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29/11/2019 | FRANCE | N°18NT00681

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 novembre 2019, 18NT00681


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lucas Laval a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier du Haut Anjou à lui verser la somme de 47 442,41 euros au titre du solde du marché de travaux passé avec ledit centre hospitalier, augmentée des intérêts moratoires au taux légal, majoré de deux points à compter du 26 septembre 2012 et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1506115 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier d

u Haut Anjou à verser à la société Lucas Laval la somme de 34 735,89 euros assortie d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lucas Laval a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier du Haut Anjou à lui verser la somme de 47 442,41 euros au titre du solde du marché de travaux passé avec ledit centre hospitalier, augmentée des intérêts moratoires au taux légal, majoré de deux points à compter du 26 septembre 2012 et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1506115 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier du Haut Anjou à verser à la société Lucas Laval la somme de 34 735,89 euros assortie des intérêts au taux légal augmenté de deux points à compter du 7 janvier 2013, et de la capitalisation de ces intérêts à la date du 20 juillet 2015, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 février 2018 et 18 juillet 2019, le centre hospitalier du Haut-Anjou (Château-Gontier et Segré), représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2017 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées en première instance par la société Lucas Laval ;

3°) de mettre à la charge de la société Lucas Laval une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une irrégularité en retenant que le centre hospitalier avait renoncé à se prévaloir du contrat le liant à la société Lucas Laval faute d'avoir produit un mémoire en défense ; le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne peut se fonder uniquement sur l'article R. 612-6 du code de justice administrative dès lors qu'un tiers attrait à la cause a produit en défense ;

- la société Lucas Laval a manqué à ses obligations et les travaux réalisés ne sont pas imputables au maitre d'ouvrage ; elle aurait dû prévoir les travaux nécessaires à l'étanchéité à l'air des blocs opératoires ; elle était tenue de procéder à la réception des supports en présence de la société qui les avaient réalisés et du maitre d'oeuvre, ce qu'elle n'a pas fait et ce qui aurait permis la formulation éventuelle de réserves.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2019, la société Lucas Laval, représentée par Me G... B..., conclut :

1°) au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier du Haut Anjou une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) subsidiairement, à la condamnation solidaire des sociétés Alluin et Mauduit, Arcora, Lucigny-Talhouet et associés, Socotec et Eiffage construction Pays de Loire à lui verser la somme de 30 253,63 euros TTC en réparation du préjudice subi, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2015, capitalisés, et à ce que soit mise à la charge desdites sociétés une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité entachant le jugement est infondé en ce que, par application de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, il y a eu acquiescement aux faits ;

- il y a lieu pour le centre hospitalier de la rémunérer pour les travaux supplémentaires réalisés regardés comme ordonnés par le maitre d'ouvrage, même en l'absence d'ordre de service, utiles à la réalisation de l'ouvrage, voire indispensables ; elle n'a pas manqué à ses obligations contractuelles sachant qu'il ne peut lui être imputé de ne pas avoir identifié la nécessité d'étanchéité à l'air et, s'agissant de travaux supplémentaires indispensables, les stipulations du marché ne sont pas opposables à l'entrepreneur ; en l'espèce, l'ouvrage béton réalisé par la société Eiffage construction était conforme aux stipulations contractuelles et la cause des travaux supplémentaires relève d'une faute de conception commise par l'équipe de maitrise d'oeuvre ; l'article 2.8.2 du CCTP est sans lien avec le litige ;

- subsidiairement, si le jugement devait être annulé, les sociétés Alluin et Mauduit, Arcora, Lucigny-Talhouet et associés, Socotec et Eiffage construction Pays de la Loire devraient être condamnées solidairement à réparer le préjudice subi ; l'équipe de maitrise d'oeuvre est fautive à raison de la conception défaillante des documents contractuels s'agissant de la planéité exigée et des promesses non tenues de la rémunérer pour les travaux supplémentaires imposés ; le contrôleur technique a commis une faute en n'identifiant pas l'erreur commise par la maitrise d'oeuvre dans les documents relatifs au défaut de planéité des sols ; la société Eiffage construction n'a pas tenu les promesses faites de prendre en charge les conséquences financières des travaux supplémentaires requis du fait de son action.

