Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 mars 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 1606013 du 10 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 novembre 2018 et 14 mars 2019, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E... G... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;
- la décision litigieuse n'est entachée ni d'une erreur de fait, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, ni d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2019, M. E... G..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Mme C..., pour le ministre de l'intérieur, et de M. G....
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 10 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. G..., la décision du 15 mars 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de la décision du 15 mars 2016 du ministre de l'intérieur:
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant, ainsi que son assimilation dans la société française.
3. Pour rejeter la demande de naturalisation présentée par M. G..., le ministre s'est fondé sur le défaut de loyalisme de l'intéressé envers la France et ses institutions. Pour justifier cette appréciation, le ministre se prévaut, notamment, d'une note du 10 novembre 2015 émanant de la direction générale de la sécurité du ministère de l'intérieur, selon laquelle, d'une part, M. G... a occupé les fonctions de président de l'Union générale des étudiants palestiniens, en 2007, de chargé des relations internes de cette association, en 2008 et en 2009, et de secrétaire de l'association " Palestinian Youth Movement ", en 2013, qui est affiliée au Front populaire pour la libération de la Palestine et revendique la résistance contre l'Etat d'Israël et, d'autre part, l'intéressé a reconnu, lors de l'entretien qui a eu lieu dans le cadre de sa demande de naturalisation, ses liens directs avec des personnes prônant la résistance armée et soutenant la cause du Hamas palestinien.
4. M. G... ne conteste pas qu'il a occupé, entre 2007 et 2009, les postes de responsable des relations internes puis de secrétaire général, au sein de l'Union générale des étudiants palestiniens, avant d'être élu président de cette association au cours de l'année universitaire 2009/2010, ni qu'il était jusqu'en 2013, le secrétaire de l'association Palestinian Youth Movement. S'il soutient, en revanche, avoir cessé d'appartenir à cette association, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations alors que le ministre fait valoir, dans ses dernières écritures auxquelles l'intéressé n'a pas répliqué, qu'il a participé, en avril 2014, en tant qu'organisateur et membre de cette association, à un séminaire qui s'est tenu à l'Institut d'études politiques de Paris au cours duquel il a " prôné un discours ultra violent à l'encontre de la politique du président de l'Autorité palestinienne et de l'Etat d'Israël ". Enfin, il n'apporte pas davantage d'éléments de nature à contredire les énonciations réitérées des notes de la direction générale de la sécurité du ministère de l'intérieur selon lesquelles cette association est affiliée au Front populaire pour la libération de la Palestine qui est inscrit sur la liste européenne des organisations terroristes. La circonstance que ces associations ont été régulièrement déclarées et ne sont pas dissoutes est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse. Dans, ces conditions, cette décision, dont les quelques erreurs de dates qu'elle comporte doivent être regardées comme des erreurs purement matérielles, n'est pas entachée d'erreurs de fait. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler la décision du 15 mars 2016, sur ce que le ministre avait commis de telles erreurs.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G... devant le tribunal administratif de Nantes.
6. D'une part, la décision contestée a été signée par M. B... D...,
sous-directeur de l'accès à la nationalité française, nommé par arrêté du 29 juillet 2013 publié le 31 juillet suivant au Journal officiel de la République française. Ce dernier bénéficie, en cette qualité, en vertu des dispositions de l'article 1er du décret susvisé du 27 juillet 2005, d'une délégation de signature l'autorisant notamment à signer, au nom du ministre de l'intérieur, les décisions de rejet de demande de naturalisation. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit, dès lors, être écarté.
7. D'autre part, compte tenu des faits énoncés au point 4, le ministre a pu, par la décision contestée, rejeter, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation de l'opportunité dont il dispose pour accorder la nationalité française ou la refuser, la demande de naturalisation présentée par M. G... pour le motif mentionné au point 3 de défaut de loyalisme de l'intéressé envers la France et ses institutions.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de procéder à la demande de substitution de motifs qu'il demande, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 15 mars 2016 rejetant la demande de naturalisation présentée par M. G....
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. G... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 10 octobre 2018 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande de M. G... présentée devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. G... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... G....
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme A..., présidente-assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 novembre 2019.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT04125