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04/10/2019 | FRANCE | N°18NT03994

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 04 octobre 2019, 18NT03994


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 mai 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision prise par les autorités consulaires françaises à Bangui (République centrafricaine) refusant de délivrer un visa de long séjour aux enfants J... F... et Noël Exaussé L... F....

Par un jugement n° 1706254 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Nante

s a annulé la décision du 19 mai 2017 de la commission de recours et a enjoint au mi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 mai 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision prise par les autorités consulaires françaises à Bangui (République centrafricaine) refusant de délivrer un visa de long séjour aux enfants J... F... et Noël Exaussé L... F....

Par un jugement n° 1706254 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 19 mai 2017 de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 septembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E... F... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- les premiers juges ont commis des erreurs de fait, de droit et d'appréciation quant aux documents d'état civil, les actes d'état civil présentés pour justifier du lien de filiation avec les demandeurs de visa présentant un caractère " très manifestement frauduleux " ;

- l'acte de naissance concernant J... indique avoir été dressé en transcription d'un jugement supplétif du 6 mai 2015 pour une naissance déclarée en 2012 ; ce jugement comporte des incohérences ;

- l'acte de naissance relatif à Noël G..., transcrit suivant un jugement de reconstitution, et ce jugement présentent des irrégularités ;

- il n'est justifié d'aucun élément établissant la possession d'état ;

- il n'est présenté aucune autorisation parentale émanant des mères alléguées des deux enfants.

Un mémoire enregistré le 23 juillet 2019 a été présenté pour M. E... F..., par Me Salin, qui conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à l'autorité compétente, à titre principal, de délivrer un visa long séjour d'entrée en France aux enfants J... et Noël G... L..., dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de leurs demandes et à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., président-assesseur

- et les observations de Me B..., pour M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... F..., ressortissant centrafricain né le 29 août 1989 à Alindao, est entré en France le 14 septembre 2013 et s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 janvier 2015. Les autorités consulaires françaises à Bangui ont refusé de délivrer aux enfants J... F... et Noël G... L... F... des visas de long séjour au titre de la réunification familiale. Par décision du 19 mai 2017, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 25 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. F..., la décision du 19 mai 2017 de la commission de recours et a enjoint au ministre de délivrer les visas sollicités.

2. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. La circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet la réunification familiale des enfants d'une personne admise à la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure notamment au nombre de ces motifs l'absence de caractère probant des documents destinés à établir le lien de filiation entre le demandeur de visa et le membre de la famille qu'il projette de rejoindre sur le territoire français ainsi que le caractère frauduleux des actes d'état civil produits.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la lecture de la décision contestée, que, pour refuser la délivrance des visas sollicités pour les enfants J... et Noël G..., la commission de recours s'est fondée sur l'absence de caractère probant des actes de naissance produits qui comportent des incohérences et ont été établis au vu de jugements supplétif ou de reconstitution rendus en 2015 et 2016, six et sept ans après leur naissance, à la demande de M. F... qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en France. Il ressort des pièces du dossier que les jugements du tribunal de grande instance de Bangui du 6 mai 2015 et du 20 avril 2016 comportent des mentions erronées selon lesquelles ils ont été établis à la requête de M. FBangui alors que ce dernier ne s'est pas rendu dans son pays et que, s'il soutient que sa mère, Mme Pulchérie Aboyot, a saisi le tribunal, le nom de celle-ci n'apparaît pas sur les jugements demeurant à .... S'agissant du jeune J..., l'acte de naissance produit précise qu'il a été dressé le 15 février 2012 en transcription d'un jugement supplétif établi le 6 mai 2015, soit trois années avant l'établissement de ce jugement qui ordonne la transcription du dispositif du présent jugement sur les registres de l'état civil de la mairie de Bangui. En outre, ce jugement supplétif mentionne qu'il est rendu sur la base d'un certificat " d'âge apparent " délivré par un médecin dont l'identité n'est pas précisée. Le ministre soutient, également, sans être contredit, que M. F... a toujours déclaré avoir perdu les actes de naissance des enfants alors que le jugement supplétif précise qu'il est rendu au motif que la déclaration de naissance n'a pas été faite dans le délais légaux. S'agissant de l'enfant A... G..., le jugement de reconstitution d'acte de naissance du 20 avril 2016 énonce qu'il est établi sur la base d'un certificat " d'âge apparent " du Dr Djimbele de l'hôpital pédiatrique de Bangui, lequel, après enquête par les autorités consulaires, est inconnu dans cet établissement. Dans ces conditions, compte tenu de ces contradictions et incohérences, la filiation alléguée ne peut être considérée comme établie. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France avait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation sur ce point pour annuler la décision du 19 mai 2017.

4. En deuxième lieu, M. F... a également soutenu à l'appui de sa demande d'annulation de la décision de refus de visa qu'il devait être regardé comme bénéficiant d'une situation de possession d'état. Toutefois, si M. F... a, d'une part, déclaré lors de sa demande d'asile être le père de deux enfants, il a indiqué des dates de naissances erronées. D'autre part, les seules photographies des enfants, non datées, la preuve de transferts d'argent intervenus entre 2015 et 2017 au profit de la mère de M. F... et de deux autres personnes portant le nom I...'F..., dont le lien avec les enfants n'est pas précisé, et la conversation par une application de messagerie du mois de juillet 2017, postérieure à la décision attaquée, ne sont pas de nature à établir l'existence du lien de filiation. Ainsi, c'est à tort que le tribunal s'est également fondé sur ce que M. F... pouvait se prévaloir de l'existence d'une filiation à leur égard, par possession d'état, pour annuler la décision du 19 mai 2017.

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision litigieuse en considérant la filiation comme établie. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F....

6. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision contestée que celle-ci comporte la mention du nom et de la qualité de son signataire, M... H..., accompagnée d'une signature manuscrite. Par un décret du 14 mars 2016, régulièrement publié au journal officiel de la République française le 16 mars suivant, M. D... H... a été nommé président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France pour une durée de trois ans à compter du 2 avril 2016. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de sa séance du 17 mai 2017, au cours de laquelle elle a examiné le recours de M. F..., que la commission réunissait, outre son président, quatre de ses membres. Elle siégeait ainsi dans une composition conforme aux dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Au surplus, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que la décision de la commission indique le nom des membres qui ont siégé lors de sa séance. Il suit de là que les moyens, tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et du vice de forme dont la décision, qui a été régulièrement signée par le président de la commission, serait entachée, ne peuvent qu'être écartés.

7. En deuxième lieu, la décision du 19 mai 2017 comporte de façon suffisamment détaillée l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle repose. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation de cette décision et du défaut d'examen particulier de la situation de M. F... doivent être écartés.

8. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été précédemment indiqué aux points 3 et 4, les documents produits par le requérant sont dépourvus de force probante permettant d'établir les liens familiaux allégués. En l'absence de filiation établie et d'éléments suffisamment probants concernant une éventuelle possession d'état, M. F... ne peut donc se prévaloir ni des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni des articles 3-1 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 19 mai 2017. Les conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que présente M. F... en appel ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 25 septembre 2018 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que M. F... présente en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... F....

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme C..., présidente-assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2019.

Le rapporteur,

C. Buffet

Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT03994


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03994
Date de la décision : 04/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : SALIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-04;18nt03994 ?
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