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27/09/2019 | FRANCE | N°19NT01725

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 27 septembre 2019, 19NT01725


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 19 mars 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités espagnoles, d'autre part, l'a assignée à résidence.

Par un jugement 1903208 du 2 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2019, Mme B..., représentée par Me D..., de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 avril 2019 ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 19 mars 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités espagnoles, d'autre part, l'a assignée à résidence.

Par un jugement 1903208 du 2 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 avril 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 19 mars 2019 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de se reconnaître responsable de sa demande d'asile et lui remettre une attestation de demandeur d'asile ainsi qu'un formulaire OFPRA dans un délai de cinq jours à compter de la décision à intervenir ;

4°) d'enjoindre, sous la même astreinte, au préfet de réformer l'arrêté d'assignation à résidence dans le sens d'une présentation hebdomadaire et sans ses effets personnels ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

en ce qui concerne la décision de réadmission en Espagne :

- la décision a été signée par une autorité incompétente ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 et 29 du règlement (UE) 603/2013 ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ont été méconnues ;

- le préfet de Maine-et-Loire n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation notamment au regard de son état de santé ;

- en cas de renvoi en Espagne il y a un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les dispositions de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Italie ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 juin 2019 et le 19 juillet 2019, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 16 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... F... B..., de nationalité guinéenne, née le 2 avril 1998, est entrée irrégulièrement en France le 5 décembre 2018 et a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique le 16 janvier 2019. Suite au relevé de ses empreintes digitales, il a été constaté qu'elle avait franchi la frontière de l'Union européenne vers l'Espagne. Les autorités espagnoles, saisies le 16 janvier 2019, ont implicitement admis leur responsabilité de l'examen de la demande d'asile de l'intéressée. Par deux arrêtés du 19 mars 2019, le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités espagnoles, d'autre part, l'a assignée à résidence. Mme B... relève appel du jugement du 2 avril 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur l'arrêté de transfert aux autorités espagnoles :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté, de l'insuffisante motivation de la décision portant remise aux autorités espagnoles de Mme B..., de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 et, en tout état de cause, de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la motivation de l'arrêté contesté, que le préfet de Maine-et-Loire a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme B... au regard des éléments portés à sa connaissance à la date de la mesure de transfert prononcée. Si la requérante soutient que les éléments relatifs à sa santé sont incomplets, dès lors que le préfet n'a pas tenu compte de ce qu'elle a subi une interruption volontaire de grossesse consécutive à un viol en février 2019 à la suite duquel le médecin de la permanence d'accès aux soins du centre hospitalier de Laval a mis en place un suivi psychologique pour soigner son état dépressif, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... a transmis ces informations au préfet avant l'édiction de la décision litigieuse. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision de transfert n'a pas été précédée d'un examen complet et rigoureux des conséquences pour l'intéressée de son transfert vers l'Espagne doit être écarté.

4. En troisième lieu, les recherches entreprises sur le fichier Eurodac, à partir du relevé décadactylaire de Mme B... effectué le 16 janvier 2019 par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique, ont révélé que Mme B... avait précédemment été identifiée en Espagne le 14 novembre 2018 en raison du franchissement irrégulier de la frontière espagnole. Si elle soutient qu'à la même date elle se trouvait au Maroc de sorte que l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire repose sur une erreur de fait, elle ne l'établit pas.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

7. Si l'Espagne est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

8. Mme B... fait valoir que son parcours migratoire a été particulièrement éprouvant, dès lors notamment qu'elle a perdu par noyade en novembre 2018 sa fille de 4 ans au cours de leur traversée de la mer Méditerranée et qu'elle présente des problèmes de santé liés à un état de choc post-traumatique. Il n'est toutefois pas établi que les circonstances qu'elle invoque exposeraient sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités espagnoles dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Les documents médicaux que l'intéressée produit ne permettent pas de regarder Mme B... comme démontrant qu'elle serait personnellement exposée, du fait de sa vulnérabilité liée à son état de santé, à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Espagne, nonobstant la circonstance qu'une prise en charge médicale a commencé à être mise en oeuvre en France, ni que seraient méconnus ses droits à une vie privée et familiale normale. Mme B... soutient également que son maintien en France est requis par la poursuite d'un traitement psychothérapeutique qu'elle y a entamé. Toutefois, le certificat médical confidentiel établi le 21 février 2019 par l'office français de l'immigration et de l'intégration, " envisage " une surveillance de l'état dépressif et mentionne qu'un suivi psychologique est nécessaire, sans qu'il soit établi que ce suivi ne serait pas envisageable en Espagne. Le certificat médical établi le 28 mars 2019 par un médecin de la permanence d'accès aux soins du centre hospitalier de Laval certifiant que Mme B... présente un état dépressif sévère ne démontre pas l'incompatibilité de son état de santé avec un transfert vers l'Espagne ou qu'elle ne pourrait pas bénéficier dans ce pays de la surveillance médicale nécessaire. Ainsi, le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et ainsi serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

Sur l'arrêté d'assignation à résidence :

9. En premier lieu, l'arrêté portant assignation à résidence de Mme B... vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'article L. 561-2, ainsi que l'arrêté du même jour décidant la remise de l'intéressée aux autorités espagnoles. Par ailleurs, il indique que Mme B..., qui est entrée sur le territoire français de manière irrégulière, possède une domiciliation administrative. L'arrêté comporte dès lors un exposé suffisant des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de Maine-et-Loire s'est fondé pour décider d'assigner Mme B... à résidence. Il est ainsi suffisamment motivé.

10. En deuxième lieu, il résulte des points 2 à 8 du présent arrêt que Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités espagnoles.

11. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'assignation à résidence de Mme B..., dont le caractère disproportionné n'est pas démontré, procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ou d'une erreur de droit.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de Maine-et-Loire du 19 mars 2019. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... F... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. A..., président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 27 septembre 2019.

Le président de chambre, rapporteur,

L. A...L'assesseur le plus ancien

dans le grade le plus élevé,

C. Rivas

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01725


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01725
Date de la décision : 27/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : GUINEL-JOHNSON

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-09-27;19nt01725 ?
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