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13/02/2020 | FRANCE | N°19NT01081

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 13 février 2020, 19NT01081


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Distribution Sanitaire Chauffage a demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 à raison de ses établissements situés à Angers, Challans, Cholet, La Roche-sur-Yon, au Mans, à Saint-Herblain, Saint-Nazaire, Saumur et Vertou.

Par un jugement n° 1600734 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Nantes

a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Distribution Sanitaire Chauffage a demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 à raison de ses établissements situés à Angers, Challans, Cholet, La Roche-sur-Yon, au Mans, à Saint-Herblain, Saint-Nazaire, Saumur et Vertou.

Par un jugement n° 1600734 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 mars et 10 juillet 2019, la SAS Distribution Sanitaire Chauffage, Mes Chatel et Romanik, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il se prononce sur les impositions dues au titre de l'année 2010 ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'entre pas dans le champ d'application de la taxe sur les surfaces commerciales dès lors qu'elle exerce son activité à destination d'une clientèle qui est, pour l'essentiel, composée de professionnels effectuant des achats pour les besoins de leur activité ;

- elle est en droit de bénéficier de la réduction du taux d'imposition prévue par les dispositions de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 dès lors qu'elle vend exclusivement des meubles meublants et des matériaux de construction au sens du paragraphe 48 de l'instruction administrative 6 F-2-12 repris au paragraphe 410 du BOI-TFP-TSC-20150506, et de la réponse ministérielle n° 79333 publiée le 11 avril 2006 ; ces interprétations administratives précisent que la notion de meubles meublants s'entend des meubles destinés à l'usage de l'habitation, des appareils d'utilisation quotidienne et plus généralement des biens d'équipement de la maison ; dans un rescrit du 15 mai 2012 n° 2012/34, l'administration fiscale a même admis que la condition d'exclusivité n'était pas remise en cause en cas de ventes d'accessoires liées à l'activité principale ; ce rescrit est opposable à l'administration, puisqu'elle a indiqué qu'il rétroagissait ;

- en tout état de cause, le décret du 26 janvier 1995, en posant une condition selon laquelle seule la vente à titre exclusif de certaines marchandises peut permettre aux professions nécessitant des surfaces anormalement élevées de bénéficier d'une réduction de 30 % du taux de la taxe, méconnaît le principe constitutionnel d'égalité devant la loi, prévu par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et par l'article 1er de la constitution du 4 octobre 1958, et le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques, posé par l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en instituant une différence de traitement injustifiée entre les contribuables qui se livrent exclusivement à la vente des marchandises énumérés par le décret et ceux qui vendent à titre quasi exclusif ou à titre principal ces mêmes marchandises.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les autres moyens soulevés par la SAS Distribution Sanitaire Chauffage ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la constitution ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;

- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Distribution Sanitaire Chauffage a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des rappels de taxe sur les surfaces commerciales au titre des années 2010 et 2011 à raison de ses établissements situés à Angers, Challans, Cholet, La Roche-sur-Yon, au Mans, à Saint-Herblain, Saint-Nazaire, Saumur et Vertou, procédant de la remise en cause du bénéfice de la réduction de 30 % du taux de cette taxe qu'elle avait appliquée pour le calcul des impositions dues par ces établissements spécialisés dans la distribution de matériels sanitaires et de chauffage. Elle relève appel du jugement du 21 février 2019 du tribunal administratif de Nantes en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions dues au titre de l'année 2010.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. (...) / La surface de vente des magasins de commerce de détail, prise en compte pour le calcul de la taxe, et celle visée à l'article L. 720-5 du code de commerce, s'entendent des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement, et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente. (...) ". Aux termes de l'article 1err du décret du 26 janvier 1995 relatif à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, dans sa version applicable en l'espèce : " (...) Lorsqu'un établissement réalise à la fois des ventes au détail de marchandises en l'état et une autre activité, le chiffre d'affaires à prendre en considération au titre de la taxe sur les surfaces commerciales est celui des ventes au détail en l'état, dès lors que les deux activités font l'objet de comptes distincts. ".

