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11/10/2019 | FRANCE | N°19NT00970

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 11 octobre 2019, 19NT00970


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision, du 28 décembre 2018, par laquelle le préfet de Maine-et-Loire l'a assignée à résidence dans le département de la Sarthe.

Par un jugement n° 1901544 du 18 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2019, Mme C... E..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°

1901544 du 18 février 2019, par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision, du 28 décembre 2018, par laquelle le préfet de Maine-et-Loire l'a assignée à résidence dans le département de la Sarthe.

Par un jugement n° 1901544 du 18 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2019, Mme C... E..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901544 du 18 février 2019, par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 décembre 2018 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son assignation à résidence dans le département de la Sarthe ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de trois mille euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la motivation du jugement du tribunal administratif est inexistante et inadaptée en méconnaissance de l'obligation de motivation résultant de l'article L. 9 du code de justice administrative, de la règle générale de procédure qui s'impose à toutes les juridictions et des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le juge du premier degré a estimé être saisi d'une requête en annulation de l'arrêté de transfert alors qu'il était saisi d'une requête en annulation de l'arrêté d'assignation à résidence ;

- le jugement n'a pas répondu aux moyens qu'elle avait soulevés ;

- la décision d'obligation de présentation périodique auprès des services de polices ou des unités de gendarmerie porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- la décision d'assignation à résidence méconnait l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2019, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête de Mme E... présentée devant le tribunal administratif de Nantes et dirigée contre l'arrêté portant assignation à résidence est irrecevable ; la requête dirigée contre l'arrêté de transfert, introduite le 25 février 2019, alors que l'arrêté avait été notifié le 11 février 2019, est tardive ; en conséquence, la requête dirigée contre l'assignation à résidence est également irrecevable ;

- les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme G..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... E..., ressortissante angolaise née en juillet 1974, est entrée en France, selon ses déclarations, en octobre 2018. Elle a déposé, dans ce pays, une demande d'asile qui a été enregistrée le 3 décembre 2018. Par une décision du 28 décembre 2018, le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile. Par une seconde décision du même jour, le préfet a prononcé son assignation à résidence dans le département de la Sarthe. Mme E... relève appel du jugement du 18 février 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 décembre 2018 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire l'a assignée à résidence dans le département de la Sarthe.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que la demande de Mme E... devant le tribunal administratif de Nantes, dans la requête n° 1901544 tendait uniquement à l'annulation de la décision du 28 décembre 2018 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire avait prononcé son assignation à résidence dans le département de la Sarthe. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a regardé la demande de Mme E... comme tendant à l'annulation de la décision du même jour prononçant le transfert de l'intéressée auprès des autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile. Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 février 2019 doit, dès lors, être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité de l'assignation à résidence :

4. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. -L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) / 1° bis. Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) ".

5. En premier lieu, Mme D... A..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers à la préfecture de Maine-et-Loire, bénéficie d'une délégation de signature du préfet en date du 4 décembre 2018, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs spécial n° 87 du 7 décembre 2018, pour signer " (...) j) Les décisions d'application du règlement Dublin III (arrêtés de transfert, assignations à résidence) (...) ". Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée d'assignation à résidence manque en fait et doit être écarté.

6. En deuxième lieu, la décision du 28 décembre 2018 assignant Mme E... à résidence dans le département de la Sarthe comporte l'exposé des considérations de fait et de droit qui la fondent. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 561-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision manque en fait et doit être écarté.

7. En dernier lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule que " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

8. S'il ressort des pièces du dossier que la fille ainée de Mme E..., Victoria Tekadiomona Mvemba, née en septembre 2015, fréquente la classe de petite section de maternelle depuis le mois de janvier 2019, la seule circonstance que la décision contestée d'assignation à résidence oblige, dans son article 3, sa mère à se présenter, en sa compagnie, tous les lundis, mercredis et vendredis, à huit heures du matin au commissariat de police du Mans, dès lors qu'il n'est pas établi que cette contrainte s'opposerait à la scolarisation de la petite fille, ne permet pas de considérer que les conditions de l'assignation à résidence de Mme E... porteraient une atteinte excessive au droit de l'intéressée à une vie privée et familiale ou méconnaîtraient l'intérêt supérieur de ses enfants. Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du préfet de Maine-et-Loire du 28 décembre 2018 portant assignation à résidence dans le département de la Sarthe. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être également rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901544 du tribunal administratif de Nantes du 18 février 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., à Me F... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique le 11 octobre 2019.

La rapporteure,

M. G...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00970
Date de la décision : 11/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : LEBUGHE-MANGAI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-11;19nt00970 ?
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