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26/11/2019 | FRANCE | N°18NT04539

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 26 novembre 2019, 18NT04539


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 22 mai 2014 par lequel le maire de Saint-Renan a délivré à M. A... un permis de construire portant sur la modification de l'aspect extérieur et le changement de destination d'un bâtiment situé sur la parcelle cadastrée à la section BN sous le n°152.

Par un jugement n° 1403342 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Par

un arrêt n° 17NT00747 du 18 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a reje...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 22 mai 2014 par lequel le maire de Saint-Renan a délivré à M. A... un permis de construire portant sur la modification de l'aspect extérieur et le changement de destination d'un bâtiment situé sur la parcelle cadastrée à la section BN sous le n°152.

Par un jugement n° 1403342 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17NT00747 du 18 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par le conseil régional de l'ordre des architectes contre ce jugement.

Par une décision n° 418298 du 17 décembre 2018, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes, qui porte désormais le n° 18NT04539.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 février, 3 avril, 24 novembre 2017 et 26 juin 2019, le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne, représenté par la SCP Matuchansky-Poupot-Valdelièvre, avocats au Conseil d'Etat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 30 décembre 2016 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 mai 2014 du maire de Saint-Renan ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Renan et de M. A... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a insuffisamment motivé sa décision ;

- il n'a pas répondu à l'argumentation selon laquelle le conseil régional devait, pour l'application de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, être assimilé à l'Etat ; il n'a pas davantage répondu à son moyen tiré de ce que la jurisprudence reconnait que les groupements professionnels justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre les décisions individuelles concernant leurs membres lorsque ces derniers, pris individuellement ne justifient pas d'un tel intérêt :

- il dispose d'un intérêt à agir en ce qu'il a pour objet social la défense de la profession d'architecte et du respect de l'obligation de recourir à un architecte ;

- il résulte des dispositions combinées de l'article L. 431-1 du code de l'urbanisme et des articles 3 et 23-1 de la loi sur l'architecture du 3 janvier 1977 que l'autorité d'urbanisme compétente ne peut faire droit à une demande de permis de construire si le pétitionnaire n'a pas fait appel à un architecte pour l'établissement du projet architectural ; cette autorité doit refuser le permis de construire lorsque, au moment où elle statue, les éléments et informations dont elle dispose sont de nature à établir de façon manifeste que l'architecte n'a pas réalisé personnellement le projet architectural, mais simplement apposé une signature de complaisance, en méconnaissance de l'article 5 du code de déontologie des architectes ; en cas de doute suffisamment sérieux, l'autorité doit lever ce doute, au besoin en sollicitant l'avis du conseil régional de l'ordre des architectes ; en l'espèce, l'architecte signataire du projet architectural du second dossier de permis de construire n'a pas participé à l'élaboration du projet, en méconnaissance des prescriptions des articles L. 431-1 et R. 431-1 et suivants du code de l'urbanisme ;

- le pétitionnaire en faisant apposer sur son second dossier de demande la signature et le cachet d'un architecte, a tenté de fausser l'appréciation du service instructeur sur la validité de sa demande et s'est ainsi livré à des manoeuvres frauduleuses pour obtenir le permis de construire sollicité.

Par des mémoires en défense enregistrés les 3 novembre 2017 et 28 mars 2019, la commune de Saint-Renan, représentée par la Selarl Le Roy-G...-Prieur, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- les moyens soulevés par le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne ne sont pas fondés.

En application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 23 juillet 2019.

Un mémoire, enregistré le 7 août 2019, présenté pour la commune de Saint-Renan n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., pour la commune de Saint-Renan.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande du conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2014 par lequel le maire de Saint-Renan a délivré à M. A... un permis de construire portant sur la modification de l'aspect extérieur et le changement de destination d'un bâtiment sur la parcelle cadastrée à la section BN sous le n°152, située 22, rue Saint-Yves à Saint-Renan. Ce jugement a été confirmé en appel par un arrêt du 18 décembre 2017 de la cour. Le Conseil d'État, statuant au contentieux, a, par une décision du 17 décembre 2018, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 431-1 du code de l'urbanisme : " Conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, la demande de permis de construire ne peut être instruite que si la personne qui désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation a fait appel à un architecte pour établir le projet architectural faisant 1'objet de la demande de permis de construire". L'article 3 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture dispose que : " Quiconque désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation de construire doit faire appel à un architecte pour établir le projet architectural faisant 1'objet de la demande de permis de construire (...) ". L'article 26 de cette loi, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, dispose que : " Le conseil national et le conseil régional de l'ordre des architectes (...) ont qualité pour agir en justice en vue notamment de la protection du titre d'architecte et du respect des droits conférés et des obligations imposées aux architectes par les lois et règlements. En particulier, ils ont qualité pour agir sur toute question relative aux modalités d'exercice de la profession ainsi que pour assurer le respect de 1'obligation de recourir à un architecte ". Cette disposition, qui prévoit que le conseil national et les conseils régionaux de l'ordre des architectes ont qualité pour agir contre un permis de construire délivré en méconnaissance de l'obligation de recourir à un architecte résultant de la loi déroge à la règle générale posée par l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme relative à l'intérêt pour agir contre une autorisation d'urbanisme. Par suite, le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne, qui contestait le permis de construire accordé par le maire de Saint-Renan en se prévalant de ce que le demandeur n'avait pas fait appel à un architecte en méconnaissance des exigences rappelées ci-dessus, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à ce titre.