Par des mémoires enregistrés les 5 juin et 1er octobre 2019, la société Arcora, représentée par Me H..., conclut au rejet des conclusions dirigées contre elle par la société Lucas Laval, subsidiairement, s'il était fait droit à l'appel provoqué de la société Lucas Laval, à la condamnation des sociétés Alluin et Mauduit, Etco, Socotec, Eiffage construction Pays de la Loire et M. J... à la garantir de toute condamnation, et à ce que soit mis à la charge de la société Lucas Laval le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun élément du dossier ne permet d'apprécier son éventuelle responsabilité au regard du principe du contradictoire faute d'élément relatif au groupement de maitrise d'oeuvre ou de ses sous-traitants présents au dossier ; sa responsabilité ne peut être mise en oeuvre faute de démonstration de l'existence d'un groupement solidaire, alors qu'elle est intervenue comme sous-traitant et en l'absence de faute établie de sa part ; l'appel en garantie présenté par la société Socotec est dépourvu de fondement juridique et tout autre appel en garantie sera écarté.

Par un mémoire enregistré le 27 juin 2019, la société Alluin et Mauduit et la société Lucigny-Talhouet, représentées par Me A..., concluent au rejet des conclusions de la société Lucas Laval et à ce que soit mis à la charge de cette société le versement d'une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'appel principal sera rejeté pour les motifs exposés par la société Lucas Laval ;

- aucune faute ne peut leur être opposée : les travaux en litige étaient prévus au marché, et un comportement plus rigoureux de la société Lucas Laval aurait permis d'éviter la reprise ; le support livré par le titulaire du lot gros oeuvre n'était pas conforme au CCTP alors que la société Lucas Laval l'a accepté sans réserve et sans procéder à une réception en présence de l'entreprise titulaire du lot gros oeuvre et du maitre d'oeuvre ; il lui appartient d'établir une faute personnellement imputable aux parties qu'elle désigne ; elle ne peut se prévaloir de la solidarité prévue entre les membres du groupement ; en tout état de cause la société Lucigny-Talhouet en qualité de sous-traitante ne pourrait être concernée par cette solidarité.

Par un mémoire, enregistré le 16 juillet 2019, la société Eiffage construction Pays de la Loire, représentée par Me I..., conclut au rejet des conclusions de la société Lucas Laval et à ce que soit mise à la charge de cette société une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucune faute personnelle ne peut lui être opposée et n'est établie par la société Lucas Laval ; aucune promesse de la société Eiffage n'est établie s'agissant d'une prise en charge financière des travaux réalisés par ladite société ; la société Lucas Laval a commis des manquements dès lors qu'elle n'a pas procédé à la réception des supports comme prévu par le CCTC ; la réalisation du ragréage et la pose du revêtement de sol sont seuls à l'origine du défaut de planéité.

Par un mémoire enregistré le 23 juillet 2019, la société Socotec construction venant aux droits de la société Socotec France, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête du centre hospitalier du Haut Anjou, au rejet des conclusions de la société Lucas Laval, à la condamnation des sociétés Alluin et Mauduit, Arcora et Lucigny-Talhouet et associés à la garantir des condamnations qui viendraient à être prononcées contre elle et à ce que soit mise à la charge de la société Lucas Laval, ou à défaut du centre hospitalier du Haut Anjou ou des sociétés Alluin et Mauduit, Arcora, et Lucigny-Talhouet et associés une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le jugement a rejeté la requête du centre hospitalier du Haut Anjou ;

