Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 16 avril 2019, la société SAS Ferme éolienne des terres chaudes, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler la décision du 14 août 2018 par laquelle le préfet du Loiret a refusé de régulariser l'autorisation unique sollicitée pour l'exploitation d'un parc de 7 éoliennes et d'un point de livraison sur le territoire de la commune de Lorcy ;
2°) d'enjoindre au préfet du Loiret de procéder à la régularisation de l'autorisation, en saisissant la mission régionale d'autorité environnementale dans un délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir.
Elle soutient que rien ne faisait obstacle à la saisine de la mission régionale d'autorité environnementale par le préfet du Loiret, lequel ne pouvait donc refuser de statuer sur la demande de l'exposante tendant à la délivrance d'un arrêté préfectoral complémentaire à effet de régularisation du vice affectant la décision initiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour de rejeter la requête.
Il fait valoir que :
- la cour n'est pas compétente pour statuer sur la requête ;
- la requête est irrecevable dès lors que la décision attaquée ne fait pas grief ;
- le préfet n'a commis aucune erreur de droit.
Par un courrier du 3 octobre 2019, les parties ont été informées que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête dès lors que le refus de régularisation ne peut être contesté que dans le cadre de l'instance n° 1800740 en cours devant le tribunal administratif d'Orléans relative à l'autorisation initiale.
Vu les autres pièces du dossier. Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Sacher, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ferme éolienne des terres chaudes a initié, au printemps 2012, un projet d'implantation d'un parc éolien de 7 aérogénérateurs d'une puissance nominale maximale de 25,2 MW sur le territoire de la commune de Lorcy, dans le département du Loiret. Une demande d'autorisation unique a été déposée le 26 septembre 2016 en application de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement et du décret n° 2014-450 du 2 mai 2014. L'autorité environnementale a rendu un avis le 24 janvier 2017. Une enquête publique s'est déroulée du 10 février au 13 mars 2017. Par un arrêté préfectoral du 27 octobre 2017, le préfet du Loiret a délivré à la société Ferme éolienne des terres chaudes une autorisation unique pour l'exploitation d'un parc de 7 éoliennes et d'un point de livraison sur le territoire de la commune de Lorcy. Par une requête enregistrée le 27 février 2018, l'association de sauvegarde du territoire Gâtinais ainsi que 6 personnes physiques sollicitent l'annulation de cet arrêté. La procédure est actuellement pendante devant le tribunal administratif d'Orléans sous le n° 1800740. Dans le cadre de cette procédure, les requérants soutiennent que l'avis du 24 janvier 2017 serait irrégulier en ce qu'il aurait été pris par une autorité statuant tout à la fois comme autorité environnementale et autorité décisionnaire. La société pétitionnaire a saisi le préfet, le 14 juin 2018, d'une demande de régularisation sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement. En l'absence de réponse, une décision implicite de rejet de la demande est née le 14 août 2018, dont la société Ferme éolienne des terres chaudes demande à la cour de prononcer l'annulation.
2. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I.-Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. II.-En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées. "
3. Aux termes de l'article R. 351-3 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence d'une juridiction administrative autre que le Conseil d'Etat, son président, ou le magistrat qu'il délègue, transmet sans délai le dossier à la juridiction qu'il estime compétente. (...). "
4. Aux termes de l'article R. 311-5 du code de justice administrative, créé par le décret du 29 novembre 2018 et s'appliquant aux requêtes enregistrées à compter de son entrée en vigueur : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître, en premier et dernier ressort, des litiges portant sur les décisions suivantes, y compris leur refus, relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2 du code de l'environnement, à leurs ouvrages connexes, ainsi qu'aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés : / 1° L'autorisation environnementale prévue par l'article L. 181-1 du code de l'environnement ; / 2° La décision prise sur le fondement de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ; / 3° L'autorisation prise sur le fondement du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ; / (...) / 20° Les décisions modifiant ou complétant les prescriptions contenues dans les autorisations mentionnées au présent article. / La cour administrative d'appel territorialement compétente pour connaître de ces recours est celle dans le ressort de laquelle a son siège l'autorité administrative qui a pris la décision ".
5. Lorsqu'une décision modificative ou une mesure de régularisation ou un refus de régularisation émanant de l'administration intervient au cours d'une instance tendant à l'annulation de l'autorisation environnementale ou de l'autorisation unique initialement délivrée, la légalité de cet acte doit, dans un souci de bonne administration de la justice, être appréciée dans le cadre de cette même instance dès lors que, si l'autorisation initiale est affectée d'un vice susceptible d'être régularisé, l'issue de cette instance dépend de la légalité de cet acte.
6. La demande adressée par la société Ferme éolienne des terres chaudes au préfet du Loiret tendait, ainsi qu'il a été dit au point 1, à ce que celui-ci, après avoir consulté la mission régionale d'autorité environnementale, prenne un arrêté complémentaire de nature à régulariser l'autorisation qu'elle détient, notamment ses prescriptions. Le refus du préfet de prendre cette mesure de régularisation d'une autorisation environnementale entre dans le champ d'application des dispositions de l'article R. 311-5 du code de justice administrative, citées au point 4, et notamment de celles du 20° de cet article.
7. Toutefois, un recours contre l'autorisation initiale est pendant devant le tribunal administratif d'Orléans et la régularisation d'un éventuel vice de procédure entachant cette autorisation en raison de l'irrégularité de l'avis émis le 24 janvier 2017 par l'autorité environnementale a été demandée spontanément par une partie à l'instance en cours devant ce tribunal. Si le tribunal administratif d'Orléans venait à juger que ce vice entraîne l'illégalité de l'arrêté en date du 27 octobre 2017, par lequel le préfet du Loiret a délivré à la société Ferme éolienne des terres chaudes une autorisation unique pour l'exploitation d'un parc de 7 éoliennes et d'un point de livraison sur le territoire de la commune de Lorcy mais que ce vice est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative, il ne pourrait statuer sur les conclusions dont il est saisi contre la décision initiale sans se prononcer également sur les conclusions dirigées contre la décision du 14 août 2018 par laquelle le préfet du Loiret a refusé de procéder à cette régularisation.
8. Il n'appartient, par suite, qu'au tribunal administratif d'Orléans d'estimer si une telle régularisation est possible, en application des dispositions précitées de l'article L. 181-18 du code de l'environnement. Dès lors, il y a lieu de transmettre la requête susvisée à ce tribunal.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 1901506 de la société Ferme éolienne des terres chaudes est transmise au tribunal administratif d'Orléans.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Ferme éolienne des terres chaudes et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme Buffet, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 janvier 2020.
Le rapporteur,
P. B...
Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01506