3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité du jugement qu'il invoque, que le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté comme irrecevable sa demande au motif qu'il était dépourvu d'intérêt à agir à l'encontre du permis de construire du 22 mai 2014. Par suite, ce jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne devant le tribunal administratif de Rennes.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 22 mai 2014 du maire de Saint-Renan délivrant à M. A... un permis de construire :

5. Aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural définit, par des plans et documents écrits, l'implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l'expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. / Il précise, par des documents graphiques ou photographiques, l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des bâtiments ainsi que le traitement de leurs accès et de leurs abords. ". Aux termes de R. 431-1 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le projet architectural prévu à l'article L. 431-2 doit être établi par un architecte. ". Aux termes de l'article R. 431-2 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Conformément à l'article 1er du décret n° 77-190 du 3 mars 1977, ne sont toutefois pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques ou les exploitations agricoles à responsabilité limitée à associé unique qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes : a) Une construction à usage autre qu'agricole dont à la fois la surface de plancher et l'emprise au sol, au sens de l'article R. 420-1, de la partie de la construction constitutive de surface de plancher n'excèdent pas cent soixante-dix mètres carrés ; (...) / La demande précise que le demandeur et, le cas échéant, l'architecte, ont connaissance de l'existence de règles générales de construction prévues par le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l'habitation et notamment, lorsque la construction y est soumise, des règles d'accessibilité fixées en application de l'article L. 111-7 de ce code et de l'obligation de respecter ces règles.(...)". Aux termes de l'article R. 431-5 de ce code : " La demande de permis de construire précise : a) L'identité du ou des demandeurs ; b) L'identité de l'architecte auteur du projet, sauf dans les cas prévus à l'article R. 431-2 (...) ".

6. Par un arrêté du 12 février 2014, le maire de de Saint-Renan a délivré à M. A... un permis de construire portant sur la modification de l'aspect extérieur et le changement de destination d'une partie d'un immeuble édifié sur la parcelle cadastrée BN 152, d'une surface totale de 240 m2. Par un arrêté du 9 mai 2014, pris à la demande du préfet du Finistère, le maire a retiré ce permis de construire au motif que le pétitionnaire avait méconnu l'obligation, prescrite par les dispositions précitées de l'article R. 431-2 du code de l'urbanisme, de recourir à un architecte pour établir son projet architectural. M. A... a déposé, le 4 avril suivant, une nouvelle demande de permis de construire. Par l'arrêté du 22 mai 2014, le maire de Saint-Renan a délivré à M. A... le permis de construire attaqué.

7. Il ressort des pièces du dossier que la rubrique 5-1 " Architecte " de la seconde demande de permis de construire, déposée le 4 avril 2014, par M. A... a été complétée et signée par M. F... D..., architecte DPLG, et comporte le cachet de cet architecte. Elle porte également la mention, prescrite par les dispositions de l'article R. 431-2 du code de l'urbanisme, selon laquelle l'architecte a pris connaissance de l'existence de règles générales de construction prévues par le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l'habitation et notamment, lorsque la construction y est soumise, des règles d'accessibilité fixées en application de l'article L. 111-7 de ce code et de l'obligation de respecter ces règles. Il ressort, également, du dossier joint à la demande de permis de construire que ce dossier, qui porte la date du mois de mars 2014, a modifié le dossier initial de demande de permis en ce qu'il est désormais établi pour M. A..., par M. D..., ainsi qu'il est mentionné à la première page du dossier, au lieu du bureau d'études de M. C... qui avait réalisé le dossier initial. S'il comporte les mêmes plans et pièces que ce dossier, ceux-ci ont tous été complétés par l'apposition de la signature de l'architecte. Aucun élément versé au dossier ne permet d'établir que cet architecte n'aurait pas procédé à l'examen du projet de M. A... et qu'il ne se le serait pas approprié, la seule circonstance que le dossier de demande, déposé à titre de régularisation pour des travaux déjà exécutés, porte sur le même projet ne suffisant pas faire regarder l'architecte comme ayant nécessairement apposé une signature de complaisance. En outre, contrairement à ce qui est soutenu, les termes dans laquelle est rédigée la lettre du 4 avril 2014, qui se borne à informer le service territorial de l'architecture et du patrimoine de ce que la demande de permis de construire qui lui est soumise est identique à celle qu'il a précédemment examinée le 17 décembre 2013 et que la réponse du service peut, de ce fait, intervenir " dans les meilleurs délais ", ne sauraient être interprétés comme signifiant que le maire aurait soupçonné que le nouveau dossier de demande " a été signé de manière complaisante par un architecte ". Par suite, les moyens tirés de ce que le permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 431-1 et R. 431-1 et suivants du code de l'urbanisme et de ce qu'en faisant apposer sur son second dossier de demande la signature et le cachet d'un architecte, M. A... se serait livré à des manoeuvres frauduleuses pour obtenir le permis de construire doivent être écartés. Enfin, le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne ne peut utilement invoquer les dispositions du code de déontologie des architectes à l'encontre d'un permis de construire ni celles, dont l'édiction est postérieure à la décision attaquée, de l'article L. 23-1 de la loi du 3 janvier 1977 modifiée sur l'architecture, qui sont issues de l'article 85 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2014 du maire de Saint-Renan délivrant un permis de construire à M. A....

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Renan et de M. A..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement au conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne le versement à la commune de Saint-Renan de la somme que celle-ci demande au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 30 décembre 2016 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne devant le tribunal administratif de Rennes et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Saint-Renan tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au conseil régional de l'ordre des architectes de Bretagne, à la commune de Saint-Renan et à M. E... A....

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme B..., présidente-assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.

Le rapporteur,

C. B...

Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT04359


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04539
Date de la décision : 26/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY POUPOT VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-11-26;18nt04539 ?
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