- les conclusions de la société Lucas Laval la concernant seront écartées alors qu'il n'existe aucun rapport entre la mission confiée à l'exposante, ou l'objet contrôlé et le litige en débat eu égard au décret n° 99-443 du 28 mai 1999 et notamment à son article 12 ; subsidiairement, si sa responsabilité devait être retenue, elle serait alors fondée à solliciter la condamnation des sociétés Alluin et Mauduit, Arcora, et Lucigny-Talhouet et associés, qui ne se sont pas assurées de la cohérence des pièces contractuelles, et une part de responsabilité serait laissée à la charge de la société Lucas Laval ; subsidiairement, si une indemnité était due elle ne pourrait correspondre qu'à son bénéfice en excluant la part soumise à l'impôt sur les sociétés.

Par ordonnance du 12 septembre 2019 la clôture d'instruction a été fixée au 3 octobre 2019.

Un mémoire, présenté pour la société Eiffage construction Pays de la Loire, a été enregistré le 10 octobre 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code du travail ;

- le code civil ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le décret n° 99-443 du 28 mai 1999 ;

- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me L..., représentant le centre hospitalier du Haut-Anjou, et de Me G... B..., représentant la société Lucas Laval.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 23 juillet 2004, le centre hospitalier du Haut Anjou a confié à la société Lucas Laval la réalisation du lot n° 12 " revêtements de sols et murs souples ", dans le cadre d'un marché public de travaux ayant pour objet la construction d'un plateau technique et d'hospitalisation et la restructuration de l'existant du centre hospitalier de Château-Gontier, devenu centre hospitalier du Haut Anjou. La maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée à un groupement solidaire composé des sociétés Alluin et Mauduit, architecte mandataire du groupement, ETCO et M. J... et une partie des missions de maîtrise d'oeuvre a été sous-traitée à la société Arcora, bureau d'études techniques structures, et à la société Lucigny-Talhouet, économiste de la construction. Le contrôle technique de l'opération a été confié à la société Socotec. Au cours des travaux, sont apparus des défauts de planéité et d'horizontalité des sols des blocs opératoires, réalisés par la société Eiffage construction Pays de Loire, titulaire du lot " gros oeuvre ", et recouverts par la société Lucas Laval, qui se sont révélés incompatibles avec les profils spécifiques nécessaires pour la mise en oeuvre des portes automatiques devant être installées par la société Babin James, titulaire du lot " menuiseries intérieures et extérieures bois " et qui devaient être parfaitement étanches à l'air. Ainsi, la société Lucas Laval a dû procéder, en 2008, à des travaux de reprise au droit de seize portes qui ont consisté en la dépose des revêtements, la réalisation d'un rabotage complémentaire du sol et son ragréage puis la repose des revêtements de sol. Les travaux ont été réceptionnés le 22 juin 2012, avec date d'effet au 1er mai 2012, et, le 6 août 2012, la société Lucas Laval a adressé au maître d'oeuvre son projet de décompte final intégrant une rémunération complémentaire pour ces travaux de reprise des sols d'un montant de 25 211,36 euros HT, soit 30 152,79 euros TTC. Le 27 septembre suivant, la société Lucas Laval a reçu un ordre de service portant notification du décompte général du marché qui ne reprenait pas la somme sollicitée au titre des travaux de reprise et s'élevait à un montant de 1 216 620,13 euros. Par un courrier du 6 novembre 2012, la société Lucas Laval a informé le maître d'oeuvre de son refus de signer ce décompte général et lui a adressé un mémoire en réclamation, reçu le 17 novembre suivant, qui a été rejeté par un courrier du 8 janvier 2013, notifié le lendemain. Le 22 janvier 2015, le comité consultatif interrégional de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics a émis un avis favorable au versement, par le centre hospitalier, d'une somme de 15 000 euros HT à la société. Cet avis étant resté sans suite, la société Lucas Laval a demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal, d'arrêter le montant total du marché à la somme de 1 264 062,54 euros TTC, de fixer le solde du décompte général et définitif du marché à la somme de 55 414,12 euros TTC, et de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 47 442,41 euros au titre du solde du marché, assortie des intérêts moratoires au taux légal augmenté de deux points à compter du 26 septembre 2012, avec capitalisation de ces intérêts. A titre subsidiaire, elle demandait de condamner solidairement les sociétés Alluin et Mauduit, Arcora, Lucigny-Talhouet et associés, Socotec et Eiffage construction Pays de Loire à lui verser la somme de 40 842,40 euros en réparation de son préjudice, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation. Par un jugement du 29 décembre 2017, dont il est relevé appel par le centre hospitalier du Haut Anjou, le tribunal a condamné ce dernier à verser à la société Lucas Laval la somme de 34 735,89 euros assortie des intérêts au taux légal augmenté de deux points à compter du 7 janvier 2013 et de la capitalisation de ces intérêts à la date du 20 juillet 2015 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le défaut de production d'un mémoire en défense par le centre hospitalier du Haut Anjou devant le tribunal administratif ne pouvait entraîner la condamnation dudit centre hospitalier au paiement des sommes réclamées par la société Lucas Laval sans un examen de la pertinence des moyens invoqués par la requérante et de sa demande pécuniaire en résultant. En déduisant du seul constat de l'absence de défense du centre hospitalier qu'il devait " être regardé comme ayant renoncé à se prévaloir de ce contrat qui le lie à la société Lucas Laval ; qu'il est, dès lors, redevable du montant (...) " pour fonder la condamnation de l'établissement, le tribunal administratif de Nantes a entaché son jugement d'irrégularité. Celui-ci doit, par suite, être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande du centre hospitalier du Haut Anjou.

