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20/09/2019 | FRANCE | N°19NT01946

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 20 septembre 2019, 19NT01946


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F..., Mme D... G... et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 12 septembre 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa de court séjour présentée par Mme F... pour visite familiale.

Par un jugement n° 1810964 du 22 mars 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en

France du 12 septembre 2018 et a enjoint au ministre de l'intérieur de procéder ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F..., Mme D... G... et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 12 septembre 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa de court séjour présentée par Mme F... pour visite familiale.

Par un jugement n° 1810964 du 22 mars 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 12 septembre 2018 et a enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la demande de Mme F..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2019, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme F... et autres devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) d'enjoindre à M. F... de rembourser la somme de 1 200 euros mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé que M. C... F... disposait de ressources suffisantes pour prendre en charge les frais de séjour en France de sa mère, Mme B... F..., laquelle ne disposait pas de ressources personnelles suffisantes.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 août 2019, M. C... F..., Mme D... G... et Mme B... F..., représentés par Me E..., concluent au rejet de l'appel du ministre et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le versement à Me E... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un courrier du 18 juillet 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision est susceptible d'être fondée sur le moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions du ministre de l'intérieur tendant à ce qu'il soit enjoint au conseil de M. F... de rembourser la somme de 1 200 euros mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le ministre disposant du pouvoir d'émettre un titre exécutoire pour le recouvrement de cette créance.

Mme D... G... n'a pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 ;

- le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bréchot, rapporteur ;

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... F..., ressortissante algérienne née en 1950, a sollicité des autorités consulaires françaises à Oran (Algérie) la délivrance d'un visa de court séjour afin de rendre visite à son fils, M. C... F..., qui réside en France avec sa famille, en vue d'un séjour d'une durée de quinze jours. Par une décision du 12 septembre 2018, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par Mme F... contre le refus opposé par les autorités consulaires. Le ministre de l'intérieur

relève appel du jugement du 22 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision de la commission de recours et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de Mme F....

Sur la recevabilité des conclusions à fins d'injonction présentées par le ministre :

2. Le ministre de l'intérieur, qui tient du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 le pouvoir d'émettre un titre exécutoire à l'effet d'obtenir le reversement de sommes dont un particulier est redevable envers l'Etat, n'est pas recevable à demander au juge administratif d'ordonner la restitution des sommes mises à la charge de l'Etat en première instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fondé sa décision du 12 septembre 2018 sur deux motifs, tirés, d'une part, de ce que Mme F... ne justifiait pas de ressources personnelles suffisantes pour garantir le financement de son séjour et de son retour dans son pays de résidence, et, d'autre part, de ce que la personne qui se propose de l'accueillir n'a pas justifié de moyens suffisants pour assumer l'accueil et l'entretien d'une personne supplémentaire dans son foyer pendant la durée de son séjour en France.

4. Aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties Contractantes. Ce visa (...) peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...) ". Aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes dit " code frontières Schengen " : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours, ce qui implique d'examiner la période de 180 jours précédant chaque jour de séjour, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : (...) c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans leur pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens ; (...) 4. L'appréciation des moyens de subsistance se fait en fonction de la durée et de l'objet du séjour et par référence aux prix moyens en matière d'hébergement et de nourriture dans l'État membre ou les États membres concernés, pour un logement à prix modéré, multipliés par le nombre de jours de séjour. / (...) L'appréciation des moyens de subsistance suffisants peut se fonder sur la possession d'argent liquide, de chèques de voyage et de cartes de crédit par le ressortissant de pays tiers. Les déclarations de prise en charge, lorsqu'elles sont prévues par le droit national, et les lettres de garantie telles que définies par le droit national, dans le cas des ressortissants de pays tiers logés chez l'habitant, peuvent aussi constituer une preuve de moyens de subsistance suffisants. / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger qui déclare vouloir séjourner en France pour une durée n'excédant pas trois mois dans le cadre d'une visite familiale ou privée doit présenter un justificatif d'hébergement. Ce justificatif prend la forme d'une attestation d'accueil signée par la personne qui se propose d'assurer le logement de l'étranger, ou son représentant légal, et validée par l'autorité administrative. Cette attestation d'accueil constitue le document prévu par la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 pour justifier les conditions de séjour dans le cas d'une visite familiale ou privée ". Aux termes de l'article L. 211-4 du même code,

