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13/03/2020 | FRANCE | N°19NT01752

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 13 mars 2020, 19NT01752


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 mai, 11 juillet et 27 novembre 2019, M. H... F... et autres, représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2018 du ministre de la transition écologique et solidaire autorisant la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier à exploiter une installation éolienne de production d'électricité en mer, d'une capacité de production de 496 MW, localisée sur le domaine public maritime au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier et la décision impli

cite portant rejet de leur recours gracieux.

2°) de mettre à la charge de l'Eta...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 mai, 11 juillet et 27 novembre 2019, M. H... F... et autres, représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2018 du ministre de la transition écologique et solidaire autorisant la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier à exploiter une installation éolienne de production d'électricité en mer, d'une capacité de production de 496 MW, localisée sur le domaine public maritime au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier et la décision implicite portant rejet de leur recours gracieux.

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure d'approbation du cahier des charges de l'appel d'offres est entachée d'irrégularités ; le cahier des charges présente un caractère réglementaire ou celui d'une mesure non réglementaire qui entre dans le champ d'application de l'article L. 120-1 du code de l'environnement ; il a une incidence directe et significative sur l'environnement ; le cahier des charges aurait dû, préalablement à son approbation, faire l'objet d'une mise à disposition du public et d'une évaluation environnementale en application de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, de l'article 3 de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 et de l'article L. 122-4 du code de l'environnement ; faute d'avoir été précédées d'une évaluation environnementale et d'une mise à disposition, dont l'absence a été susceptible d'exercer une influence sur le sens des décisions prises et a privé les citoyens d'une garantie, celle d'être correctement informés des enjeux de la planification en cause, les décisions attaquées méconnaissent tant l'article L. 120-1 du code de l'environnement que l'article 3 de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 et l'article L. 122-4 du code de l'environnement ;

- la demande présentée le 26 septembre 2018 par la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier était incomplète ; elle ne contenait pas de note précisant les capacités techniques, économiques et financières du pétitionnaire, ni de note relative à l'efficacité énergétique de l'installation comparée aux meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ; l'autorisation d'exploiter a donc été délivrée au terme d'une procédure irrégulière ;

- les dispositions de l'article L. 311-5 du code de l'énergie ont été méconnues ; ainsi que l'a démontré l'Académie des sciences, l'énergie éolienne conduit à une augmentation de la part des énergies fossiles et donc à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre ainsi qu'à une augmentation du prix de l'électricité pour l'usager ;

- l'arrêté d'autorisation attaqué, qui décide d'implanter des éoliennes dans une zone précisément identifiée, ne se réfère à aucune des dispositions relatives au plan d'action et au plan de mesure de 2014 et n'en tient pas compte ; il ne respecte pas les prescriptions des articles L. 219-7 et suivants du code de l'environnement, déclinant les exigences de la directive 2008/56 du 17 juin 2008 ; il a été adopté sans que les objectifs de la directive 2008/56 et les critères de la directive de la Commission 2017/845 et de la décision de la Commission 2017/848 qui précisaient et mettaient à jour la directive 2008/56 ne soient pris en considération ; il a pour conséquence de rendre plus difficile l'objectif d'atteindre ou de maintenir un bon état écologique du milieu marin pour 2020, en méconnaissance de l'article L. 219-9 du code l'environnement et de l'article 1er de la directive 2008/56 ;