Sur le droit à rémunération des travaux supplémentaires :

4. Il résulte de l'article 3.14 " réception de supports " du cahier des clauses techniques communes que " Avant commencement de ses travaux et, dans tous les cas, chaque entrepreneur est tenu de procéder à la réception des supports qui lui seront livrés. Cette réception est effectuée par lui et l'entrepreneur du lot livrant les supports. Si la qualité du support n'est pas conforme aux stipulations des documents contractuels du marché, et en particulier à celles du CCTP, il appartiendra à l'Entrepreneur de le signaler à la Maîtrise d'Œuvre. Celle-ci décidera des mesures à prendre. Les suppléments nécessaires qui résulteraient de la mauvaise exécution des supports seront à la charge exclusive de l'Entreprise ayant réalisé le support. (...) L'exécution des travaux sans réserve écrite implique ipso facto l'acceptation des supports et aucune réclamation ne pourra être formulée à ce titre par la suite. ".

5. Dans un marché à prix forfaitaire, le cocontractant de l'administration a droit au paiement, par le maître d'ouvrage, des prestations supplémentaires qui lui ont été réclamées par ordre de service ainsi qu'à l'indemnisation de travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service, à la condition toutefois qu'ils soient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

6. Il résulte de l'instruction qu'en 2008, après la pose des revêtements des sols par la société Lucas Laval, il a été constaté que les sols supports de ces revêtements étaient incompatibles avec le bon fonctionnement des portes automatiques des blocs opératoires, notamment en ce qu'il restait un espace nuisant au quasi-hermétisme à l'air exigé pour ces locaux. En conséquence, après avoir achevé l'exécution de son propre marché, la société Lucas Laval a dû procéder à la dépose des revêtements, au rabotage des sols, à des opérations de ragréage et de repose au droit de 16 des 29 portes installées. Elle a immédiatement après demandé à être payée pour ces prestations, ce qui lui a été refusé, y compris lors de la présentation du décompte général le 27 septembre 2012.

