d'une durée d'utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan et, dans le cas où leur durée d'utilisation était supérieure à la durée du contrat, l'indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l'amortissement de ces biens sur la durée du contrat.
8. En quatrième lieu, en l'espèce, il résulte des termes même du contrat de concession de service public liant la commune de Saumur à la société CVT Loisirs, d'une part, que toute construction neuve et amélioration devient, dès sa réalisation, la propriété de la commune de Saumur et, d'autre part, qu'à l'exception d'investissements de mise aux normes des équipements concédés, limitativement mentionnés à l'annexe à l'article 9 de cette concession, la réalisation des autres travaux et les acquisitions de biens nécessaires au fonctionnement du service public sont subordonnées à l'accord préalable de la collectivité contractante. Il résulte de l'instruction que divers travaux et réalisations effectués par la concessionnaire, sans accord de la commune, et dont l'indemnisation est demandée, étaient nécessaires au fonctionnement du service public concédé comprenant l'exploitation de deux campings municipaux, d'un bar-brasserie-épicerie et d'un centre international de séjour. Il en va ainsi de la réalisation d'une piscine et du nouveau bar-restaurant dont les constructions ont été autorisées par une délibération du conseil municipal de Saumur du 10 février 2006 et dont le même conseil, par une délibération du 29 juin 2007, relève, s'agissant de la piscine réalisée, qu'il s'agit d'un " élément structurant (...) nécessaire à l'activité du site ". De même, la société CVT Loisirs est fondée à être indemnisée, au titre des biens de retour, des investissements et travaux visés à l'annexe à l'article 9 de la convention de concession, ainsi que de travaux précisément identifiés, dont le caractère nécessaire au fonctionnement du service public concédé résulte de l'instruction, et dont la durée d'amortissement est inférieure à dix ans. Ainsi, par référence à l'" état détaillé des dotations au 31/12/2010 " établi par un cabinet d'expertise comptable, corrigé du fait que la résiliation a pris effet au 5 février 2011, il y a lieu de retenir les sommes de 320 459,81 au titre des travaux de construction du bar-restaurant, de 174 802,97 euros en lien avec la construction de la piscine, de 2 709,52 euros au titre des travaux aux abords du bar, de 53 739,49 euros pour les travaux d'aménagement du terrain, de 257,73 euros pour des équipements frigorifiques, de 19 111,34 euros pour un ensemble d'équipements de cuisine, de 4 072,70 euros pour l'installation de barrières, de 2 457,92 euros pour des travaux d'électricité au niveau du bar, de 53 760,41 euros pour des travaux au centre international de séjour, de 17 376,22 euros pour des travaux sur les sanitaires, de 3 497,83 euros pour des travaux à l'accueil, de 761,25 euros pour des travaux de réseau " wifi ", et de 1 673,73 euros pour une borne interactive. Par suite, et sans qu'il y ait lieu à procéder à la mesure d'instruction sollicitée, il y a lieu de conserver à la charge de la commune de Saumur à ce titre, au bénéfice de la société CVT Loisirs, la somme de 654 680,92 euros fixée par les premiers juges.
S'agissant des retards au remboursement de prêts souscrits par la société CVT Loisirs :
9. Pour la première fois en appel, les requérants demandent à être indemnisés, à hauteur de 92 931,09 euros des sommes réclamées par l'établissement bancaire auprès duquel la société CVT Loisirs a souscrit deux prêts de 500 000 et 300 000 euros. Si les éléments présents au dossier établissent notamment l'existence de ces prêts destinés au financement de la piscine et du restaurant évoqués au point 8 et d'une procédure juridictionnelle liée engagée à l'encontre de la société CVT devant le tribunal de commerce d'Angers, ils ne permettent cependant pas d'établir le caractère certain du préjudice financier allégué en l'absence de toute obligation de payer les sommes demandées au vu de l'instruction. Par suite, il y a lieu d'écarter les prétentions indemnitaires présentées à ce titre par les requérants.
S'agissant des bénéfices non obtenus :
10. La société CVT Loisirs soutient qu'elle doit être indemnisée à hauteur de 395 413 euros de son manque à gagner pour la période postérieure à la résiliation de la délégation de service public. A l'appui de cette demande la société se réfère à un état de gestion établi par un cabinet d'expertise-comptable qu'elle a engagé pour l'année 2010, ainsi que sur un " prévisionnel de développement de janvier 2009 à décembre 2013 ", établi par le même cabinet, reposant sur les déclarations de l'entreprise, et présentant des projections " n'ayant qu'une valeur indicative ". Par ailleurs, les divers documents comptables produits ne permettent pas à eux seuls d'établir l'existence même de résultats positifs pour la période antérieure à la résiliation de la délégation de service public. Ainsi, les pièces produites n'établissent pas que l'absence de résiliation de la convention aurait permis la réalisation de résultats nets positifs avant son terme. En conséquence, les demandes présentées à ce titre ne peuvent qu'être écartées.
S'agissant des pertes de rémunération de M. I... E... :
11. M. I... E..., faisant valoir qu'il était le gérant de la société CVT Loisirs, indique avoir subi une perte de rémunération de 201 400 euros en conséquence de la résiliation irrégulière de la convention. L'intéressé, gérant associé, justifie qu'il percevait une rémunération annuelle de 45 600 euros. Toutefois, alors que des comptes de résultat prévisionnels de la société CVT Loisirs, portant sur des exercices postérieurs à la résiliation de la convention, mentionnent le versement au gérant d'une rémunération annuelle de 45 600 euros, et qu'aucun élément du dossier n'indique que le gérant a, avant l'exercice clos le 31 décembre 2018, été privé de sa rémunération, l'existence de la perte de rémunération alléguée par M. I... E... pour les années courant de la résiliation au terme initialement prévu de la convention n'est pas établie. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées à ce titre ne peuvent être qu'écartées.
S'agissant du préjudice moral et de l'atteinte à la réputation professionnelle des requérants :
12. M. I... E... et la société CVT Loisirs soutiennent qu'ils doivent être indemnisés de leur préjudice moral et de l'atteinte à leur réputation professionnelle résultant de diverses déclarations publiques du maire de Saumur mettant en cause notamment leur professionnalisme. Ces déclarations, relayées notamment par la presse locale, ont mis en cause les qualités professionnelles de M. I... E.... Pour autant, il résulte de l'instruction que la décision irrégulière de résiliation est intervenue au terme d'une procédure conflictuelle marquée, notamment, par des comportements fautifs de ces derniers, comme le non versement d'un acompte de la redevance de l'année 2009 d'un montant de 40 330,63 euros. Par suite, et alors que la société CVT Loisirs n'avait pas d'autre objet que la gestion de la délégation de service public résiliée, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes indemnitaires formulées à ces titres par M. I... E... et la société CVT Loisirs.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les parties ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nantes a fixé à la somme de 654 680,92 euros, assortie des intérêts avec capitalisation dans les conditions non contestées résultant du jugement attaqué, le montant de l'indemnité due par la commune de Saumur à la société CVT Loisirs en réparation des préjudices résultant de la déchéance de la convention prononcée par son conseil municipal le 20 octobre 2010.
Sur les frais liés au litige :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes présentées par les parties en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de la commune de Saumur, de la société CVT Loisirs et de M. I... E... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saumur, à la société CVT Loisirs et à M. D... I... E....
Délibéré après l'audience du 3 mars 2020, à laquelle siégeaient :
- M. B..., président de la formation de jugement,
- M. Jouno, premier conseiller,
- Mme H..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 30 mars 2020.
Le président rapporteur,
C. B...
L'assesseur le plus ancien,
T. Jouno
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01755