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30/03/2020 | FRANCE | N°19NT01078

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 30 mars 2020, 19NT01078


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 mai 2016 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes a rejeté son recours dirigé contre la sanction de dix jours de mise en cellule disciplinaire, dont dix avec sursis, infligée le 5 avril 2016 par la directrice du centre pénitentiaire de Nantes.

Par un jugement n° 1605052 du 15 janvier 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du directeur interrégional des

services pénitentiaires du 25 mai 2016.

Procédure devant la cour :

Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 mai 2016 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes a rejeté son recours dirigé contre la sanction de dix jours de mise en cellule disciplinaire, dont dix avec sursis, infligée le 5 avril 2016 par la directrice du centre pénitentiaire de Nantes.

Par un jugement n° 1605052 du 15 janvier 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires du 25 mai 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mars 2019, la Garde des Sceaux, ministre de la Justice, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1605052 du tribunal administratif de Nantes du 15 janvier 2019 ;

2°) de rejeter les demandes de M. H... présentées devant le tribunal administratif de Nantes.

Elle soutient que :

- l'administration n'a pas admis l'irrégularité de la composition de la commission de discipline, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Nantes ; cette commission était régulièrement composée conformément aux dispositions des articles R. 57-7-6 et R. 57-7-8 du code de procédure pénale ;

- en ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. H... devant le tribunal administratif de Nantes, il s'en remet à son mémoire en défense produit le 13 décembre 2018 devant le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2019, M. N... H..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la Garde des Sceaux, ministre de la Justice ;

2°) à titre subsidiaire, de faire droit à sa demande de première instance et d'annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes du 25 mai 2016 et la décision de la directrice du centre pénitentiaire de Nantes du 5 avril 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son avocat en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le mémoire de la Garde des Sceaux ayant été produit postérieurement à la clôture de l'instruction devant le tribunal administratif de Nantes, et après une mise en demeure, le tribunal n'avait pas à tenir compte des pièces et observations produites tardivement par la ministre et a pu considérer que la ministre avait acquiescé aux faits exposés dans la requête ;

- il s'en rapporte aux moyens et arguments développés dans sa demande introductive de première instance ;

- la décision de poursuite comme la décision de sanction n'ont pas été adoptées par la directrice du centre pénitentiaire mais par ses adjoints ; il n'a jamais eu accès à la délégation accordée à ces adjoints en application de l'article R. 57-7-5 du code de procédure pénale ; il n'existe aucune délégation de compétence accordée à M. A... pour la décision de poursuite ; la délégation de compétence du 9 février 2015 accordée à Mme G... pour la décision de sanction a été publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Loire-Atlantique qui n'est pas accessible aux personnes détenues.

Vu les autres pièces du dossier.

M. H... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 février 2020.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le décret n°2006-441 du 14 avril 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme M..., première conseillère,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- les observations de Me F..., représentant M. H....

Une note en délibéré présentée pour M. H... a été enregistrée le 10 mars 2020.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un incident du 6 mars 2016, M. N... H..., incarcéré au centre pénitentiaire de Nantes (Loire-Atlantique) entre le 4 décembre 2014 et le 13 septembre 2016, s'est vu infliger une sanction de dix jours de cellule disciplinaire, avec un sursis de dix jours actif pendant six mois, après réunion de la commission de discipline du 5 avril 2016. Le 18 avril 2016, M. H... a formé devant le directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes un recours administratif qui a été rejeté par une décision du 25 mai 2016. La Garde des Sceaux, ministre de la Justice relève appel du jugement du 15 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes du 25 mai 2016.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale dispose que : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs. ". L'article R. 57-7-7 du même code dispose que : " Les sanctions disciplinaires sont prononcées, en commission, par le président de la commission de discipline. Les membres assesseurs ont voix consultative ". Aux termes de l'article R. 57-7-8 du même code : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs. / Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement. / Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance ". Par ailleurs, l'article R. 57-7-13 du même code dispose que : " En cas de manquement à la discipline de nature à justifier une sanction disciplinaire, un compte rendu est établi dans les plus brefs délais par l'agent présent lors de l'incident ou informé de ce dernier. L'auteur de ce compte rendu ne peut siéger en commission de discipline. ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale : " A la suite de ce compte rendu d'incident, un rapport est établi par un membre du personnel de commandement du personnel de surveillance, un major pénitentiaire ou un premier surveillant et adressé au chef d'établissement. Ce rapport comporte tout élément d'information utile sur les circonstances des faits reprochés à la personne détenue et sur la personnalité de celle-ci. L'auteur de ce rapport ne peut siéger en commission de discipline (...) ".

