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29/11/2019 | FRANCE | N°19NT00917

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 novembre 2019, 19NT00917


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 30 novembre 2018 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités belges, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1811363 du 5 décembre 2018 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mars 2019, M. F..., représenté

par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 30 novembre 2018 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités belges, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1811363 du 5 décembre 2018 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mars 2019, M. F..., représenté par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 décembre 2018 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 30 novembre 2018 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois dans les huit jours suivant le prononcé de la décision à intervenir et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

en ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités belges :

- il n'a pas été signé par une autorité compétente ;

- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté a méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile ; il souffre de problèmes de santé et il établit qu'il existe un risque important de renvoi par ricochet vers la Somalie en cas de réadmission en Belgique où sa demande d'asile a été rejetée ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Belgique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2019, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. F... n'est fondé et que l'intéressé a exécuté la décision de transfert le 18 février 2019.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rivas, président assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant somalien, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 1er juillet 2018 et y a sollicité l'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 27 juillet suivant. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il avait sollicité l'asile en Belgique le 10 juillet 2017. Le préfet de la Loire-Atlantique a alors adressé aux autorités belges une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement de l'article 18-1 d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que ces mêmes autorités ont expressément acceptée le 14 août 2018. Par deux arrêtés du 30 novembre 2018, le préfet de la Loire-Atlantique a ordonné la remise de M. F... aux autorités belges et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. F... relève appel du jugement du 5 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

En ce qui concerne la décision de remise aux autorités belges :

2. En premier lieu, l'arrêté de transfert aux autorités belges a été signé, pour le préfet de la Loire-Atlantique, par Mme C..., chef du bureau du contentieux et de l'éloignement. Par un arrêté du 28 novembre 2018 publié au recueil n°127 des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Loire-Atlantique a donné délégation à Mme D..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer notamment les décisions d'éloignement prises dans le cadre de l'Union européenne, lesquelles comprennent les décisions de transfert, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme D... à M. A... et, en cas d'absence ou d'empêchement simultanés de ces deux personnes, à des chefs de bureau dont Mme C.... Dès lors qu'il n'est pas établi ni même allégué que Mme D... et M. A... n'auraient pas été simultanément absents ou empêchés, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a bénéficié le 27 juillet 2018, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par les dispositions de l'article 5 précité du règlement (UE) n° 604/2013, qui s'est tenu en langue somali, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours par téléphone d'un interprète assermenté. Il n'est à cet égard pas établi que le requérant n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles au cours de l'entretien, eu égard au compte-rendu qui en a été établi. En outre, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel n'a pas privé M. F... de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien. Aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que ce même entretien individuel n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel: " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.

6. M. F... fait valoir que sa demande d'asile a été rejetée par les autorités belges qui ont d'ailleurs accepté de le reprendre en charge sur le fondement des dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 applicable aux ressortissants de pays tiers dont la demande a été rejetée et qui ont présenté une demande auprès d'un autre Etat membre. Sa demande d'asile ayant été rejetée il craint pour sa vie en cas de renvoi par les autorités belges en Somalie en raison de la situation de violence généralisée qui prévaut dans ce pays. Il fait état également de problèmes de santé, une opération ayant été programmée le 12 décembre 2018. Toutefois l'arrêté contesté n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner l'intéressé vers la Somalie, mais seulement de prononcer son transfert en Belgique. Or il n'est pas établi que ses problèmes de santé ne pourraient y être pris en charge ou qu'ils l'empêcheraient de voyager. Par ailleurs, il ne justifie ni du caractère définitif de l'obligation de quitter le territoire belge dont il ferait l'objet, ni qu'il ne serait pas en mesure de faire valoir devant ces mêmes autorités tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut en Somalie. Enfin il ne résulte pas de l'article 34 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 que les autorités françaises auraient été tenues de recueillir, auprès des autorités belges, des renseignements sur l'état d'avancement de sa demande d'asile. Ainsi, M. F... n'est pas fondé à soutenir qu'en ne mettant pas en oeuvre la clause dérogatoire prévue à l'article 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, le préfet de la Loire-Atlantique aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

7. Il résulte des points 2 à 6 du présent arrêt que M. F... n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités belges.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 30 novembre 2018. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas président assesseur,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 novembre 2019.

Le rapporteur,

C. Rivas Le président,

L. Lainé

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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No 19NT00917

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00917
Date de la décision : 29/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-29;19nt00917 ?
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