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17/01/2020 | FRANCE | N°19NT00662

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 17 janvier 2020, 19NT00662


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2018, M. B... C..., Mme D... I..., M. A... J... et Mme G... E... demandent au tribunal administratif de Rennes :

1°) d'annuler l'arrêté n° PC 029 083 18 00001 du 4 octobre 2018 par lequel le préfet du

Finistère a accordé à la société Electricité de France un permis de construire à titre précaire au nom de l'Etat pour la construction d'une éolienne sur un terrain au lieudit La Déchetterie sur l'Île de-Sein ;

2°) de mettre à la charge de l'État

la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2018, M. B... C..., Mme D... I..., M. A... J... et Mme G... E... demandent au tribunal administratif de Rennes :

1°) d'annuler l'arrêté n° PC 029 083 18 00001 du 4 octobre 2018 par lequel le préfet du

Finistère a accordé à la société Electricité de France un permis de construire à titre précaire au nom de l'Etat pour la construction d'une éolienne sur un terrain au lieudit La Déchetterie sur l'Île de-Sein ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'affichage du panneau de permis de construire doit être regardé comme inexistant ;

- les avis émis sur le projet litigieux n'étaient pas consultables en mairie ;

- la commission départementale des sites, le parc marin de la mer d'Iroise et le parc régional naturel d'Armorique n'ont pas été consultées ;

- les communes limitrophes n'ont pas été consultées ;

- aucune analyse paysagère n'a été effectuée ;

- la délibération du 18 novembre 2017 approuvant la convention de mise à disposition du terrain d'assiette du projet est illégale dès lors que la convocation des conseillers municipaux n'était pas régulière et l'autorisation qui porte sur ce terrain est donc elle-même illégale ;

- le permis de construire ne pouvait être délivré à titre précaire ;

- les articles L. 121-8 et L. 121-10 du code de l'urbanisme ont été méconnus ;

- la convention d'occupation dans sa rédaction jointe au dossier de demande de permis de construire aurait dû faire l'objet d'un nouveau vote du conseil municipal ;

- l'accord du propriétaire n'a pas été obtenu.

Par une ordonnance du 30 janvier 2019, le tribunal administratif de Rennes a transmis le dossier de la requête de M. C... et autres à la Cour, en application des dispositions de l'article R. 311-5 du code de justice administrative et de l'article R. 351-3 du même code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2019, la société EDF, représentée par Me K..., demande à la cour de rejeter la requête et de condamner les requérants à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, les requérants n'ayant pas intérêt à agir et les formalités prévues par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme n'ayant pas été respectées ;

- les moyens, tirés de ce que l'affichage du panneau de permis de construire doit être regardé comme inexistant, les avis émis sur le projet litigieux n'étaient pas consultables en mairie, la commission départementale des sites, le parc marin de la mer d'Iroise et le parc régional naturel d'Armorique et les communes limitrophes n'ont pas été consultés, la délibération du 18 novembre 2017 est illégale, la convention d'occupation est illégale, doivent être écartés comme étant inopérants ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2019, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la cour de rejeter la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable, les requérants n'ayant pas intérêt à agir et les formalités prévues par l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme n'ayant pas été respectées ;

- les moyens, tirés de ce que l'affichage du panneau de permis de construire doit être regardé comme inexistant, les avis émis sur le projet litigieux n'étaient pas consultables en mairie, la commission départementale des sites, le parc marin de la mer d'Iroise et le parc régional naturel d'Armorique et les communes limitrophes n'ont pas été consultés, la délibération du 18 novembre 2017 est illégale, la convention d'occupation est illégale, doivent être écartés comme étant inopérants ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant la société EDF.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 4 octobre 2018, le préfet du Finistère a accordé à la société EDF un permis de construire à titre précaire pour une durée de quinze ans en vue de la construction d'une éolienne sur l'Ile-de-Sein. M. C..., Mme I..., M. J... et Mme E... demandent l'annulation de cet arrêté. Par une ordonnance du 30 janvier 2019, le tribunal administratif de Rennes a transmis le dossier de la requête de M. C... et autres à la Cour, compétente en premier et dernier ressort pour statuer sur le litige.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que l'affichage du panneau de permis de construire litigieux doit être regardé comme inexistant n'a d'incidence que sur le point de départ du délai de recours contentieux et non sur la légalité du permis de construire. Dès lors, ce moyen doit être écarté comme étant inopérant.

3. En deuxième lieu, la circonstance qu'une des requérantes, Mme I..., soit venue consulter en mairie le dossier de permis de construire le 14 novembre 2018, sans y trouver les avis émis sur le projet, est postérieure à l'arrêté attaqué et sans influence sur la légalité de ce dernier. Au demeurant, le préfet a finalement communiqué le 30 novembre 2018 à Mme I... les avis émis sur le projet.

