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04/10/2019 | FRANCE | N°18NT03415

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 04 octobre 2019, 18NT03415


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 juin 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Dacca portant refus de délivrance de visas de long séjour à Mme B... et à leur fille H... A....

Par un jugement n° 1608844 du 16 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enre

gistrée le 6 septembre 2018, M. D... A... et Mme C... B..., représentés par Me F..., demandent à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 juin 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Dacca portant refus de délivrance de visas de long séjour à Mme B... et à leur fille H... A....

Par un jugement n° 1608844 du 16 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 septembre 2018, M. D... A... et Mme C... B..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 mai 2018 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 8 juin 2016 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer leur situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son avocat renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que :

- l'identité de Mme B... n'a pas été usurpée ;

- la décision du ministre a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il se réfère au mémoire en défense produit lors de la première instance.

Par une décision du 22 août 2018, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les observations de Me G..., substituant Me F..., représentant les requérants.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... et Mme B..., de nationalité bangladaise, ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 juin 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur, qui n'a pas suivi la recommandation de la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France, a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Dacca portant refus de délivrance de visas de long séjour à Mme B.... Par une ordonnance du 28 décembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a suspendu l'exécution de la décision du 8 juin 2016 et a enjoint au ministre de réexaminer la demande de visa dans un délai d'un mois. Une décision implicite de refus de la demande de visa pour l'enfant H... A... est intervenue le 5 janvier 2017. Par une décision du 7 avril 2017, des visas de long séjour temporaires valables six mois ont été délivrés à Mme B... et à l'enfant H... A.... Le 16 mai 2018, le tribunal a, d'une part, enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa pour l'enfant dans un délai d'un mois et, d'autre part, par un jugement distinct, rejeté la requête concernant la demande de visa pour Mme B.... M. A... et Mme B... font appel de ce second jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a obtenu le statut de réfugié par une décision de la commission nationale du droit d'asile du 25 septembre 2008. La décision de rejet attaquée du ministre de l'intérieur est fondée sur l'usurpation de l'identité de l'épouse de M.A..., Mme C... B..., âgée de 30 ans, par la demanderesse de visa qui serait âgée de dix-huit ou dix-neuf ans selon des tests osseux réalisés le 5 mai 2016.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a épousé au Bangladesh Mme B... le 1er janvier 2004. Il s'est vu délivrer le 4 mars 2009 un certificat de mariage par le directeur général de l'OFPRA qui a valeur d'acte authentique. Pour établir son identité, Mme B... n'a produit à l'appui de sa demande de visa que la copie de sa carte d'électeur, des documents relatifs à sa scolarité, des documents médicaux relatifs à sa grossesse et des photographies issues du DVD de son mariage en 2004. Les requérants se prévalent également de ce que, lors de l'enquête réalisée à la demande du consulat de France, les personnes interrogées ont indiqué reconnaître sur la photographie la demanderesse de visa. Toutefois, tous ces éléments, alors même qu'ils comportent des photographies, sont d'une faible valeur probante pour établir l'identité de Mme B... et ne peuvent être regardés comme des actes d'état-civil authentiques.

4. Dans ces circonstances particulières, la détermination de l'âge osseux, alors même qu'elle peut comporter des imprécisions, peut remettre en cause les éléments produits par Mme B.... Il ressort des pièces du dossier que les tests osseux réalisés sur Mme B... le 5 mai 2016 avaient conclu à un âge osseux de 18 ou 19 ans alors qu'elle est née le 2 mars 1986 et âgée de 30 ans à la date de la décision attaquée.

5. Toutefois, ces résultats sont remis en cause par les conclusions, datées du 26 juin 2016 mais pouvant révéler des éléments de fait antérieurs à la décision attaquée, et comportant une photographie de la même personne que celle figurant sur les tests osseux du 5 mai 2016, d'un cabinet médical bangladais indiquant, au vu d'une radiographie de plusieurs éléments du corps, dont le poignet : " à mon avis, son âge osseux est d'environ 25 à 30 ans ". Si l'administration fait valoir que la détermination de l'âge osseux à partir de l'atlas de Greulich et Pyle sur des enfants américains d'origine européenne âgés de 10 à 19 ans ne permet de fixer la tranche d'âge de 18 mois à 2 ans que si elle concerne des sujets jeunes, le constat médical produit par les requérants ne fait pas état d'une tranche d'âge de 18 mois à 2 ans mais d'une tranche d'âge de 5 ans.

6. Dès lors, le moyen tiré de ce que le ministre de l'intérieur a commis une erreur d'appréciation en se fondant sur le caractère frauduleux de la demande de visa doit être accueilli.

7. En second lieu, il résulte du point précédent que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit également être accueilli, la demanderesse du visa devant être regardée comme l'épouse de M. A... et devant ainsi, en conséquence, bénéficier de la possibilité de le rejoindre en France.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... et Mme B..., que ces derniers sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

9. Le présent arrêt implique, compte tenu de sa motivation, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, et sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte, le visa demandé par Mme B....

Sur les frais liés au litige :

10. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me F... de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1608844 du 16 mai 2018 du tribunal administratif de Nantes et la décision du ministre de l'intérieur du 8 juin 2016 rejetant la demande de visa de long séjour de Mme B... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme B... le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me F... une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président assesseur,

- Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 octobre 2019.

Le rapporteur,

P. E...

Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT03415


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03415
Date de la décision : 04/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-04;18nt03415 ?
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