Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... veuve A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2015 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a déclaré immédiatement cessibles au profit de la commune de Vernouillet les parcelles de terrains, cadastrées BC nos 1 à 6 et 24, situées sur la commune de Vernouillet (Eure-et-Loir), rue de Bruxelles.
Par un jugement no 1504217 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 décembre 2017, le 22 mai 2018 et le 15 janvier 2020, Mme C... B... veuve A..., représentée par la SCP Gibier-Festivi-Rivierre-Guepin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de cessibilité du 3 novembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'avis rendu par le commissaire-enquêteur est irrégulier et entraîne par voie de conséquence l'illégalité de l'arrêté de cessibilité ;
- l'arrêté de cessibilité contesté a été pris sur la base d'un arrêté de déclaration d'utilité publique lui-même entaché d'illégalité ; en effet, la durée qui s'est écoulée entre le dépôt du dossier de demande d'enquête publique le 11 juillet 2012 et l'ouverture de l'enquête le 15 mai 2014 était anormalement longue ; les formalités de publication de l'avis d'ouverture de l'enquête prévues par l'article R. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ont été méconnues ; la notice explicative était insuffisante au regard de l'intégration dans l'environnement et des variantes envisagées ; l'appréciation sommaire des dépenses a été sous-estimée ; l'intérêt public de l'opération n'est pas démontré ; les atteintes à la propriété privée sont en tout état de cause excessives au regard de l'utilité publique alléguée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour de rejeter la requête.
Il soutient que :
- la requête de Mme B... est irrecevable faute d'être motivée ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 21 janvier 2015, le préfet d'Eure-et-Loir a déclaré d'utilité publique les travaux d'aménagement de la rue de Bruxelles, à Vernouillet (Eure-et-Loir). Par un arrêté du 3 novembre 2015, le même préfet a déclaré immédiatement cessibles au profit de la commune de Vernouillet les parcelles de terrains, cadastrées BC nos 1 à 6 et 24, situées rue de Bruxelles, sur le territoire de cette commune. Mme B... veuve A..., propriétaire du terrain de 7 066 m² constituant le périmètre de la déclaration, comprenant sa maison d'habitation ainsi qu'un bâtiment destiné à une activité de commerce, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du 3 novembre 2015.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de motivation de la requête d'appel :
2. La requête d'appel de Mme B... contient l'exposé des faits et moyens exigé par les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et ne reproduit pas purement et simplement sa demande devant le tribunal administratif. La fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur ne peut, par suite, qu'être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'expropriation, en tout ou partie, d'immeubles ou de droits réels immobiliers ne peut être prononcée qu'à la condition qu'elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée à la suite d'une enquête et qu'il ait été procédé, contradictoirement, à la détermination des parcelles à exproprier ainsi qu'à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres personnes intéressées. / Elle donne lieu à une juste et préalable indemnité. " Aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " L'utilité publique est déclarée par l'autorité compétente de l'État. " Selon l'article L. 132-1 du même code : " L'autorité compétente déclare cessibles les parcelles ou les droits réels immobiliers dont l'expropriation est nécessaire à la réalisation de l'opération d'utilité publique. Elle en établit la liste, si celle-ci ne résulte pas de la déclaration d'utilité publique. "
4. L'arrêté de cessibilité et l'acte déclaratif d'utilité publique sur le fondement duquel il a été pris constituent les éléments d'une même opération complexe. Dès lors, à l'appui de conclusions dirigées contre l'arrêté de cessibilité, un requérant peut utilement se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'acte déclaratif d'utilité publique.
5. Par une décision no 419760 du 11 décembre 2019, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé l'arrêté du préfet d'Eure-et-Loir du 21 janvier 2015 déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement de la rue de Bruxelles sur le territoire de la commune de Vernouillet. Par suite, Mme B... veuve A... est fondée à soutenir que l'arrêté de cessibilité litigieux doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'acte déclaratif d'utilité publique.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... veuve A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 3 novembre 2015 du préfet d'Eure-et-Loir.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... veuve A... au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 14 novembre 2017 et l'arrêté du 3 novembre 2015 du préfet d'Eure-et-Loir déclarant immédiatement cessibles au profit de la commune de Vernouillet les parcelles de terrains, cadastrées nos BC 1 à 6 et 24, sur le territoire de cette commune, sont annulés.
Article 2 : L'État versera à Mme B... veuve A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... veuve A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 28 février 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme Buffet, président-assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 mars 2020.
Le rapporteur,
F.-X. D...Le président,
T. Célérier
Le greffier,
C. Popsé
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 17NT03926