3. Il résulte de ces dispositions que les surfaces commerciales des activités de commerce de détail réalisées dans des établissements pratiquant également le commerce en gros ou d'autres activités sont assujetties à la taxe sur les surfaces commerciales à concurrence du chiffre d'affaires relatif à la surface de commerce de détail. Le chiffre d'affaires à prendre en compte pour le calcul de la taxe est alors celui réalisé par les surfaces de ventes au détail en l'état, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que l'acheteur est un particulier ou un professionnel. Il s'en déduit que les ventes au détail en l'état à des professionnels, tant pour leurs besoins propres que lorsqu'ils incorporent les produits qu'ils ont ainsi achetés dans les produits qu'ils vendent ou les prestations qu'ils fournissent, doivent être prises en compte pour la détermination du chiffre d'affaires par mètre carré, sauf s'il est établi que ces ventes sont réalisées avec des grossistes ou intermédiaires. Toutefois, la société requérante ne justifie pas du montant de ses ventes à des professionnels dans un but autre que la revente au détail en l'état. Dès lors, le moyen tiré de ce que la société requérante n'était pas assujettie à la taxe sur les surfaces commerciales au titre de l'année 2010 doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes du dix-septième alinéa de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " (...) Un décret prévoira (...) des réductions pour les professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 : " A. - La réduction de taux prévue au troisième alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 susvisée en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées est fixée à 30 p. 100 en ce qui concerne la vente exclusive des marchandises énumérées ci-après : meubles meublants (...) matériaux de construction ".

5. La société requérante soutient que les dispositions du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995, en posant une condition selon laquelle seule la vente à titre exclusif de certaines marchandises peut permettre aux professions nécessitant des surfaces anormalement élevées de bénéficier d'une réduction de 30 % du taux de la taxe, créent une différence de traitement injustifiée entre les contribuables qui se livrent exclusivement à la vente des marchandises énumérés par le décret et ceux qui vendent à titre quasi exclusif ou à titre principal ces mêmes marchandises. Toutefois, il résulte des termes mêmes de ces dispositions que celles-ci se sont bornées à déterminer les professions dont l'activité requiert des surfaces anormalement élevées alors que le principe même de cette mesure de réduction de taux de la taxe sur les surfaces commerciales en faveur de ces professions résulte des termes mêmes du dix-septième alinéa de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 cité ci-dessus. Ainsi, le moyen de la société requérante, qui revient à contester la constitutionnalité de ces dispositions législatives au regard des principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques, garantis par l'article 1er de la constitution du 4 octobre 1958 et par les articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne peut être utilement invoqué en dehors de la procédure prévue à l'article 61-1 de la constitution.

6. Il résulte de l'instruction que la société requérante commercialisait, outre des matériaux de construction et des meubles meublants, des articles de quincaillerie, de plomberie, de droguerie, d'équipements sanitaires et d'outillage. Contrairement à ce que la SAS Distribution Sanitaire Chauffage soutient, ces articles ne constituent pas tous de simples accessoires à des matériaux de construction. Ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que l'activité des établissements consistait en la vente exclusive de matériaux de construction et de meubles meublants. Dès lors, elle n'entre pas dans le champ de la réduction de 30 % de la taxe sur les surfaces commerciales prévue par les dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 et du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

7. La SAS Distribution Sanitaire Chauffage se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 48 de l'instruction 6 F-2-12 du 23 avril 2012, repris au paragraphe 410 du BOI-TFP-TSC-20150506, et des paragraphes 60, 63 et 327 BOI-TFP-TSC publié le 2 octobre 2013. Toutefois, les contribuables ne sont en droit d'invoquer, sur le fondement du premier alinéa de cet article L. 80 A, lorsque l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures que des interprétations antérieures à l'imposition primitive, ou sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 80 A, qu'il s'agisse d'impositions primitives ou supplémentaires, que des interprétations antérieures à l'expiration du délai de déclaration. En l'espèce, les interprétations invoquées sont postérieures tant aux impositions primitives qu'au délai de déclaration. Par suite, le moyen doit être écarté.

8. La SAS Distribution Sanitaire Chauffage n'est pas davantage fondée à se prévaloir du rescrit n° 2012/34 du 15 mai 2012, lequel concerne les activités des concessionnaires automobiles ni de la réponse ministérielle n° 79333 publiée le 11 avril 2006 à la question du député M. C... A..., qui ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle qui en est faite par le présent arrêt.

9. Il résulte de ce qui précède que la SAS Distribution Sanitaire Chauffage n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2010 à raison de ses établissements situés à Angers, Challans, Cholet, La Roche-sur-Yon, au Mans, à Saint-Herblain, Saint-Nazaire, Saumur et Vertou.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la SAS Distribution Sanitaire Chauffage demande au titre des frais liés à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Distribution Sanitaire Chauffage est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Distribution Sanitaire Chauffage et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. B..., président,

- M. Brasnu, premier conseiller,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 février 2020.

Le président-rapporteur,

J.-E. B...

L'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau

H. BrasnuLe greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01081


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01081
Date de la décision : 13/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-02-13;19nt01081 ?
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