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27/09/2019 | FRANCE | N°18NT04295

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 27 septembre 2019, 18NT04295


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Hot Pression a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 février 2016 par lequel le maire d'Amilly (Loiret) a limité les horaires d'ouverture de la station de lavage qu'elle exploite dans cette commune et la décision du 22 juin 2016 par laquelle le maire d'Amilly a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1602805 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
>Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2019, la Société Hot Pression, représentée par Me A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Hot Pression a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 février 2016 par lequel le maire d'Amilly (Loiret) a limité les horaires d'ouverture de la station de lavage qu'elle exploite dans cette commune et la décision du 22 juin 2016 par laquelle le maire d'Amilly a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1602805 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2019, la Société Hot Pression, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 2 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 février 2016 du maire d'Amilly limitant les horaires d'ouverture de la station de lavage qu'elle exploite dans cette commune et la décision du 22 juin 2016 portant rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Amilly le versement à son profit d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions contestées méconnaissent l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du tribunal administratif d'Orléans du 13 mai 2014 ayant prononcé l'annulation de la décision de refus d'abrogation de l'arrêté du 14 février 2013 qui imposait les mêmes limitations aux horaires d'ouverture de la station de lavage qu'elle exploite ;

- les décisions contestées procèdent d'une erreur d'appréciation et d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2019, la commune d'Amilly, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Hot Pression une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société Hot Pression n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lainé, président de chambre ;

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour la société Hot Pression et de Me C... pour la commune d'Amilly.

Considérant ce qui suit :

1. La société Hot Pression exploite depuis 2005 sur le territoire de la commune d'Amilly (Loiret) une station de lavage de véhicules comportant quatre pistes de lavage et trois emplacements pour aspirateur. Par un arrêté du 10 août 2005, le maire d'Amilly a limité les horaires d'ouverture de la station, pour chacun des jours de la semaine, à la période comprise entre 7 heures et 21 heures. Par un nouvel arrêté du 14 février 2013 faisant suite à des plaintes de riverains, le maire a restreint les horaires d'ouverture de la station de lavage le samedi à la période comprise entre 9 heures et 19 heures et interdit toute ouverture les dimanches et jours fériés. Par une décision du 23 mai 2013, le maire d'Amilly a rejeté la demande de la société Hot Pression tendant à l'abrogation de l'arrêté du 14 février 2013. Par jugement n° 1302000 du 13 mai 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les conclusions de la société Hot Pression tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2013, mais a annulé la décision du 23 mai 2013 comme entachée d'une erreur d'appréciation. A la suite de ce jugement, le maire d'Amilly, par un arrêté du 25 septembre 2014, a abrogé son précédent arrêté du 14 février 2013 et a accordé à la société Hot Pression un délai de six mois pour réaliser les travaux préconisés dans un rapport d'expertise judiciaire remis au mois de juin 2014. Par un arrêté du 24 février 2016, le maire a de nouveau interdit l'ouverture de la station de lavage les dimanches et jours fériés et, par une décision du 22 juin 2016, a rejeté le recours gracieux formé contre cet arrêté. La société Hot Pression relève appel du jugement du 2 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de ces deux dernières décisions.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, par son jugement n° 1302000 du 13 mai 2014, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du maire d'Amilly du 23 mai 2013 refusant d'abroger l'arrêté du 14 février 2013 au motif que le maire n'établissait pas que le maintien de la restriction d'ouverture n'excédait pas ce qui était nécessaire à la préservation de la tranquillité publique, en se fondant sur les conclusions d'un premier rapport d'expertise établi dans le cadre de la procédure judiciaire engagée par l'un des riverains de la station de lavage, selon lesquelles, en cas de limitation de la pression des jets de lavage à 100 bars, ni l'émergence globale ni l'émergence spectrale ne dépassaient les seuils réglementaires admis, l'expert préconisant la mise sous scellés des manomètres de manière à limiter la pression des jets de lavage à 100 bars ainsi qu'un contrôle régulier du maintien de ces scellés pour ne plus excéder les seuils fixés et indiquant qu'aucune autre mesure n'était nécessaire pour assurer le respect des normes en vigueur ou mettre fin à des troubles. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, pour décider de nouveau, par son arrêté du 24 février 2016, d'interdire l'ouverture de la station de lavage les dimanches et jours fériés, le maire d'Amilly s'est notamment fondé sur les conclusions d'un second rapport du même expert, établi le 10 juin 2014 à la demande d'autres riverains dans le cadre d'une autre instance judiciaire, et porté à la connaissance de la commune postérieurement au jugement du 23 mai 2014, selon lesquelles, si les niveaux de bruit globaux mesurés ne dépassent pas les tolérances réglementaires, les niveaux de bruit spectraux, aux fréquences de 2 000 et 4 000 Hz, dépassent sensiblement les émergences limites, avec un dépassement de 9,5 dB à cette dernière fréquence lorsque les quatre pistes de lavage sont simultanément en fonctionnement. Dès lors, en fondant son arrêté d'interdiction du 24 février 2016 sur les éléments nouveaux résultant du rapport d'expertise du 10 juin 2014, le maire d'Amilly n'a pas, ainsi que l'on estimé à bon droit les premiers juges, méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attachait au jugement du tribunal administratif d'Orléans du 23 mai 2014 et aux motifs qui sont le support nécessaire de son dispositif.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que (...) les bruits, les troubles de voisinage (...) qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) ". Une mesure de police n'est légale que si elle est nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi. Par ailleurs, en vertu des dispositions des articles R. 1334-30 et suivants du code de la santé publique, désormais reprises aux articles R. 1336-4 et suivants du même code, d'une part les bruits de voisinage ne doivent pas, par leur durée, leur répétition ou leur intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage, d'autre part ces bruits, lorsqu'ils ont pour origine une activité professionnelle, doivent respecter des limites en période diurne, tant en ce qui concerne l'émergence globale que l'émergence spectrale, fixées au cas d'espèce, s'agissant des bandes d'octave centrées sur 2 000 et 4 000 Hz, à 5 dB (A) pour la première et à 5 dB pour la seconde.

4. Ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, il ressort du rapport d'expertise judiciaire établi le 10 juin 2014 que les niveaux de bruit spectraux relevés, aux fréquences de 2 000 et 4 000 Hz, dépassent sensiblement les émergences maximales autorisées lorsque les quatre pistes de lavage exploitées par la société requérante sont simultanément en fonctionnement, notamment jusqu'à 9,5 dB de dépassement à la fréquence de 4 000 Hz. Au regard des mesures de bruit analysées dans le rapport susmentionné, il ne ressort pas par ailleurs des pièces du dossier, contrairement à ce que prétend la requérante, que la mise hors service de l'une des quatre pistes de lavage les dimanches et jours fériés serait de nature à éviter ces dépassements. Dans ces conditions, en étendant l'interdiction d'ouverture de la station de lavage aux dimanches et jours fériés dans l'objectif de limiter les bruits de voisinage et de préserver la tranquillité publique, sans qu'il soit établi que cet objectif pouvait être atteint par une mesure moins contraignante, le maire d'Amilly n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

5. En dernier lieu, la société requérante ne peut sérieusement soutenir que l'arrêté litigieux aurait été édicté dans le seul intérêt d'un membre du conseil municipal ayant obtenu le 8 août 2016 un permis de construire en vue d'exploiter une station de lavage concurrente. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que l'arrêté contesté du 24 février 2016 met en oeuvre une mesure ayant pour objet de limiter les bruits et troubles de voisinage générés par l'exploitation de la station de lavage de la société Hot Pression et de préserver la tranquillité publique, dans le cadre d'un conflit avec les voisins de celle-ci qui dure depuis 2006 et sans qu'il soit établi qu'il aurait été édicté dans un but étranger à l'intérêt général. Par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté procèderait d'un détournement de pouvoir doit être écarté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Hot Pression n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire d'Amilly du 24 février 2016 et de sa décision du 22 juin 2016 rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Amilly, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Hot Pression au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Hot Pression, sur ce même fondement, une somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Amilly.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Hot Pression est rejetée.

Article 2 : La société Hot Pression versera à la commune d'Amilly la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hot Pression et à la commune d'Amilly.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 27 septembre 2019.

Le président de chambre, rapporteur,

L. LainéL'assesseur le plus ancien

dans le grade le plus élevé,

C. Rivas

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet du Loiret, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT04295


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04295
Date de la décision : 27/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : CABINET NURET

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-09-27;18nt04295 ?
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