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29/11/2019 | FRANCE | N°19NT03621

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 novembre 2019, 19NT03621


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 juin 2019 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle le préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1906866 du 8 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 6 sept

embre 2019 sous le numéro 19NT03621, M. C... G..., représenté par Me D..., demande à la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 juin 2019 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle le préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1906866 du 8 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2019 sous le numéro 19NT03621, M. C... G..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1906866 du tribunal administratif de Nantes du 8 juillet 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 18 juin 2019 par lesquelles le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités italiennes et l'a assigné à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de prendre en charge sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quarante-huit heures, et en tout état de cause, de lui remettre une attestation de demande d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

. en ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités italiennes :

- la décision est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; en droit, le préfet n'a pas précisé le cadre de la procédure de transfert ni le critère de responsabilité retenu par l'Etat membre qui prononce le transfert ; en fait, les éléments relatifs à son parcours de demandeur d'asile ne figurent pas dans la décision ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation et a pris automatiquement une décision de transfert vers l'Italie ; il n'a pas pris en compte sa situation spécifique et son récit quant à son transfert en Italie ; le préfet ne peut ignorer la situation des demandeurs d'asile en Italie sans s'assurer qu'il ne serait pas soumis à des traitements contraires aux articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- la décision est entachée d'erreur de droit en l'absence d'accord de l'Italie ; en application de l'article 19 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le point d'accès de l'Etat requis doit accuser réception de la transmission envoyée par le système DubliNet ; en l'espèce, il n'existe pas de courrier ou de réponse automatique émanant du point d'accès national italien, le préfet produisant seulement un accusé de réception émanant du point de contact français ; il n'existe donc aucune preuve que la demande de reprise en charge aurait été communiquée au point d'accès national italien ;

- la décision est entachée d'un défaut de base légale ; en l'absence d'identité d'empreintes décadactylaires, il n'existait aucune certitude sur la concordance des empreintes relevées en Italie, dès lors que les empreintes relevées en France ne sont pas complètes en méconnaissance de l'article 9 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnait l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

. en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- la décision est entachée des mêmes vices de légalité externe que la décision de transfert auprès des autorités italiennes ;

- l'auteur de la décision est incompétent ;

- la décision est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, y compris en ce qui concerne la durée de l'assignation à résidence ;

- la décision est illégale en raison de l'illégalité du transfert en Italie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2019, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 octobre 2019.

II. Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2019 sous le numéro 19NT03622, M. C... G..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1906866 du tribunal administratif de Nantes du 8 juillet 2019 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille cinq cents euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que les conditions prévues par l'article R. 811-17 du code de justice administrative sont réunies :

- l'exécution de la décision de transfert auprès des autorités italiennes est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- il soulève des moyens sérieux à l'encontre de la décision de transfert, notamment :

o la décision de transfert est entachée d'une erreur de droit en l'absence d'accord des autorités italiennes ; en application de l'article 19 du règlement (C.E.) n°1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, le point d'accès de l'Etat doit accuser réception de la transmission entrante ce qui n'a pas été le cas ;

o la décision méconnait les dispositions de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et les dispositions combinées de l'annexe II au règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 et de l'article 9 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ; il n'y a pas de certitude d'identité entre les empreintes relevées en Italie et les empreintes relevées en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2019, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 octobre 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H..., première conseillère,

- et les observations de Me F..., substituant Me D..., représentant M. G...

Considérant ce qui suit :

1. M. C... G..., ressortissant soudanais né en mars 1988, est entré en France en juin 2018. Il a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée le 16 juillet 2018. Par une décision du 26 novembre 2018, le préfet de la Loire-Atlantique a prononcé son transfert auprès des autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile. Par ailleurs, par une décision du même jour, le préfet a prononcé son assignation à résidence. Par un jugement du 30 novembre 2018, le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 novembre 2018 portant transfert auprès des autorités italiennes et de la décision du même jour portant assignation à résidence. M. G... a été transféré en Italie le 28 février 2019. Il est entré, à nouveau, en France le 3 mars 2019. Il a déposé une nouvelle demande d'asile enregistrée le 12 avril 2019. Par une décision du 18 juin 2019, le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et par une autre décision du même jour a prononcé son assignation à résidence. M. G... relève appel du jugement du 8 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 18 juin 2019 et demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement.