- l'arrêté d'autorisation ne respecte pas les dispositions du code l'environnement mettant en oeuvre la directive 2014/89, notamment les articles L. 219-1 et suivants qui prévoient la " coexistence " des activités et la compatibilité ou la mise en compatibilité des projets aux dispositions de la planification stratégique ; le projet d'éolien en mer autorisé par l'arrêté attaqué va conduire à exclure de la zone identifiée les autres activités et notamment les activités de pêche artisanale côtière ; l'adoption de l'arrêté d'autorisation, alors que le document stratégique de façade maritime Nord Atlantique - Manche Ouest n'avait été ni adopté ni même encore soumis à consultation, signifie, en réalité, que c'est le document stratégique de façade qui aurait vocation à être rendu compatible à l'arrêté d'autorisation attaqué contrairement à ce que prévoit expressément le I de l'article L. 219-4 du code de l'environnement ; l'arrêté d'autorisation préempte l'exercice de planification stratégique en introduisant une activité nouvelle et non-testée dans l'espace marin sur une zone importante, précisément identifiée et exclut de ce même espace marin une activité économique durable et respectueuse de l'environnement ; à supposer même qu'il puisse être considéré comme compatible et conforme au travail de préparation du document stratégique de façade maritime Nord Atlantique - Manche Ouest, il est contraire au principe de proportionnalité en ce qu'il consiste à remplacer une activité de pêche artisanale conduite de façon durable, économiquement viable, respectueuse de l'environnement par une activité dont la faisabilité technique sur l'espace marin identifié reste incertaine et dont le coût financier, l'efficacité économique et la pertinence en matière de politique énergétique sont contestés ;

- l'arrêté d'autorisation méconnait le règlement 850/98 du 30 mars 1998 sur la conservation des ressources de pêche ; il s'analyse comme une mesure nationale contraire à l'article 46 du règlement 850/98 pour laquelle le gouvernement français ne disposait pas de la compétence nécessaire ; il constitue une mesure de fermeture à terme mais certaine d'une zone de pêche existante qui n'entre pas dans les conditions prévues par l'article 46 du règlement 850/98 ; il n'a pas été adopté pour atteindre les objectifs fixés dans le respect de la procédure prévue à l'article 46 du règlement 850/98 ; en tout état de cause, le projet autorisé par l'arrêté attaqué conduirait à rendre impossible ou excessivement difficile et dangereux l'activité de certains des requérants ;

- l'arrêté d'autorisation méconnait les articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; il appartient le cas échéant à la cour de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne les questions relatives à la qualification de la décision attaquée comme une aide d'État, au caractère illégal de l'aide ou aux conséquences de ces qualifications, à la compatibilité de l'arrêté avec d'autres dispositions de l'Union telles que les directives 2001/42, 2008/56, 2014/89 ou 2014/24 ou d'autres dispositions du droit de l'Union.

Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2019, la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et, dans le dernier état de ses écritures, à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable ; il n'est pas justifié de l'accomplissement des formalités obligatoires prévues à l'article 4 du décret du 8 janvier 2016 ; la requête initiale, qui ne prévoit pas de produire un mémoire complémentaire, est entachée d'un défaut de motivation ; les associations et sociétés requérantes ne justifient pas de leur qualité à agir ; les requérants ne justifient pas de leur intérêt à agir ;

- les moyens de la requête sont inopérants et, en tout état de cause, non fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. F... et autres ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 janvier 2020, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.

Un mémoire, enregistré le 14 janvier 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction, a été présenté pour la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement 850/98 du Conseil du 30 mars 1998 visant à la conservation des ressources de pêche par le biais de mesures techniques de protection des juvéniles d'organismes marins

- la directive 2001/42/ CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement ;

- la directive 2014/89/UE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 établissant un cadre pour la planification de l'espace maritime ;