3. Par ailleurs, l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale dispose que : " La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline doit, dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision, la déférer au directeur interrégional des services pénitentiaires préalablement à tout recours contentieux. Le directeur interrégional dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception du recours pour répondre par décision motivée. L'absence de réponse dans ce délai vaut décision de rejet ". Il en résulte qu'un détenu n'est recevable à déférer au juge administratif que la seule décision, expresse ou implicite, du directeur régional des services pénitentiaires, qui arrête définitivement la position de l'administration et qui se substitue ainsi à la sanction initiale prononcée à la suite de la réunion de la commission de discipline. En revanche, eu égard aux caractéristiques de la procédure suivie devant la commission de discipline, cette substitution ne saurait faire obstacle ce que soient invoquées, à l'appui d'un recours dirigé contre la décision du directeur interrégional, les éventuelles irrégularités de la procédure suivie devant la commission de discipline préalablement à la décision initiale.

4. Il ressort des pièces du dossier que la commission de discipline réunie le 5 avril 2016 était présidée par Mme L... G..., directrice du quartier centre de détention du centre pénitentiaire de Nantes, délégataire du chef d'établissement conformément aux dispositions de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale. Un autre membre de cette commission était M. K... E..., surveillant, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 57-7-8 du code. Il ressort également des pièces du dossier que M. E... n'était ni rédacteur du compte-rendu d'incident du 6 mars 2016, rédigé par le premier surveillant N....., ni rédacteur du rapport d'enquête du 15 mars 2016, rédigé par Mme C... J..., première surveillante du centre pénitentiaire. Le troisième membre de la commission était M. D... I..., qui a apposé sa signature et ses initiales sur le registre de la commission et qui avait été régulièrement nommé par le président du tribunal de grande instance de Nantes. Dans ces conditions, la commission de discipline qui a siégé le 6 mars 2016 était régulièrement composée en application des dispositions des articles R. 57-7-6, R. 57-7-7, R. 57-7-13 et R. 57-7-14 du code de procédure pénale.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la Garde des Sceaux est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur l'irrégularité de la composition de la commission de discipline pour annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires du 25 mai 2016.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. H... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.

7. En premier lieu, ainsi qu'il a été rappelé au point 3 du présent arrêt, un détenu n'est recevable à déférer au juge administratif que la seule décision, expresse ou implicite, du directeur interrégional des services pénitentiaires, qui arrête définitivement la position de l'administration et qui se substitue ainsi à la sanction initiale prononcée à la suite de la réunion de la commission de discipline. Par suite, M. H... n'est pas recevable à demander l'annulation de la décision adoptée à l'issue de la réunion de la commission par la directrice du quartier centre de détention du centre pénitentiaire de Nantes, ni ne peut utilement invoquer l'incompétence de cette dernière, ni en tout état de cause, l'incompétence de l'auteur d'une " décision de poursuite ".

