Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C..., M. F... C... et Mme I... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les refus de visas a implicitement rejeté le recours dirigé contre les décisions des autorités consulaires à Dakar (Sénégal) du 16 juillet 2018 rejetant les demandes de visas de long séjour présentées pour M. F... C... et Mme I... C... en qualité d'enfants de ressortissant français.
Par un jugement n° 1900277 du 2 mai 2019 le tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête en tant qu'elle était présentée par M. E... C... et annulé les décisions implicites de la commission de recours contre les refus de visas opposés aux jeunes F... et I... C....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée devant la cour le 31 mai 2019, le ministre de l'intérieur conclut :
- à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 mai 2019 en tant qu'il a annulé les refus de visas opposés à F... et I... C...;
- à la confirmation de la décision prise par la commission de recours contre les refus de visas ;
- au rejet de la demande de première instance présentée par M. E... C....
Il soutient que :
- une erreur d'appréciation a été commise au égard au caractère frauduleux des actes d'état civil produits ;
- la possession d'état ne peut être constatée.
Par des mémoires en défense enregistrés les 31 juillet et 6 décembre 2019 M. E... C..., M. F... C... et Mme I... C..., représentés par Me B... G..., concluent :
- au rejet de la requête du ministre ;
- à ce qu'il soit enjoint au ministre de délivrer des visas de long séjour pour les enfants F... et I... ;
- à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 2 juin 2016, M. F... C... et Mme I... C..., nés respectivement les 20 décembre 1999 et 21 juillet 2000, ont saisi les autorités consulaires françaises à Dakar (Sénégal) afin de se voir délivrer des visas de long séjour en qualité d'enfants de ressortissant français, M. E... C..., né le 14 janvier 1967. Par des décisions du 18 juillet 2018, les autorités consulaires françaises ont refusé de délivrer les visas sollicités. La commission de recours contre les refus de visas a implicitement rejeté le recours formé par les intéressés à l'encontre de ces décisions. Par un jugement du 2 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a d'une part, rejeté la demande de première instance en tant qu'elle était présentée par M. E... C... et d'autre part, annulé la décision de la commission de recours contre les refus de visas. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il a annulé le refus de visa opposé aux enfants F... C... et I... C....
Sur la légalité de la décision en litige :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 111- 6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
3. Si cet article prévoit que les actes d'état civil faits en pays étranger et selon les formes usitées dans ce pays font foi, il n'en va toutefois pas ainsi lorsque d'autres actes ou pièces, des données extérieures ou des éléments tirés de ces actes eux-mêmes établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que ces actes sont irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Ainsi, lorsque le préfet a autorisé la venue d'un étranger en France dans le cadre de la procédure du regroupement familial, l'autorité diplomatique ou consulaire ne peut légalement refuser de délivrer au bénéficiaire de la mesure de regroupement un visa d'entrée sur le territoire français qu'en se fondant sur des motifs d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir le lien de filiation entre le demandeur de visa et le membre de la famille que celui-ci entend rejoindre.
4. Pour rejeter implicitement le recours relatif à la demande présentée pour les consorts C... contre la décision de l'autorité consulaire à Dakar, la commission de recours contre les refus de visas doit être regardée comme ayant entendu se référer aux motifs des décisions consulaires lesquelles se sont fondées pour chacun des deux enfants d'une part, sur l'absence de conformité au droit local des documents d'état civil produits et d'autre part, sur la circonstance que certaines données des documents produits en vue d'établir la filiation remettent en cause leur caractère authentique.
5. Il ressort des pièces du dossier que par un jugement n° 8703 du 16 mai 2011, le tribunal d'instance de Pikine (Sénégal) a autorisé la transcription sur les registres d'actes de naissance de l'enfant F... C... né le 20 décembre 1999 à Pikine de M. E... C... et de Mme H.... La circonstance que ce jugement est intervenu onze ans après la naissance de l'enfant ne saurait suffire à en établir le caractère inauthentique. Les mentions portées sur le volet n° 3 de l'acte de naissance de l'enfant établi sur le fondement de ce jugement répondent aux exigences prévues par l'article 52 du code de la famille sénégalais.
6. Si deux copies littérales d'acte de naissance de cet enfant ont été dressées les 10 février 2017 et 22 mars 2018 et sont signées du même officier d'état civil mais dont les mentions manuscrites ont été portées par des personnes distinctes, cette circonstance ne saurait démontrer, comme le soutient le ministre, que ces documents, eu égard notamment à leur nature, seraient des faux dès lors que les mentions portées sur ces deux actes sont identiques. L'extrait d'acte de naissance du jeune F..., en date du 22 mars 2018, comporte des indications analogues.
7. S'il est vrai qu'une copie littérale d'acte de naissance produite par le ministre, ainsi qu'un extrait indique que l'enfant est né le 25 décembre 1999 et que l'acte de naissance a été établi par un officier autre que celui indiqué sur les actes mentionnés ci-dessus, l'officier d'état civil de Pikine, également signataire de ces actes, a, le 22 juillet 2019, consécutivement à la demande de clarification dont il était saisi, certifié que l'acte de naissance de l'enfant F... C... né le 20 décembre 1999 a été enregistré dans les registres conformément au code de la famille applicable. La validité de cette attestation n'est pas remise en cause par l'administration.
8. En tout état de cause, la circonstance que la naissance de l'enfant F... n'a précédé que de 7 mois celle de la jeune I... ne saurait établir le caractère frauduleux des actes d'état civil produits.
9. Il s'ensuit que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les refus de visas refusant de délivrer un visa de long séjour à F... et I... C....
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le rejet des conclusions présentées par le ministre n'implique pas d'autre mesure d'exécution que celle prescrite dans le jugement du 2 mai 2019 qu'il y a lieu de confirmer. Par suite, il n'y a pas lieu pour la cour de prononcer une nouvelle injonction.
Sur les frais du litige :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : Les conclusions à fin d'injonctions présentées par les consorts C... et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E... C..., à M. F... C... et à Mme I... C....
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2019, où siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme D..., président-assesseur,
- M. A...'hirondel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 janvier 2020.
Le rapporteur,
C. D...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02080