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2002-1434 du 4 décembre 2002 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., pour la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier et de Mme I..., pour la ministre de la transition écologique et solidaire.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une procédure d'appel d'offres portant sur deux lots en vue de la sélection des opérateurs chargés de répondre aux objectifs de développement de la production électrique à partir de l'énergie éolienne en mer, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a, par une décision du 2 juin 2014, attribué le lot n° 2 relatif à l'implantation d'un parc éolien sur le domaine public maritime au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier à la société Eoliennes en Mer de Vendée, aux droits de laquelle vient la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et Noirmoutier. Par un arrêté du 1er juillet 2014, ce même ministre a autorisé la société Eoliennes en Mer de Vendée, sur le fondement de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, à exploiter ce parc éolien, d'une puissance de 496 MW. Le recours dirigé contre cet arrêté par l'association " Non aux Eoliennes entre Noirmoutier et Yeu " a été définitivement rejeté par la décision n° 419959 du 21 août 2019 du Conseil d'Etat statuant au contentieux. Le 26 septembre 2018, la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier a demandé au ministre de la transition écologique et solidaire que lui soient accordés, en application des dispositions de l'article R. 311-10 du code de l'énergie, des délais supplémentaires pour la mise en service de l'installation. Par un arrêté du 12 octobre 2018, le ministre a fait droit à cette demande et précisé que l'autorisation cesse de droit de produire effet si l'installation n'est pas mise en service dans son intégralité le 1er juillet 2024, sous réserve de délais supplémentaires accordés dans les conditions prévues à ce même article R. 311-10. M. F... et autres demandent l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite rejetant le recours gracieux qu'ils ont formé contre cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, dans sa rédaction applicable aux décisions des 2 juin et 1er juillet 2014: " L'exploitation d'une installation de production électrique est subordonnée à une autorisation administrative délivrée selon la procédure prévue aux articles L. 311-5 et L. 311-6 ou au terme d'un appel d'offres en application de l'article L. 311-10. (...) ". Selon l'article L. 311-10 du même code, dans sa rédaction applicable aux mêmes dates : " Lorsque les capacités de production ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements, notamment ceux concernant les techniques de production et la localisation géographique des installations, l'autorité administrative peut recourir à la procédure d'appel d'offres. / Les critères mentionnés à l'article L. 311-5 servent à l'élaboration du cahier des charges de l'appel d'offres. (...) ". Aux termes de l'article L. 311-5 du même code, dans sa rédaction applicable aux mêmes dates : " L'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité est délivrée par l'autorité administrative en tenant compte des critères suivants : / 1° La sécurité et la sûreté des réseaux publics d'électricité, des installations et des équipements associés ; / 2° Le choix des sites, l'occupation des sols et l'utilisation du domaine public ; / 3° L'efficacité énergétique ; / 4° Les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ; / 5° La compatibilité avec les principes et les missions de service public, notamment avec les objectifs de programmation pluriannuelle des investissements et la protection de l'environnement ; / 6° Le respect de la législation sociale en vigueur. (...) ". Selon l'article L. 311-11 du même code, dans sa rédaction applicable aux mêmes dates : " L'autorité administrative désigne le ou les candidats retenus et délivre les autorisations prévues à l'article L. 311-5 dans des conditions fixées par voie réglementaire (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 4 décembre 2002, alors applicable : " Lorsqu'il recourt à la procédure d'appel d'offres prévue à l'article 8 de la loi du 10 février 2000 susvisée, le ministre chargé de l'énergie définit les conditions de l'appel d'offres qui portent sur : (...) 5° La région d'implantation de l'installation repérée, le cas échéant, par les coordonnées en latitude et longitude exprimées en degrés et minutes décimales, rapportées au système géodésique WGS 84, lorsqu'elle est située sur le domaine public maritime ou dans la zone économique ; (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 311-10 du code de l'énergie : " L'autorisation d'exploiter cesse, de droit, de produire effet lorsque l'installation n'a pas été mise en service dans un délai de trois ans à compter de sa délivrance ou n'a pas été exploitée durant trois années consécutives, sauf cas de force majeure ou fait de l'administration assimilable à un tel cas. A la demande du pétitionnaire, le ministre chargé de l'énergie peut accorder des délais supplémentaires dans la limite d'un délai total de dix années, incluant le délai initial de trois ans. / Pour les installations de production d'électricité renouvelable en mer et à la demande du pétitionnaire, des délais supplémentaires peuvent être accordés au-delà du délai total de dix années mentionné à l'alinéa précédent, pour une durée de trois ans renouvelable deux fois. ".