8. En deuxième lieu, l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale dispose que : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : / 1° De formuler des insultes, des menaces ou des outrages à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement, d'une personne en mission ou en visite au sein de l'établissement pénitentiaire ou des autorités administratives ou judiciaires (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-3 du même code : " Constitue une faute disciplinaire du troisième degré le fait, pour une personne détenue : / (...) 4° De ne pas respecter les dispositions du règlement intérieur de l'établissement ou les instructions particulières arrêtées par le chef d'établissement ". L'article R. 57-7-33 du code de procédure pénale dispose que : " Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° L'interdiction de recevoir des subsides de l'extérieur pendant une période maximum de deux mois ; / 3° La privation pendant une période maximum de deux mois de la faculté d'effectuer en cantine tout achat autre que celui de produits d'hygiène, du nécessaire de correspondance et de tabac ; / 4° La privation pendant une durée maximum d'un mois de tout appareil acheté ou loué par l'intermédiaire de l'administration ; / 5° La privation d'une activité culturelle, sportive ou de loisirs pour une période maximum d'un mois ; / 6° L'exécution d'un travail d'intérêt collectif de nettoyage, remise en état ou entretien des cellules ou des locaux communs ; cette sanction, dont la durée globale n'excède pas 40 heures, ne peut être prononcée qu'avec le consentement préalable de la personne détenue ; / 7° Le confinement en cellule individuelle ordinaire assorti, le cas échéant, de la privation de tout appareil acheté ou loué par l'intermédiaire de l'administration pendant la durée de l'exécution de la sanction ; / 8° La mise en cellule disciplinaire ". Aux termes de l'article R. 57-7-54 du code : " Le président de la commission de discipline peut accorder le bénéfice du sursis pour tout ou partie de l'exécution de la sanction disciplinaire soit lors du prononcé de celle-ci, soit au cours de son exécution ". Aux termes de l'article R. 57-7-55 du même code : " Lorsqu'il octroie le bénéfice du sursis, le président de la commission de discipline fixe un délai de suspension de la sanction sans que celui-ci puisse excéder six mois lorsque la personne détenue est majeure ou trois mois s'il s'agit d'un mineur. Il appelle l'attention de la personne détenue sur les conséquences du sursis telles qu'elles sont réglées par les articles R. 57-7-56 et R. 57-7-57. ". Enfin, l'article R. 57-7-47 du même code dispose que : " Pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder vingt jours pour une faute disciplinaire du premier degré, quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré. (...) ".

9. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. H..., de retour d'une permission accordée par le juge judiciaire les 5 et 6 mars 2016, est rentré au centre pénitentiaire de Nantes à 18 heures 45 et non 18 heures comme cela lui avait été ordonné. Il a également été constaté que l'intéressé, qui soutient s'être endormi dans les transports en commun, présentait probablement un état d'ébriété. Placé dans un box du greffe en attendant la relève de l'équipe de surveillance, M. H... a frappé la grille du box et à l'arrivée à 19 heures du premier surveillant l'a insulté ainsi qu'un autre membre de l'administration pénitentiaire. La réalité de ces faits, constitutifs notamment d'une faute disciplinaire de deuxième degré en application des dispositions du 1° de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale, n'est pas contestée par l'intimé qui se borne à invoquer son état de fatigue et de nervosité. L'administration pénitentiaire pouvait donc légalement décider de lui infliger une sanction disciplinaire au vu des seuls faits d'insultes proférées à l'encontre du personnel pénitentiaire. Il ressort également des pièces du dossier que la sanction infligée à M. H..., dix jours de cellule disciplinaire, est inférieure au maximum pouvant être infligé pour une faute disciplinaire du deuxième degré et a été assortie du sursis total. Dans ces conditions, il n'apparait pas qu'en infligeant une telle sanction à l'intéressé, l'administration pénitentiaire aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la Garde des Sceaux, ministre de la Justice, est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes du 25 mai 2016.

Sur les frais du litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. H... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1605052 du 15 janvier 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. H... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. N... H... et à la Garde des Sceaux.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme M..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 30 mars 2020.

La rapporteure,

M. M...Le président,

L. Lainé

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne à la Garde des Sceaux en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19NT01078


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01078
Date de la décision : 30/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : CABINET MAXIME GOUACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-30;19nt01078 ?
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