7. D'une part, ces travaux s'analysent comme des travaux supplémentaires dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, en particulier du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot " revêtements de sols et murs souples ", qu'une telle spécification tenant à l'hermétisme des blocs opératoires au droit des portes, nécessaire à leur stérilisation, ait été prescrite préalablement à l'entreprise attributaire, et que les défauts de planéité auxquels il s'est agi de remédier provenaient d'une mauvaise exécution du lot gros oeuvre et non d'une défaillance de la société Lucas Laval dans l'exécution de son propre lot. D'autre part, de tels travaux étaient bien indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art eu égard à l'impossibilité constatée de faire fonctionner correctement les portes en cause avant les opérations de reprise des sols comportant dépose et repose des revêtements. Enfin, si le centre hospitalier se prévaut de l'article 3.14 précité du CCTC il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de la société Lucas Laval à la réception des supports livrés par l'entreprise de gros oeuvre qui a livré les sols aurait eu une incidence sur le présent litige.

8. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier du Haut Anjou est bien redevable auprès de la société Lucas Laval du montant non contesté de 25 211,36 euros HT, soit 30 253,63 euros TTC.

Sur les intérêts moratoires dus avant la notification du décompte général :

9. La société Lucas Laval sollicite le versement des intérêts moratoires dus sur la somme précitée avant la notification du décompte général. Aux termes de l'article 3.3.7 du cahier des clauses administratives particulières : " Le délai global de paiement des avances, acomptes, solde et indemnités est fixé à 50 jours. Le défaut de paiement dans ce délai fait courir de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire et des sous-traitants payés directement. Le taux des intérêts moratoires est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir augmenté de deux points : - le point de départ du délai global de paiement des acomptes est la plus tardive de ces deux dates : (...) Soit la date de réception par le maître d'oeuvre du projet de décompte établi par l'entrepreneur. - Le point de départ du délai global de paiement du solde est la date d'acceptation du décompte général et définitif par le titulaire. Il est (...) fait application de l'article 96 du code des marchés publics. (...) ". Il résulte de ces stipulations que, dans le cas où il tarde à payer le montant d'un acompte dû, le maître d'ouvrage est redevable à l'entrepreneur d'intérêts moratoires qui courent à compter de l'expiration d'un délai de 50 jours à compter de la réception du projet de décompte, et dont le taux correspond au taux de l'intérêt légal en vigueur à la date de réception de la demande majoré de deux points. Il résulte de l'instruction que la société Lucas Laval a notifié au maître d'oeuvre, le 16 septembre 2008, son projet de décompte mensuel n° 14 intégrant la somme due au titre des travaux supplémentaires pour un montant de 30 152,79 euros TTC. En vertu des stipulations précitées, la société est fondée à demander que ce montant soit assorti des intérêts moratoires correspondant à l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points, à compter du 6 novembre 2008 et jusqu'au 6 août 2012, date de notification de son décompte final. Ces intérêts n'ayant pas été ajoutés aux sommes dues par le maître de l'ouvrage au moment de l'établissement du décompte général, ils restent dus. La société Lucas Laval est, par suite, fondée à demander que les intérêts moratoires sur cette somme de 30 152,79 euros TTC, soit la somme de 4 482,26 euros qu'elle demande, soit également portée à son crédit au décompte général définitif.

10. La société Lucas Laval demande, en outre, à être indemnisée d'une somme de 12 706,52 euros TTC au titre du préjudice fiscal résultant de ce que le paiement différé des indemnités mentionnées aux points 4 et 5 constituera un produit exceptionnel auquel sera appliqué, pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés, un taux d'imposition majoré de 35%. Toutefois, un tel préjudice est dépourvu de tout lien avec le présent litige dès lors, d'une part, que la société Lucas Laval était, en tout état de cause, redevable de l'impôt sur les sociétés du chef de ces prestations supplémentaires, et d'autre part, que cet impôt n'est assis que sur le bénéfice y afférent.

11. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier du Haut-Anjou à verser à la société requérante la somme de 34 735,89 euros.