4. Aux termes de l'article R. 311-5 du code de l'énergie : " La demande d'autorisation d'exploiter est adressée en un exemplaire au ministre chargé de l'énergie. / Elle comporte : / 1° S'il s'agit d'une personne physique, ses nom, prénom et domicile ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination ou sa raison sociale, sa forme juridique, l'adresse de son siège social ainsi que la qualité du signataire de la demande ; 2° Une note précisant les capacités techniques, économiques et financières du pétitionnaire ; 3° Les caractéristiques principales de l'installation de production, précisant au moins la capacité de production, les énergies primaires et les techniques de production utilisées, les rendements énergétiques ainsi que les durées de fonctionnement (en base, semi-base ou pointe) et la quantité de gaz à effet de serre émise par cette installation ; 4° La localisation de l'installation de production ; 5° Une note relative à l'efficacité énergétique de l'installation comparée aux meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. (...) ".

5. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier a demandé au ministre de la transition écologique et solidaire, le 26 septembre 2018, dans le délai de validité de l'autorisation délivrée le 1er juillet 2014, alors suspendu du fait de l'introduction d'un recours contentieux contre cette décision, que lui soient accordés, en application des dispositions de l'article R. 311-10 du code de l'énergie, des délais supplémentaires pour la mise en service de l'installation éolienne de production d'électricité en mer localisée sur le domaine public maritime au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier qu'elle a été autorisée à exploiter après que le ministre, par la décision du 2 juin 2014, l'a désignée comme lauréate de l'appel d'offres.

6. Les requérants soutiennent que la demande présentée le 26 septembre 2018 par la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier était incomplète au regard des exigences mentionnées ci-dessus des 2° et 5° de l'article R. 311-5 du code de l'énergie en ce qu'elle ne contenait pas de note précisant les capacités techniques, économiques et financières du pétitionnaire, ni de note relative à l'efficacité énergétique de l'installation comparée aux meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. Toutefois, un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors que la décision attaquée a été prise en application des dispositions de l'article R. 311-10 du code de l'énergie, qui ne subordonne pas l'octroi de délais supplémentaires pour la mise en service d'une installation déjà autorisée, comme en l'espèce, ainsi qu'il a été dit, par l'arrêté du 1er juillet 2014, à des formalités particulières, et non en application des dispositions de l'article R. 311-5 du code de l'énergie, issues de l'article 1er du décret n° 2016-687 du 27 mai 2016 relatif à l'autorisation d'exploiter les installations de production d'électricité, alors, en outre, que l'exigence d'une note relative à l'efficacité énergétique était applicable, en vertu de cet article, aux demandes d'autorisation déposées à compter du 1er juillet 2016. Au demeurant, l'autorisation d'exploiter délivrée par l'arrêté du 1er juillet 2014, devenu définitif, a été accordée à la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier à la suite de la procédure d'appel d'offres mise en oeuvre en application de l'article L. 311-10 du code de l'énergie, dont le cahier de charges imposait au candidat retenu de présenter l'efficacité énergétique de son projet et des garanties quant à ses capacités techniques et financières.

7. Pour l'application des dispositions citées au point 2 ci-dessus, la décision qui, au terme de la procédure d'appel d'offres, retient une candidature pour l'exploitation d'une installation de production d'électricité, a pour seul objet de désigner le ou les candidats retenus à l'issue de cette procédure. Elle précède nécessairement la décision qui constitue l'autorisation administrative d'exploiter une installation de production d'électricité, prévue par l'article L. 311-1 du code de l'énergie, délivrée au candidat retenu, laquelle désigne le titulaire de cette autorisation et fixe le mode de production et la capacité autorisée ainsi que le lieu d'implantation de l'installation. Si la première de ces décisions rend possible l'édiction de la seconde, elle n'en constitue, pour autant, pas la base légale et la seconde décision n'est pas prise pour l'application de la première.