2. Les requêtes n° 19NT03621 et 19NT03622 présentées pour M. G... concernent la situation d'un même étranger et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant transfert auprès des autorités italiennes :

3. En premier lieu, l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. (...) ".

4. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

5. La décision litigieuse de transfert de M. G... auprès des autorités italiennes vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier son article L. 742-3. La décision de transfert vise le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, puis relève que M. G... a présenté une nouvelle demande d'asile auprès de la préfecture de Maine-et-Loire après avoir fait l'objet d'une procédure " Dublin " suite à une première entrée en France et l'exécution d'un transfert le 28 février 2019 et que les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont fait apparaître que l'intéressé avait franchi irrégulièrement les frontières italiennes moins de douze mois avant le dépôt de sa première demande d'asile. Elle doit être ainsi regardée comme suffisamment motivée, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement.

6. En deuxième lieu, les articles 20 et suivants du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissent les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride fixent les règles selon lesquelles sont organisées les procédures de prise en charge ou de reprise en charge d'un demandeur d'asile par l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. Ces articles déterminent notamment les conditions dans lesquelles l'Etat sur le territoire duquel se trouve le demandeur d'asile requiert de l'Etat qu'il estime responsable de l'examen de la demande de prendre ou de reprendre en charge le demandeur d'asile.

7. Dans ce cadre, le paragraphe 1 de l'article 26 du règlement précise : " Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale ". Le paragraphe 1 de l'article 27 du règlement prévoit, pour sa part, que le demandeur " dispose d'un droit de recours effectif, sous la forme d'un recours contre la décision de transfert ou d'une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction ".

8. Pour pouvoir procéder au transfert d'un demandeur d'asile vers un autre Etat membre en mettant en oeuvre ces dispositions du règlement, et en l'absence de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisant une procédure différente, l'autorité administrative doit obtenir l'accord de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile avant de pouvoir prendre une décision de transfert du demandeur d'asile vers cet Etat. Une telle décision de transfert ne peut donc être prise, et a fortiori être notifiée à l'intéressé, qu'après l'acceptation de la prise en charge par l'Etat requis. Le juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre la décision de transfert et saisi d'un moyen en ce sens, prononce l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise sans qu'ait été obtenue, au préalable, l'acceptation par l'Etat requis de la prise ou de la reprise en charge de l'intéressé.

9. Il ressort des pièces produites par le préfet de Maine-et-Loire, sur lesquelles figurent les références du dossier de M. G..., et notamment du formulaire de demande de prise en charge adressé aux autorités italiennes, de l'accusé de réception généré par l'application DubliNet le 15 avril 2019 et du message émanant des autorités italiennes, adressé par l'intermédiaire de cette même application aux autorités françaises, que, contrairement à ce que soutient M. G..., les autorités italiennes ont bien été saisies d'une demande de prise en charge qu'elles ont acceptée.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit " Règlement Eurodac ", relatif à la collecte, la transmission et la comparaison des empreintes digitales des demandeurs d'une protection internationale : " 1. Chaque État membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'une protection internationale âgé de 14 ans au moins et la transmet au système central dès que possible et au plus tard 72 heures suivant l'introduction de la demande de protection internationale (...). / 3. Les données dactyloscopiques au sens de l'article 11, point a), qui sont transmises par un État membre (...) sont comparées automatiquement avec les données dactyloscopiques transmises par d'autres États membres qui sont déjà conservées dans le système central. (...) / 5. Le système central transmet automatiquement le résultat positif ou négatif de la comparaison à l'État membre d'origine (...) ". Le point l) du 1 de l'article 2 de ce même règlement définit les données dactyloscopiques comme " les données relatives aux empreintes digitales de tous les doigts ou au moins des index et si ces derniers sont manquants, aux empreintes de tous les autres doigts d'une personne, ou à une empreinte digitale latente ". La portée de ces dispositions est précisée au considérant 5 du même règlement, qui énonce que " Les empreintes digitales constituent un élément important aux fins de l'établissement de l'identité exacte de ces personnes (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'annexe II au règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 : " Liste A - Eléments de preuve / (...) II. Obligations de réadmission ou de reprise du demandeur de l'État membre responsable de l'examen de la demande / 1. Procédure de détermination de l'État membre responsable en cours dans l'État membre où la demande a été introduite (article 20, paragraphe 5) / Preuves : - résultat positif fourni par Eurodac par suite de la comparaison des empreintes du demandeur avec les empreintes collectées au titre de l'article 9 du règlement "Eurodac" (...). / 2. Procédure de demande en cours d'examen ou antérieure [article 18, paragraphe 1, points b), c) et d)] / Preuves : résultat positif fourni par Eurodac par suite de la comparaison des empreintes du demandeur avec les empreintes collectées au titre de l'article 9 du règlement "Eurodac" (...) ".

11. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la preuve de l'entrée irrégulière sur le territoire des Etats membres par une frontière extérieure, déterminant la responsabilité d'un Etat membre, en application de l'article 13.1 du règlement dit " Dublin III ", est constitué par le résultat positif transmis par Eurodac à la suite de la comparaison des empreintes du demandeur d'asile et de celles collectées sur le système central informatisé. En outre, une telle preuve fait foi jusqu'à ce qu'elle soit réfutée par une preuve contraire. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le système central Eurodac a émis un résultat positif à la suite d'une comparaison entre les données dactyloscopiques enregistrées dans la base de données centrale informatisée et celles qui ont été transmises par les autorités françaises, concernant M. G.... La seule circonstance que les autorités françaises n'aient pas procédé à un relevé décadactylaire complet, en méconnaissance des dispositions de l'article 9 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013, et aient uniquement relevé les empreintes de six des dix doigts de M. G..., et trois doigts simultanément au titre des empreintes de contrôle, ne saurait suffire à mettre en doute la fiabilité de la comparaison effectuée par Eurodac, et partant, à établir que l'intéressé n'est pas entré illégalement sur le territoire des Etats membres, par l'Italie, eu égard à la force probante attachée au résultat positif d'Eurodac. Au demeurant, l'intéressé ne conteste pas être entré irrégulièrement sur le territoire des Etats membres par l'Italie, dans les douze mois précédant sa première demande d'asile. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

12. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de la décision de transfert auprès des autorités italiennes, que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de M. G.... En particulier, il ressort de la motivation même de la décision du 18 juin 2019, notamment de la prise en compte de l'état de santé de M. G..., que le représentant de l'Etat s'est assuré que l'intéressé n'encourait pas des risques de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Par ailleurs, l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'Etat considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ".

14. M. G... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie et de l'absence de soins au moment de son arrivée en Italie, mais les documents qu'il produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, il ne démontre pas davantage qu'il serait exposé au risque de subir en Italie des traitements contraires aux dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et que la décision de transfert méconnaîtrait ainsi l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

15. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit. ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Par ailleurs, l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ".

16. M. G..., qui a fait état de problèmes médicaux devant le préfet, ne produit aucun document permettant de démontrer que son état de santé ou sa situation personnelle le placeraient dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de la Loire-Atlantique aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

17. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prendre une mesure d'assignation à résidence à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qui présente des garanties propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement.

18. En premier lieu, il résulte des points 3 à 16 du présent arrêt que M. G... n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes.

19. En deuxième lieu, par un arrêté du 11 juin 2019 régulièrement publié, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à Mme E... A..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers et signataire de la décision litigieuse, à l'effet de signer les décisions de transfert prises pour l'application du règlement dit " Dublin III " et les décisions d'assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.

20. En troisième lieu, la décision du 18 juin 2019 portant assignation à résidence de M. G... comporte l'exposé des considérations de droit et de fait qui le fondent. Elle est ainsi suffisamment motivée.

21. En dernier lieu, si M. G... déclare reprendre, à l'encontre de la décision portant assignation à résidence, les moyens de légalité externe soulevés à l'encontre de la décision portant transfert auprès des autorités italiennes, ces moyens doivent, en tout état de cause, être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 à 11 du présent arrêt.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 18 juin 2019. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :

23. La cour se prononçant par le présent arrêt sur le bien-fondé du jugement du 8 juillet 2019, les conclusions de M. G... tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en outre, obstacle que ce l'Etat qui n'est pas, dans l'instance n° 19NT03622, la partie perdante, soit condamné à verser à l'avocat de M. G... la somme demandée sur le fondement de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. G... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 juillet 2019.

Article 2 : Les conclusions de M. G... présentées dans la requête n° 19NT03621 et le surplus des conclusions de M. G... présentées dans la requête n° 19NT03622 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme H..., première conseillère.

Lu en audience publique le 29 novembre 2019.

La rapporteure,

M. H...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 19NT03621, 19NT03622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03621
Date de la décision : 29/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : PASTEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-29;19nt03621 ?
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