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11/10/2019 | FRANCE | N°19NT00598

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 11 octobre 2019, 19NT00598


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, la décision du 24 septembre 2018 par laquelle le préfet de la Sarthe a prononcé sa réadmission vers la Pologne pour l'examen de sa demande d'asile, et d'autre part, la décision du 24 septembre 2018 par laquelle le préfet de la Sarthe a prononcé son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1810391 du 9 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :


Par une requête, enregistrée le 10 février 2019, M. C... D..., représenté par Me E... B....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, la décision du 24 septembre 2018 par laquelle le préfet de la Sarthe a prononcé sa réadmission vers la Pologne pour l'examen de sa demande d'asile, et d'autre part, la décision du 24 septembre 2018 par laquelle le préfet de la Sarthe a prononcé son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1810391 du 9 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2019, M. C... D..., représenté par Me E... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1810391 du 9 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 24 septembre 2018 par laquelle le préfet de la Sarthe a prononcé sa réadmission vers la Pologne pour l'examen de sa demande d'asile et contre la décision du 24 septembre 2018 par laquelle le préfet de la Sarthe a prononcé son assignation à résidence ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, d'une part, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois dans un délai de huit jours, et d'autre part, de transmettre sa demande d'asile pour examen à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille huit cents euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

. en ce qui concerne la décision de remise aux autorités polonaises :

- les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues en ce qui concerne l'entretien ; le tribunal administratif de Nantes a inversé la charge de la preuve pour écarter ce moyen ; les conditions de l'entretien établissent qu'il n'a pas été mené par un agent qualifié, alors qu'aucune information sur la personne qui a mené l'entretien n'est donnée ;

- les dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il souffre de problèmes de santé pour lesquels un suivi a débuté en France ; il ne maitrise pas le polonais, à la différence de la langue française ;

. en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de remise aux autorités polonaises.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2019, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du14 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., ressortissant congolais (République du Congo) né en janvier 1979, est entré en France, selon ses déclarations, en avril 2018. Il a déposé, en France, le 29 juin 2018, une demande d'asile. Par une décision du 24 septembre 2018, le préfet de la Sarthe a prononcé son transfert vers les autorités polonaises pour l'examen de sa demande d'asile. Par une décision du même jour, le préfet de la Sarthe a également prononcé son assignation à résidence dans la ville du Mans. M. D... relève appel du jugement du 9 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 septembre 2018 portant transfert aux autorités polonaises et assignation à résidence.

Sur la régularité du jugement :

2. Lorsque le tribunal administratif a simplement commis une erreur de droit, cette erreur n'entraîne pas l'irrégularité du jugement mais justifie seulement la censure du motif erroné du jugement par la cour dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Ainsi, à supposer que les premiers juges aient commis une erreur de droit en inversant la charge de la preuve, cette circonstance est sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'arrêté du 24 septembre 2018 portant transfert aux autorités polonaises :

3. En premier lieu, l'article 5 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose que " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type (...) ".

4. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu de l'entretien qui a été mené le 29 juin 2018 au sein de la préfecture de Maine-et-Loire, que l'identité de l'agent ayant conduit cet entretien est connue, l'agent, secrétaire administratif, ayant apposé son nom, son prénom et sa qualité auprès de sa signature sur le compte-rendu. Il ressort également des pièces du dossier que par un arrêté publié au recueil spécial des actes administratifs n° 18 du 28 février 2018, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation de signature à cet agent affecté au bureau de l'asile, pour prendre un certain nombre d'actes et notamment pour mener les entretiens dans le cadre de la procédure dite " Dublin ". Enfin, la circonstance, à la supposer établie, que l'entretien n'aurait duré qu'une quinzaine de minutes ne suffit pas démontrer qu'il ne se serait pas tenu dans des conditions conformes aux exigences de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. Dès lors, le moyen tiré de la violation de ces dispositions doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ". Si la mise en oeuvre, par les autorités françaises, des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 doit être assurée à la lumière des exigences définies par les dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, en vertu desquelles les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif, la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

6. M. D... fait état de la circonstance qu'il ne parlerait pas le polonais et de la circonstance qu'il souffre de problèmes de santé, dermatologiques, oculaires et surtout d'une gastrite chronique antrale sévère à la suite d'une infection bactérienne. S'il ressort effectivement des pièces du dossier que quelques jours avant la décision contestée, une fibroscopie a montré une telle infection, cet examen n'a montré aucun signe de malignité ni de dysplasie et, postérieurement à la décision contestée, un traitement éradicateur de la bactérie a été mis en place. Dès lors, M. D... n'établit par aucune pièce versée au dossier que son transfert aux autorités polonaises chargées d'examiner sa demande d'asile l'exposerait, à raison de l'absence de continuation des soins appropriés, à un risque avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé. Enfin, la circonstance que M. D... était en attente d'un examen de fibroscopie, programmé en janvier 2019, en raison des troubles gastriques dont il souffre ne permet pas de considérer que le préfet de la Sarthe a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en oeuvre la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 6 du présent arrêt que le moyen, soulevé à l'encontre de l'arrêté du 24 septembre 2018 portant assignation à résidence de M. D... et tiré de l'illégalité de l'arrêté du même jour portant transfert auprès des autorités polonaises, n'est pas fondé et doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 septembre 2018 portant transfert auprès des autorités polonaises et assignation à résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction, présentées pour le compte de M. D..., doivent donc être rejetées.

Sur les frais du litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande en application de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Me E... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique le 11 octobre 2019.

La rapporteure,

M. F...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°19NT00598 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00598
Date de la décision : 11/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-11;19nt00598 ?
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