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20/12/2019 | FRANCE | N°19NT03152

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 20 décembre 2019, 19NT03152


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 5 mars 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé son transfert aux autorités allemandes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1903257 du 18 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°)

d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 avril 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 5 mars 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé son transfert aux autorités allemandes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1903257 du 18 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 avril 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 5 mars 2019 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et de l'admettre au séjour au titre de l'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur la responsabilité de l'Allemagne comme Etat responsable de sa demande d'asile ;

en ce qui concerne l'arrêté de remise :

- il n'a pas été signé par une autorité territorialement compétente ;

- l'arrêté procède d'une application erronée du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dont son article 3.2, en ce qu'il désigne l'Allemagne comme Etat de remise alors que le premier Etat auprès duquel la demande de reprise a été faite était la Suisse, et qu'elle a donné son accord explicite dès le 4 février 2019 ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Allemagne ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant érythréen né le 19 janvier 1976, déclare être entré en France le 31 décembre 2018. Sa demande d'asile a été enregistrée le 8 janvier 2019. Suite au relevé de ses empreintes digitales, il a été constaté qu'il avait, le 3 juillet 2015, demandé la protection internationale aux autorités suisses, puis, le 15 septembre 2008, aux autorités allemandes. Consécutivement à ces saisines, les autorités suisses ont explicitement accepté de reprendre en charge M. C... le 6 février 2019, puis les autorités allemandes ont fait de même, implicitement, avant de le confirmer le 22 février 2019. Par deux arrêtés du 5 mars 2019, notifiés le 26, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de le transférer aux autorités allemandes et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours. M. C... relève appel du jugement du 18 avril 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la régularité du jugement du 18 avril 2019 :

2. M. C... soutient que le jugement du 18 avril 2019 est irrégulier en ce qu'il omet de répondre au moyen tiré de ce que la Suisse était le seul pays responsable de l'examen de sa demande d'asile. Toutefois si, comme le vise ledit jugement, le moyen tiré de ce que "c'est à tort que le préfet a considéré que l'Allemagne était responsable du traitement de sa demande d'asile" a bien été soulevé, il a été répondu à celui-ci, en ses points 9 et 10, au vu de la seule argumentation présentée par le requérant à l'appui de ce moyen, qui se bornait à citer l'article 3.2 du règlement n° 604/2013 susvisé ainsi qu'un extrait d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne relatif au délai fixé à l'article 21.1 du même règlement, sans même citer la Suisse. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier pour ce motif.

En ce qui concerne la décision de transfert :

3. En premier lieu, l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'autorité compétente pour renouveler l'attestation de demande d'asile en application de l'article L. 742-1, procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, assigner à résidence un demandeur d'asile en application du 1° bis du I de l'article L. 561-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police (...) ". Par ailleurs, l'article 11 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements dispose que " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi qu'en matière de droit d'asile. / En matière d'asile, un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements ". Enfin, l'article 1er de l'arrêté du 2 octobre 2018 du ministre de l'intérieur, également chargé de l'asile, dispose que " Par dérogation aux dispositions de l'arrêté du 20 octobre 2015 susvisé, le préfet du département de Maine-et-Loire est l'autorité administrative compétente pour procéder, en application de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile s'agissant des demandes d'asile enregistrées par le préfet du département de la Loire-Atlantique ou par le préfet du département de Maine-et-Loire, et s'agissant des demandes d'asile enregistrées par un autre préfet de département concernant des demandeurs domiciliés dans un département de la région Pays de la Loire ". Enfin, selon l'article 3 du même arrêté : " Les dispositions du présent arrêté sont applicables aux demandes d'asile enregistrées : 1° A compter du 1er octobre 2018 par le préfet de Maine-et-Loire ou par le préfet d'un autre département concernant les demandeurs domiciliés dans le département de Maine-et-Loire ou de la Sarthe (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'à la date du 5 mars 2019 à laquelle a été prise la décision de transfert de M. C... auprès des autorités allemandes, étaient applicables les dispositions de l'arrêté du 2 octobre 2018 du ministre de l'intérieur, également chargé de l'asile, qui confèrent au préfet de Maine-et-Loire compétence pour procéder, en application de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la détermination de l'Etat responsable de l'examen des demandes d'asile enregistrées par le préfet de la Loire-Atlantique ou par le préfet de Maine-et-Loire, et des demandes d'asile enregistrées par un autre préfet de département concernant des demandeurs domiciliés dans un des départements de la région Pays de la Loire. Si l'arrêté du 2 octobre 2018 a été adopté en vertu du dernier alinéa de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimé par le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019, les dispositions de cet alinéa ont été transférées à l'article 11-1 du décret du 29 avril 2004 précité auquel renvoie la nouvelle rédaction de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 2 octobre 2018 serait dépourvu de base légale et le moyen tiré de l'incompétence du préfet de Maine-et-Loire pour prononcer le transfert de M. C... auprès des autorités allemandes doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de son article 3 du chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.

5. Aux termes de l'article 7 du règlement n° 604/2013 : " (...) 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre (...) ". Aux termes de l'article 18 de ce règlement : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la première demande d'asile de M. C... a été enregistrée en Suisse. Par conséquent, il résulte des dispositions précitées du 2 de l'article 7 du règlement n° 604/2013 que l'Etat membre responsable en vertu de ce règlement est effectivement la Suisse. Cependant, il ressort également des pièces du dossier que, postérieurement au dépôt de cette demande d'asile, laquelle a été rejetée ainsi qu'il résulte de la réponse des autorités suisses qui acceptent sa réadmission sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du même règlement, M. C... a déposé une nouvelle demande d'asile auprès des autorités allemandes, qui ont accepté d'instruire cette demande et admis le retour du requérant sur le fondement du b) du 1 du même article 18. Dès lors, nonobstant l'examen antérieur de la demande d'asile par les autorités suisses, à la suite de cette reprise en charge par les autorités allemandes et de leur accord implicite à la demande de reprise en charge adressée par la France, il résulte du b) du 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 que l'Etat à destination duquel M. C... doit être transféré pour la reprise en charge de sa demande d'asile est bien l'Allemagne.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'assignation à résidence serait privée de base légale en raison de l'illégalité de la mesure de transfert qui la fonde.

8. En deuxième lieu, l'arrêté portant assignation à résidence de M. C... vise, notamment, les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment son 1° bis. Il comporte également les considérations de fait et les autres considérations de droit qui le fondent. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que cet arrêté serait insuffisamment motivé.

9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'assignation à résidence de M. C..., dont le caractère disproportionné n'est pas démontré, procéderait d'une erreur de droit au regard de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 5 mars 2019 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à Me B..., et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président,

- M. A..., président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2019.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03152


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03152
Date de la décision : 20/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : THOUMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-12-20;19nt03152 ?
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