Sur les intérêts moratoires dus sur le solde du marché et leur capitalisation :

12. Aux termes de l'article 96 du code des marchés publics, auquel renvoie l'article 3.3.7 précité du CCAP du marché en litige : " Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai. / Un décret précise les modalités d'application du présent article ". Le décret du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics, qui a été pris pour l'application de l'article 96 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors applicable, prévoit, à son article 1err, que les documents contractuels peuvent prévoir des délais de paiement spécifiques dans la limite du délai global maximum de paiement dans les marchés publics, dans les conditions définies par le décret du 7 mars 2001 portant code des marchés publics. L'article 5 du décret du 21 février 2002 dispose que le taux des intérêts moratoires est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points.

13. En vertu de l'article 3.3.7 précité du CCAP du marché en litige, le défaut de paiement, dans un délai de cinquante jours, des sommes dues par le maître d'ouvrage fait courir de plein droit les intérêts moratoires fixés conformément aux dispositions réglementaires. Il résulte de l'instruction que le centre hospitalier du Haut Anjou a reçu notification du mémoire en réclamation de la société Lucas Laval le 17 novembre 2012. Aussi le délai global de paiement expirant le 6 janvier 2013, la société Lucas Laval est fondée à demander le paiement des intérêts au taux légal augmenté de deux points sur la somme de 34 735,89 euros TTC à compter du 7 janvier 2013.

14. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. La société Lucas Laval a demandé la capitalisation des intérêts moratoires dans sa requête enregistrée au tribunal le 20 juillet 2015 et, à cette date, les intérêts étaient dus pour une année entière. Il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande à la date du 20 juillet 2015 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier du Haut Anjou à verser à la société Lucas Laval les intérêts moratoires dus sur la somme de 34 735,89 euros TTC à compter du 7 janvier 2013, capitalisés à compter du 20 juillet 2015, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les appels en garantie des sociétés Arcora et Socotec construction :

16. Aucune condamnation n'ayant été prononcée à l'encontre des sociétés Arcora et Socotec par le présent arrêt, leurs appels en garantie formés respectivement à l'encontre, d'une part, des sociétés Alluin et Mauduit, Etco, M. J..., Socotec et Eiffage construction Pays de Loire, et, d'autre part, des sociétés Alluin et Mauduit, Arcora et Lucigny-Talhouet et associés doivent être rejetés.

Sur les frais du litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux demandes du centre hospitalier du Haut Anjou, des sociétés Socotec construction, Alluin et Mauduit, Lucigny-Talhouet et associés, Arcora et Eiffage construction Pays de Loire tendant à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Lucas Laval, qui n'est pas partie perdante à la présente instance. Il en est de même, pour le même motif, des conclusions subsidiaires présentées sur le même fondement par la société Socotec à l'encontre des sociétés Alluin et Mauduit, Lucigny-Talhouet et associés et Arcora.

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier du Haut Anjou une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés tant par la société Lucas Laval que par la société Socotec construction et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 décembre 2017 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier du Haut Anjou est condamné à verser à la société Lucas Laval la somme de 34 735,89 euros, assortie des intérêts au taux légal augmentés de deux points à compter du 7 janvier 2013. Ces intérêts seront capitalisés à compter du 20 juillet 2015 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le centre hospitalier du Haut Anjou versera respectivement à la société Lucas Laval et à la société Socotec construction une somme de 1500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié au centre hospitalier du Haut-Anjou, à la société Lucas Laval, à la société Alluin et Mauduit, à la société Arcora, à la société Lucigny-Talhouet, à la société Socotec construction et à la société Eiffage construction.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Lainé, président,

M. C..., président assesseur,

Mme K..., première conseillère.

Lu en audience publique le 29 novembre 2019.

Le rapporteur,

C. C...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

M. F...

La République mande et ordonne au préfet de la Mayenne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00681


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00681
Date de la décision : 29/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SCP AVOCATS CONSEILS REUNIS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-29;18nt00681 ?
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