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20/09/2019 | FRANCE | N°18NT01403

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 20 septembre 2019, 18NT01403


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D... F..., Mme J... E... B... épouse D... F... et Mlle A... I... F... K... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 mars 2015, confirmée par un courrier du 12 février 2016, par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer un visa de long séjour à Mlle A... I... F... K....

Par un jugement n° 1602229 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregist

rée le 9 avril 2019, M. G... D... F..., Mme J... E... B... épouse D... F... et Mlle A... I... F...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D... F..., Mme J... E... B... épouse D... F... et Mlle A... I... F... K... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 mars 2015, confirmée par un courrier du 12 février 2016, par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer un visa de long séjour à Mlle A... I... F... K....

Par un jugement n° 1602229 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2019, M. G... D... F..., Mme J... E... B... épouse D... F... et Mlle A... I... F... K..., représentés par Me Morosoli, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 4 mars 2015, confirmée par un courrier du 12 février 2016, par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer un visa de long séjour à Mlle A... I... F... K... ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité par Mlle A... I... F... K... dans un délai de 15 jours à compter de la notification l'arrêt à intervenir, ou à défaut de réexaminer la demande de visa dans un délai de 30 jours à compter de la notification l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé et que les premiers juges ont dénaturé les moyens présentés et les pièces produites en première instance ;

- la décision contestée de refus de visa est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation quant à l'authenticité de l'acte de naissance de Mlle A... I... F... K... et à la réalité du lien de filiation l'unissant à M. D... F... ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour de rejeter la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bréchot,

- et les conclusions de M. Sacher, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. G... D... F..., ressortissant congolais né en 1974, a sollicité l'autorisation de regroupement familial au bénéfice de son épouse, Mme E... B..., et de leur fille, alors mineure, Mlle A... I... F... K.... Le préfet du Val de Marne a autorisé le regroupement familial, le 29 août 2011, puis a retiré cette décision, le 18 juin 2012, au motif que le requérant avait présenté des faux documents à l'appui de sa demande. La décision du 18 juin 2012 a été annulée par un jugement n° 1207555 du tribunal administratif de Melun du 12 décembre 2013, qui a enjoint au préfet du Val-de-Marne d'autoriser le regroupement familial sollicité. Par décision du 7 juillet 2012, l'autorité consulaire française à Cotonou (Bénin) a refusé de délivrer des visas de long séjour à Mme E... B... et à sa fille. Une décision implicite de rejet de la demande de délivrance des visas de long séjour s'est substituée à la décision consulaire du 7 juillet 2012 à la suite du silence gardé pendant plus de deux mois par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur le recours formé contre cette décision consulaire. Par un jugement n° 1300057 du 8 octobre 2014, le tribunal administratif de Nantes, d'une part, a annulé cette décision implicite en tant qu'elle concernait Mlle A... I... F... K..., d'autre part, a rejeté la demande dirigée contre cette même décision en tant qu'elle concernait Mme E... B... et, enfin, a enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la demande de visa de long séjour déposée pour l'enfant A... I... F... K.... Par un arrêt n° 14NT02875 du 12 octobre 2015, la cour administrative d'appel a, d'une part, annulé le jugement du 8 octobre 2014 en tant qu'il avait rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours en tant qu'elle concernait Mme E... B... et, d'autre part, enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la situation de Mme E... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Par courrier du 4 mars 2015, le ministre de l'intérieur a informé Mlle A... I... F... K... qu'après réexamen de sa situation, il refusait de lui délivrer le visa de long séjour sollicité au motif que son identité ne pouvait être établie par l'acte de naissance n° 449 de l'année 2008 dressé suivant réquisition n° 436/2008 du tribunal de grande instance de Pointe Noire, lequel était dépourvu de caractère authentique. Par courrier du 12 février 2016, le ministre de l'intérieur a rappelé les termes de son précédent courrier et informé les appelants de ce que l'instruction de délivrer un visa à Mme E... B... avait été donnée à l'autorité consulaire française à Pointe-Noire. Par la requête visée ci-dessus, M. D... F..., Mme E... B... et Mlle A... I... F... K... relèvent appel du jugement du 28 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 4 mars 2015 portant refus de délivrance d'un visa de long séjour à Mlle A... I... F... K....

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Nantes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu à l'ensemble des moyens invoqués dans les mémoires produits par les requérants.

3. En second lieu, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient dénaturé les moyens présentés et les pièces produites en première instance est, en tout état de cause, insusceptible d'entacher le jugement attaqué d'irrégularité.