4. En troisième lieu, les articles L. 121-8 et L. 121-10 du code de l'urbanisme cités par les requérants ne rendent pas obligatoire en l'espèce, dans leur rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué, la saisine pour avis de la commission départementale des sites. En outre, aucun texte ne prévoit, pour le projet en cause, la consultation du parc marin de la mer d'Iroise et du parc régional naturel d'Armorique. Dès lors, le moyen tiré de l'absence de consultation de ces organismes ne peut qu'être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme : " Dans le cas d'un projet éolien soumis à permis de construire, l'autorité compétente recueille, conformément aux dispositions prévues au XI de l'article 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, l'avis des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme ou d'autorisations d'urbanisme limitrophes de l'unité foncière d'implantation du projet. ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'unité foncière d'implantation du projet en cause était limitrophe de communes voisines de celle d'Ile-de-Sein, cette dernière étant en particulier séparée de la commune de Plogoff par la mer. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme doit être écarté.

6. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; (...) ". Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le dossier de demande de permis de construire comporte de nombreux photomontages permettant d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme doit être écarté.

7. En sixième lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. Par conséquent, le moyen, tiré de ce que la délibération du 18 novembre 2017 autorisant le maire à signer la convention de mise à disposition du terrain d'assiette du projet au bénéfice d'EDF est illégale au motif que la convocation des conseillers municipaux n'était pas régulière, ne peut qu'être écarté comme étant inopérant dès lors que cette délibération ne constitue pas la base légale de l'arrêté attaqué et que celui-ci n'a pas été pris pour son application.

8. En septième lieu, aux termes de l'article L. 433-1 du code de l'urbanisme : " Une construction n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 421-5 et ne satisfaisant pas aux exigences fixées par l'article L. 421-6 peut exceptionnellement être autorisée à titre précaire dans les conditions fixées par le présent chapitre. Dans ce cas, le permis de construire est soumis à l'ensemble des conditions prévues par les chapitres II à IV du titre II du présent livre. ". Il résulte de ces dispositions que l'objet d'un permis de construire précaire est d'autoriser, à titre exceptionnel, des constructions temporaires qui, sans respecter l'ensemble de la règlementation d'urbanisme applicable, répondent à une nécessité caractérisée, tenant notamment à des motifs d'ordre économique, social, culturel ou d'aménagement, et ne dérogent pas de manière disproportionnée aux règles d'urbanisme applicables eu égard aux caractéristiques du terrain d'assiette, à la nature de la construction et aux motifs rendant nécessaire le projet.

9. D'une part, la seule circonstance invoquée par les requérants que la durée fixée soit de quinze ans, correspondant à la durée du contrat d'obligation d'achat d'électricité, ne fait pas obstacle à ce que le permis puisse être qualifié de permis délivré à titre précaire, au sens de l'article L. 433-1 précité du code de l'urbanisme.

10. D'autre part, il est constant que le projet en cause ne respecte pas les dispositions de la loi Littoral et notamment celles de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Cependant, il n'est pas contesté que l'Île de Sein n'est pas raccordée au réseau électrique continental et que le projet litigieux permettra de contribuer au respect de l'objectif de 50% de production d'électricité à base d'énergie renouvelable fixé par la programmation pluriannuelle de l'énergie à l'horizon 2023 pour les îles du Ponant non interconnectées au réseau électrique continental, approuvé par un décret du 27 octobre 2016, ce qui répond à une nécessité caractérisée. En outre, le projet ne porte que sur une seule éolienne de 45 mètres de hauteur maximum, dans un site certes inscrit et dans un espace proche du rivage mais avec une remise en état prévue à l'issue d'une durée de quinze ans, ce qui ne déroge pas de manière disproportionnée aux règles d'urbanisme applicables, au vu des besoins en énergie renouvelable précités. Par conséquent, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 433-1 et des articles L. 121-8 et L. 121-10 du code de l'urbanisme doivent être écartés.

11. En huitième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. ".

12. D'une part, il est constant qu'une convention d'occupation du domaine public constituant le terrain d'assiette du projet en cause signée par le maire était jointe au dossier de demande de permis de construire. La seule modification concernant les conditions d'indemnisation du pétitionnaire en cas de résiliation anticipée, postérieurement à l'autorisation donnée par le conseil municipal au maire de signer la convention, ne suffit pas à faire obstacle à ce que le conseil municipal soit regardé comme ayant donné son accord pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public, au sens de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme précité.

13. D'autre part, aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (...) ". Il ne ressort pas des pièces du dossier, au vu en particulier d'une carte établie par la direction départementale des territoires et de la mer, certes postérieurement à l'arrêté attaqué mais révélant des faits antérieurs, que le terrain d'assiette du projet appartiendrait au domaine public maritime au sens des dispositions précitées. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'accord de l'Etat aurait dû être obtenu doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non recevoir soulevées, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2018 par lequel le préfet du Finistère a accordé à la société Electricité de France un permis de construire à titre précaire au nom de l'Etat pour la construction d'une éolienne sur un terrain sis lieudit La Déchetterie sur l'Île de-Sein.

Sur les frais liés au litige :

15. L'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à sa charge le versement des sommes demandées par les requérants à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers la somme demandée par la société EDF sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. C... et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société EDF sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., Mme D... I..., M. A... J..., Mme G... E..., à la société EDF et au ministre de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président assesseur,

- Mme H..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 janvier 2020.

Le rapporteur,

P. H...

Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19NT00662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00662
Date de la décision : 17/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : FRECHE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-17;19nt00662 ?
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