8. Il résulte des développements qui précèdent que les requérants ne peuvent, eu égard à l'objet respectif de la décision du 2 juin 2014, de surcroît devenue définitive, désignant la société Les éoliennes en mer de Vendée, devenue la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier, lauréate de l'offre, et de l'arrêté du 12 octobre 2018 attaqué, utilement critiquer au soutien de leur demande d'annulation de ce dernier arrêté, la procédure d'appel d'offres ayant conduit à retenir cette candidature, ainsi qu'ils le font dans leur requête en soutenant que " le cahier des charges aurait dû, préalablement à son approbation, faire l'objet d'une mise à disposition du public et d'une évaluation environnementale en application de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, de l'article 3 de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 et de l'article L. 122-4 du code de l'environnement ". En tout état de cause, le cahier des charges établi dans le cadre de l'appel d'offres prévu par l'article L. 311-10 du code de l'énergie ne constitue pas une décision réglementaire de l'Etat au sens et pour l'application de l'article L. 120-1 du code de l'environnement. Il n'est pas davantage au nombre des plans, schémas, programmes et autres documents de planification qui ont pour objet de définir le cadre de mise en oeuvre des travaux ou projets d'aménagement mentionnés au I de l'article L. 122-4 du code de l'environnement, qui assure la transposition en droit interne de l'article 3 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, qui doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que, compte tenu de " l'irrégularité de la procédure d'approbation du cahier des charges de l'appel d'offres " et " faute d'avoir été précédée d'une évaluation environnementale et d'une mise à disposition " du public, la décision attaquée a " méconnu tant l'article L. 120-1 du code de l'environnement que l'article 3 de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 et l'article L. 122-4 du code de l'environnement. ".

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 311-5 du code de l'énergie, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " L'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité est délivrée par l'autorité administrative en tenant compte des critères suivants : 1° L'impact de l'installation sur l'équilibre entre l'offre et la demande et sur la sécurité d'approvisionnement, évalués au regard de l'objectif fixé à l'article L. 100-1 ; / 2° La nature et l'origine des sources d'énergie primaire au regard des objectifs mentionnés aux articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 ; / 3° L'efficacité énergétique de l'installation, comparée aux meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ; / 4° Les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ; / 5° L'impact de l'installation sur les objectifs de lutte contre l'aggravation de l'effet de serre.(...) ".

10. Si les requérants soutiennent que l'arrêté du 12 octobre 2018 attaqué méconnait les exigences de l'article L. 311-5 du code de l'énergie, cet arrêté se borne à accorder à la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier des délais supplémentaires pour la mise en service de l'installation du parc éolien dont l'autorisation d'exploiter, alors en cours de validité, a été délivrée par l'arrêté du 1er juillet 2014, devenu définitif, au terme d'un appel d'offres, en application de l'article L. 311-10 de ce code, dont la procédure ne peut être utilement critiquée dans le présent litige. En tout état de cause, les requérants se prévalent, à titre principal, à l'appui de leur moyen, des énonciations d'un rapport du 19 avril 2017 de l'Académie des sciences qui relève, notamment, que " la variabilité des énergies renouvelables éoliennes et solaires " et leur intermittence nécessitent " la mise en oeuvre d'énergies alternatives pour compenser la chute de production résultant de l'absence de vent ou de soleil " et que " la part totale des énergies renouvelables dans le mix électrique ne pourra pas aller très au-delà de 30-40 % sans conduire à un coût exorbitant de l'électricité et des émissions croissantes de gaz à effet de serre et à la mise en question de la sécurité de la fourniture générale de l'électricité ". Toutefois, ni ces énonciations ni les conclusions de ce rapport selon lesquelles il est " possible de mettre une quantité significative d'énergies renouvelables dans le mix électrique " et qu'il " faut aller dans cette direction " ne sont de nature à faire regarder la décision attaquée comme méconnaissant les dispositions de l'article L. 311-5. En outre, les allégations des requérants selon lesquelles " loin d'assurer la sécurité énergétique et une moindre dépendance aux importations, le projet éolien en mer de Noirmoutier va en réalité contribuer à accroitre les importations d'énergie fossile (en particulier le gaz naturel et le charbon) et ainsi réduire la sécurité d'approvisionnement ", que " le projet autorisé par l'arrêté attaqué ne contribue pas au maintien d'un prix de l'énergie compétitif ou attractif au plan international et contribue négativement à la maitrise des dépenses en énergie des consommateurs " ou encore que " le projet éolien de Noirmoutier ne contribue que de façon marginale à constituer une filière industrielle française de l'éolien en mer " ne sont pas établies. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des exigences de l'article L. 311-5 du code de l'énergie doit être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 219-1 du code de l'environnement : " La stratégie nationale pour la mer et le littoral est définie dans un document qui constitue le cadre de référence pour la protection du milieu, pour la réalisation ou le maintien du bon état écologique, mentionné au I de l'article L. 219-9, pour l'utilisation durable des ressources marines et pour la gestion intégrée et concertée des activités liées à la mer et au littoral, à l'exception de celles qui ont pour unique objet la défense ou la sécurité nationale. / Ce document en fixe les principes et les orientations générales qui concernent, tant en métropole qu'outre-mer, les espaces maritimes sous souveraineté ou sous juridiction nationale, l'espace aérien surjacent, les fonds marins et le sous-sol de la mer. / Il fixe également les principes et les orientations générales concernant les activités situées sur le territoire des régions administratives côtières ou sur celui des collectivités d'outre-mer et ayant un impact sur ces espaces. (...) ". Aux termes de l'article L. 219-4 de ce code : " I. - Doivent être compatibles, ou rendus compatibles, avec les objectifs et dispositions du document stratégique de façade ou de bassin maritime : / 1° Les plans, les programmes et les schémas relatifs aux activités exclusivement localisées dans les espaces mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 219-1 ; / 2° Dans ces mêmes espaces, les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements, publics et privés, soumis à l'étude d'impact mentionnée à l'article L. 122-1 du présent code et les décisions mentionnées aux articles L. 122-1 et L. 132-2 du code minier lorsqu'elles concernent des substances minérales autres que celles énumérées à l'article L. 111-1 du même code (...) ".