4. Par conséquent, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, les décisions de refus de visa d'entrée en France, prises par les autorités diplomatiques ou consulaires, ne sont pas motivées sauf dans les cas où le visa est refusé à un étranger appartenant à l'une des catégories suivantes et sous réserve de considérations tenant à la sûreté de l'État : / (...) 4° Bénéficiaires d'une autorisation de regroupement familial ou de réunification familiale ; (...). " Selon l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "

6. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée du 4 mars 2015 ne comporte pas l'énoncé des considérations de droit qui la fondent. Elle est, par suite, insuffisamment motivée.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

8. Pour justifier de sa filiation avec M. D... F..., Mlle F... K... se prévaut de la copie d'un acte de naissance reconstitué, sur la base de ses déclarations, inscrit dans les registres d'état civil de la commune de Pointe-Noire (République du Congo) de l'année 2008 sous le numéro 449, établi le 4 novembre 2008 suivant réquisitions n° 436/2008 du 19 février 2008 du procureur de la République près la cour d'appel de Pointe Noire. Il résulte des dispositions du code de la famille congolais que la perte par le déclarant du volet de l'acte d'état civil qui lui a été remis lors de la déclaration n'est pas au nombre des motifs énumérés à l'article 82 de ce code justifiant la reconstitution d'un acte d'état civil par le procureur de la République, laquelle ne peut intervenir qu'en cas de perte des registres au centre d'état civil ou au greffe du tribunal populaire ou de destruction des actes qui y sont inscrits. En l'espèce, s'il ressort des motifs des réquisitions du procureur de la République près la cour d'appel de Pointe-Noire qu'elles visaient à remédier à la perte par Mlle F... K... de son acte de naissance lors de la destruction de sa maison par les pluies diluviennes qui se seraient abattues sur la ville de Pointe-Noire, il en ressort également que la demande faite en vue de l'obtention d'un duplicata de cet acte est demeurée vaine. Dès lors, la circonstance que ces réquisitions n'établissent pas la réalité de la destruction de l'acte d'état civil correspondant par la mention d'un certificat de destruction de cet acte établi par les dépositaires du registre ne permet pas de conclure que les conditions de reconstitution de l'acte d'état civil détruit n'ont pas été respectées, et donc que l'acte serait irrégulier. Par ailleurs, si la perte alléguée par Mlle F... K... de son acte de naissance original paraît contredite par la production d'un livret de famille du 31 juillet 2009 qui, bien qu'établi postérieurement à l'acte reconstitué n° 449 du 4 novembre 2008, se réfère à un autre acte de naissance daté du 25 décembre 1995, les appelants font valoir que ce livret de famille a été établi au Bénin, où la mère et sa fille résidaient, sur la base d'une photocopie, alors encore en leur possession, de l'acte de naissance daté du 25 décembre 1995. Au demeurant, le ministre de l'intérieur ne justifie pas avoir pris l'attache des autorités locales en vue de vérifier l'existence dans les registres d'état civil de cet acte de naissance du 25 décembre 1995, dont il dispose des références, alors qu'il a entrepris une telle démarche pour vérifier les actes d'état civil produits par les parents de Mlle F... K.... Enfin, M. D... F... a toujours soutenu dans ses échanges avec l'administration française, notamment dans son formulaire d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile renseigné le 27 février 2002 et dans son formulaire de demande d'asile du 11 mars 2002, qu'il était le père de " Kévin I... F... K... ", née le 15 décembre 1995 à Pointe-Noire au Congo, tout en indiquant alors qu'elle était portée disparue. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'acte de naissance reconstitué serait irrégulier, falsifié ou inexact, alors même qu'il mentionne des informations qui ne figuraient pas dans les réquisitions du procureur de la République près la cour d'appel de Pointe-Noire, telles que la profession, le domicile, le niveau d'instruction des parents et le nombre total d'enfants nés vivants. Dès lors, les appelants sont fondés à soutenir que le ministre de l'intérieur a entaché sa décision d'erreur d'appréciation en refusant de délivrer le visa sollicité au bénéfice de Mlle F... K... au motif que sa filiation avec M. D... F... ne pouvait être établie.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que les appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de refus de visa du 4 mars 2015.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

10. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur fasse droit à la demande de visa de Mlle F... K.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de long séjour sollicité par Mlle F... K... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à M. D... F..., Mme E... B... épouse D... F... et Mlle F... K... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 28 février 2019 du tribunal administratif de Nantes et la décision du

4 mars 2015 du ministre de l'intérieur refusant de délivrer un visa de long séjour à Mlle A... I... F... K... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de faire droit à la demande de Mlle A... I... F... K... tendant à se voir délivrer un visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à M. D... F..., Mme E... B... épouse D... F... et Mlle F... K... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D... F..., à Mme J... E... B... épouse D... F..., à Mlle A... I... F... K... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président-assesseur,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 septembre 2019.

Le rapporteur,

F.-X. BréchotLe président,

T. CÉLÉRIER

Le greffier,

C. POPSÉ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18NT01403


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01403
Date de la décision : 20/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : MOROSOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-09-20;18nt01403 ?
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