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12/12/2019 | FRANCE | N°17NT02363

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 12 décembre 2019, 17NT02363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Exbanor a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer, d'une part, la restitution du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche prévu par l'article 244 quater B du code général des impôts à hauteur de 50 977 euros au titre de l'année 2012 et, d'autre part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1501825-1601271 du 14 juin

2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté les demandes.

Procédure devant la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Exbanor a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer, d'une part, la restitution du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche prévu par l'article 244 quater B du code général des impôts à hauteur de 50 977 euros au titre de l'année 2012 et, d'autre part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1501825-1601271 du 14 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté les demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 juillet 2017 et 25 avril,7 mai et 6 juin 2019, la SA Exbanor, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution, à hauteur de 50 977 euros, du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche au titre de l'année 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'inéligibilité des dépenses des projets n'a pas été discutée ni même évoquée lors de la procédure contradictoire ; elle n'a pas été soulevée par le service vérificateur dans le cadre de la proposition de rectification du 29 avril 2014 ;

- aucun débat oral et contradictoire portant sur l'avis du ministère de la recherche n'a eu lieu dès lors que l'administration ne s'est fondée sur l'inéligibilité que lors du rejet de sa réclamation ;

- l'administration a porté atteinte aux droits de la défense ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- l'administration, en remettant en cause l'éligibilité des dépenses du crédit impôt recherche, a méconnu le principe de sécurité juridique et porté atteinte au principe de loyauté ;

- le rapport du 4 mai 2015 établi par le ministère de la recherche n'est pas motivé ;

- les dépenses litigieuses sont éligibles au crédit d'impôt recherche compte tenu de l'avis du comité consultatif du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche du 17 mai 2018 et du rapport d'un expert indépendant ;

- l'agent du ministère de la recherche n'a pas effectué une analyse approfondie des dépenses litigieuses et a émis son rapport d'expertise dans le but de régulariser la remise en cause du bénéfice de l'exonération ;

- elle critique le motif initialement pris par l'administration et tiré de ce que les dépenses d'amortissement et de sous-traitance et les subventions publiques ne constituaient pas des dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt au sens de l'article 244 quater B du code général des impôts ;

- il n'a pas eu l'intention d'éluder l'impôt d'une manière délibérée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 janvier 2018 et 9 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SA Exbanor ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,

- et les observations de M. C..., directeur administratif et financier de la SA Exbanor.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2009 au 31 mars 2013, la société anonyme (SA) Exbanor, qui exerce l'activité principale de fabrication d'emballages et d'attaches agricoles, s'est vu notifier, par une proposition de rectification du 29 avril 2014, des redressements d'impôt sur les sociétés correspondant à la remise en cause de crédits d'impôt pour les dépenses de recherche, dont la société avait bénéficié, sur le fondement de l'article 244 B quater du code général des impôts, au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012. Sa réclamation du 22 octobre 2015 a été rejetée par une décision du 25 avril 2016. Par la requête n° 1601271, la société a demandé au tribunal administratif de Caen la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui ont ainsi été mises à sa charge. La société a également présenté le 18 mars 2015 une demande de remboursement du crédit d'impôt recherche dont elle a bénéficié au titre de l'année 2012. Sa demande a été rejetée par une décision du 8 juillet 2015. Par la requête n° 1501825, la société a demandé au même tribunal la restitution de ce crédit d'impôt. Par un seul jugement du 14 juin 2017, le tribunal a rejeté ses demandes. La société relève appel du jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Le service peut, à tout moment de la procédure administrative ou contentieuse, solliciter l'avis du ministère de la recherche sur la qualification d'un projet pour lequel une société a bénéficié du crédit d'impôt recherche et faire valoir, dans les limites des rectifications régulièrement notifiées, un motif nouveau de nature à démontrer le bien-fondé de l'imposition.

3. En l'espèce, par un mémoire enregistré par le greffe du tribunal administratif le 5 février 2016, puis par sa décision du 25 avril 2016 rejetant une réclamation de la société Exbanor, l'administration, qui avait initialement retenu l'inéligibilité des dépenses de recherche, dont se prévalait la société, relatives aux dotations concernant les amortissements de ses immobilisations, aux dépenses de personnel et aux subventions publiques qu'elle a perçues au cours des années en litige, lesquelles dépenses ne pouvaient être prises en compte dans le calcul du crédit d'impôt recherche, a ajouté, postérieurement à la proposition de rectification du 29 avril 2014, qui est suffisamment motivée, un motif supplémentaire tenant à l'inéligibilité des projets menés par la société au crédit d'impôt en se fondant sur un rapport du ministère de la recherche du 4 mai 2015. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent du présent arrêt, elle a pu régulièrement procéder ainsi. Il suit de là que tous les moyens relatifs aux irrégularités de la procédure d'imposition liées à ce nouveau motif et invoqués par la société doivent être écartés.

4. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du rapport du ministère de la recherche du 4 mai 2015 est inopérant au regard de la procédure d'imposition. En tout état de cause, ce rapport est suffisamment motivé.

Sur le bien-fondé de l'inéligibilité des projets :

5. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) ". L'article 49 septies F de l'annexe III au même code dispose que : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ". Ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt recherche que les dépenses exposées pour le développement ou l'amélioration substantielle de matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque considérée, par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation de ces techniques.

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations, et, notamment, d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.

7. Les deux projets en cause portent sur le développement, d'une part, d'une ligne de co-extrusion en quatre couches pour la fabrication de film polyéthylène et, d'autre part, d'une nouvelle attache dégradable étroite et compatible avec les lieurs électriques et d'une formulation spécifique d'attache étroite bio-compostable conforme à une norme technique.

8. En ce qui concerne le premier projet, il résulte de l'instruction et notamment du rapport du ministère de la recherche que ce projet n'était pas suffisamment détaillé dans la mesure où notamment les états de l'art et les incertitudes technologiques sont trop brièvement décrits et où la société n'a pas procédé à une subdivision qui aurait permis notamment le développement d'un prototype de filière assimilable à un développement expérimental. Pour justifier de l'éligibilité du projet, la société Exbanor affirme que le verrou technologique tenait à la difficulté qu'il y avait à superposer dans plusieurs co-extrudeuses des matières différentes et de les croiser, qu'elle a procédé à de nombreux essais au cours de l'année 2010 sans réussite, qu'elle a fait appel à un laboratoire agréé afin de mettre au point la modélisation des flux adéquate et qu'elle a procédé à de nombreux essais en 2011 et 2012. Elle produit également un rapport réalisé par un expert en avril 2018 portant sur les travaux menés de 2010 à 2015 en évaluant le contexte dans lequel ces travaux de recherche s'inscrivent. Toutefois, les conclusions de ce rapport, au demeurant non contradictoire, sont insuffisamment étayées pour remettre en cause le rapport du ministère de la recherche. Dès lors, ce projet ne constitue pas une opération de recherche entrant dans le champ d'application de l'article 244 quater B du code général des impôts.

9. En ce qui concerne le second projet, le rapport du ministère de la recherche a relevé son caractère succinct et le fait que les travaux de la société Exbanor ne sont que des optimisations de procédés déjà existants. Pour justifier de l'éligibilité de ce projet, la société Exbanor affirme que la conception d'une enveloppe bio-dégradable avait déjà fait l'objet d'un brevet et se prévaut des essais de plasticité qu'elle a réalisés et de la mission qu'elle a confiée à l'IPSA, laboratoire agréé. Elle fait valoir que ses attaches sont " les seules au monde à être dégradables avec une enveloppe certifiée biocompostable ". Toutefois, ces éléments ne sont pas suffisants pour remettre en cause l'inéligibilité de ce projet.

10. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le bénéfice du crédit d'impôt pour dépenses de recherche au motif que ces projets n'avaient pas le caractère de travaux de recherche au sens des dispositions de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 10 du présent arrêt que le moyen tiré du caractère éligible des dépenses relatives aux amortissements des biens créés ou acquis à l'état neuf, de celles relatives aux études et aux frais de recherche, de celles de sous-traitance et des subventions publiques est inopérant.

Sur les majorations pour manquement délibéré :

12. L'administration fiscale se prévaut de ce que la société requérante ne pouvait de bonne foi ignorer qu'elle ne remplissait pas les conditions relatives au crédit d'impôt recherche en raison des erreurs qu'elle a commises sur les dépenses en matière d'amortissements et sur les subventions. Toutefois elle n'établit pas l'intention délibérée de la société d'éluder l'impôt compte tenu de la complexité du dossier et des motifs initiaux de l'administration, principalement axés sur le rejet des dépenses de la société et non sur l'inéligibilité des projets. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de ce que le jugement est irrégulier en tant que le tribunal administratif a omis de statuer sur ces majorations, la société est fondée à demander la décharge des majorations pour manquement délibéré au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Exbanor est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge des majorations pour manquement délibéré au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012. Par voie de conséquence, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La SA Exbanor est déchargée des majorations pour manquement délibéré auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

Article 2 : L'Etat versera à la SA Exbanor une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus de la requête de la SA Exbanor est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Exbanor et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. B..., président-assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2019.

Le rapporteur,

J.-E. B...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02363


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02363
Date de la décision : 12/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SCP VILLECHENON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-12-12;17nt02363 ?
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