12. Les requérants soutiennent que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 219-1 du code de l'environnement, mettant en oeuvre la directive 2014/89/UE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 établissant un cadre pour la planification de l'espace maritime, celles de l'article L. 219-4 du même code en ce qu'il " va conduire à exclure de la zone identifiée les autres activités et notamment les activités de pêche artisanale côtière " et est " contraire au principe de proportionnalité en ce qu'il consiste à remplacer une activité de pêche artisanale conduite de façon durable, économiquement viable, respectueuse de l'environnement par une activité dont la faisabilité technique sur l'espace marin identifié reste incertaine, le coût financier, l'efficacité économique et la pertinence en matière de politique énergétique sont fondamentalement contestés ". Ils soutiennent, également, que cet arrêté méconnait le règlement 850/98 du Conseil du 30 mars 1998 visant à la conservation des ressources de pêche par le biais de mesures techniques de protection des juvéniles d'organismes marins en ce qu'il " constitue (...) une mesure de fermeture à terme mais certaine d'une zone de pêche existante qui ne rentre pas dans les conditions prévues par l'article 46 du règlement 850/98 ". Toutefois, l'arrêté attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de limiter ou d'interdire la pêche côtière de sorte que l'ensemble des moyens ainsi soulevés ne peuvent qu'être écartés.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 219-7 du code de l'environnement : " Le milieu marin fait partie du patrimoine commun de la Nation. Sa protection, la conservation de sa biodiversité et son utilisation durable par les activités maritimes et littorales dans le respect des habitats et des écosystèmes marins sont d'intérêt général. / La protection et la préservation du milieu marin visent à : /1° Eviter la détérioration du milieu marin et, lorsque cela est réalisable, assurer la restauration des écosystèmes marins dans les zones où ils ont subi des dégradations ; / 2° Prévenir et réduire les apports dans le milieu marin afin d'éliminer progressivement la pollution pour assurer qu'il n'y ait pas d'impact ou de risque significatif pour la biodiversité marine, les écosystèmes marins, la santé humaine ou les usages légitimes de la mer ; / 3° Appliquer à la gestion des activités humaines une approche fondée sur les écosystèmes, permettant de garantir que la pression collective résultant de ces activités soit maintenue à des niveaux compatibles avec la réalisation du bon état écologique du milieu marin et d'éviter que la capacité des écosystèmes marins à réagir aux changements induits par la nature et par les hommes soit compromise, tout en permettant l'utilisation durable des biens et des services marins par les générations actuelles et à venir. ". Aux termes de l'article L. 219-9 de ce code : " I- L'autorité administrative prend toutes les mesures nécessaires pour réaliser ou maintenir un bon état écologique du milieu marin au plus tard en 2020. Pour chaque région marine ou sous-région marine délimitée en application du II du présent article, l'autorité administrative élabore et met en oeuvre, après mise à disposition du public, un plan d'action pour le milieu marin (...) ". Aux termes de l'article L. 219-12 du même code : " L'autorité administrative peut identifier les cas dans lesquels elle ne peut atteindre, au moyen des mesures qu'elle a prises, les objectifs environnementaux ou le bon état écologique des eaux marines sous tous les aspects (...) / L'autorité administrative indique ces cas dans le programme de mesures et les justifie. ".