l'attestation d'accueil " est accompagnée de l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge, pendant toute la durée de validité du visa ou pendant une durée de trois mois à compter de l'entrée de l'étranger sur le territoire des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, et au cas où l'étranger accueilli n'y pourvoirait pas, les frais de séjour en France

de celui-ci, limités au montant des ressources exigées de la part de l'étranger pour son entrée sur le territoire en l'absence d'une attestation d'accueil ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'obtention d'un visa de court séjour est subordonnée à la condition que le demandeur justifie à la fois de sa capacité à retourner dans son pays d'origine et de moyens de subsistance suffisants pendant son séjour. Il appartient au demandeur de visa dont les ressources personnelles ne lui assurent pas ces moyens d'apporter la preuve de ce que les ressources de la personne qui l'héberge et qui s'est engagée à prendre en charge ses frais de séjour au cas où il n'y pourvoirait pas sont suffisantes pour ce faire.

6. Si la personne qui sollicite un visa de court séjour peut, pour établir qu'elle dispose de moyens de subsistance suffisants au sens des dispositions de l'article 6 du code frontières Schengen précitées, faire état de sommes d'argent mises à sa disposition par un établissement bancaire, il appartient aux autorités chargées de délivrer un visa d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si ces ressources, dont l'existence doit être étayée par des documents probants au vu de l'ensemble des pièces du dossier, sont adaptées au séjour envisagé.

7. Il ressort des pièces du dossier que, si Mme F... n'exerce aucune activité salariée et ne justifie pas de revenus réguliers, elle établit avoir obtenu, le 21 juin 2018, la mise à disposition d'une somme de 2 490 euros prélevée sur un compte bancaire ouvert à son nom. Si le ministre fait valoir que cette somme, dont l'origine n'est pas connue, ne saurait se substituer, pour en garantir la disponibilité effective au moment du séjour, à des revenus réguliers pleinement identifiés et d'un montant suffisant, il ne démontre pas en quoi, selon lui, cette somme ne sera pas véritablement à la disposition de Mme F... pour financer son séjour en France et son retour dans son pays de résidence. Compte tenu du fait qu'elle est titulaire d'une attestation d'accueil et donc d'un logement qu'elle n'aura pas à financer, Mme F... justifie, par la détention de cette somme de 2 490 euros, disposer de moyens de subsistance suffisants pour la durée de quinze jours prévue pour son séjour en France et son retour dans son pays d'origine. Dès lors, à supposer même que le fils de Mme F..., qui a produit une attestation d'accueil visée par l'autorité compétente, ne justifiait pas de ressources suffisantes eu égard à la composition de son foyer pour financer les frais de voyage et de séjour en France de sa mère, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que Mme F... ne justifiait pas de ressources suffisantes pour garantir le financement de son séjour en France et de son retour dans son pays de résidence.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 12 septembre 2018 et lui a enjoint de réexaminer la demande de Mme F....

Sur les frais liés à l'instance :

9. M. C... F... et Mme B... F... n'ont pas demandé, dans le cadre de la présente instance, le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale qui leur avait été accordée en première instance. Mme D... G... n'a pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 9 juillet 2019. Par suite, leur avocat ne peut se prévaloir des

dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : Les conclusions tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le versement à Me E... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme B... F..., à M. C... F..., à Mme D... G... et à Me A... E....

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président-assesseur,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 septembre 2019.

Le rapporteur,

F.X. BRECHOTLe président-rapporteur,

T. CÉLÉRIER

Le greffier,

C. POPSÉ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01946


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01946
Date de la décision : 20/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : GIRONDON

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-09-20;19nt01946 ?
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