14. Les requérants soutiennent que l'arrêté d'autorisation attaqué méconnaît les dispositions des articles L. 219-7 et suivants, notamment les articles L. 219-9 et L. 219-12 du code de l'environnement et " ne tient compte d'aucune des dispositions relatives au plan d'action et au plan de mesure de 2014 ", faisant ainsi référence au plan d'action pour le milieu marin de la sous-région marine du Golfe de Gascogne au titre de la directive 2008/56/CE du 17 juin 2008 établissant un cadre d'action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin. Ils soutiennent, également, que cet arrêté a pour conséquence " de rendre plus difficile l'objectif d'atteindre ou de maintenir un bon état écologique du milieu marin pour 2020, en méconnaissance de l'article L. 219-9 du code l'environnement et de l'article 1er de la directive 2008/56 ". Toutefois, ces moyens ne peuvent être accueillis, l'autorisation attaquée n'ayant pas pour objet ou pour effet d'autoriser, par elle-même, la construction d'ouvrages de production d'énergie éolienne ni de dispenser la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier d'obtenir les autorisations requises par d'autres législations avant la réalisation des travaux et la mise en service de ces installations, notamment, l'autorisation à laquelle l'article L. 214-3 du code de l'environnement relatif à la protection des eaux soumet ces installations et ouvrages, qui n'est accordée qu'après fourniture de l'étude d'impact exigée par les dispositions des articles R. 122-5 à R. 122-9 du même code. En tout état de cause, ces moyens ne sont pas assortis de précisions suffisantes permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé.

15. En dernier lieu, les requérants font valoir que l'arrêté attaqué a été adopté en méconnaissance du régime des aides d'Etat lequel, en application des articles 107 paragraphe 1 et 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, impose de notifier à la Commission européenne toute nouvelle aide avant sa mise à exécution. Toutefois, l'arrêté attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de faire bénéficier la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier d'une aide d'Etat. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel des questions, dépourvues de pertinence, posées dans leurs écritures par les requérants, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la requête, que M. F... et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2018 du ministre de la transition écologique et solidaire et de la décision implicite rejetant le recours gracieux qu'ils ont formé contre cet arrêté.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement à M. F... et autres de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. F..., de la société L'entêté, de l'association "Robin des bois", de l'association "Fédération environnement durable", de l'association des commerçants de Noirmoutier, de M. E..., de M. A..., de M. G... et de la société Sirius, le versement à la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier d'une somme globale de 1 200 euros au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... et autres est rejetée.

Article 2 : M. F... et autres verseront à la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier une somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... F..., désigné comme représentant unique, à la ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Eoliennes en Mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier.

Copie en sera adressée au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 28 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme B..., présidente-assesseur,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 mars 2020.

Le rapporteur,

C. B...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

C. POPSE

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01752


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01752
Date de la décision : 13/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-13;19nt01752 ?
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