La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/07/2019 | FRANCE | N°19NT00848

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 19 juillet 2019, 19NT00848


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Force 5 a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2013 par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a autorisé la société Direct énergie génération à exploiter une centrale de production d'électricité de type cycle combiné à gaz à Landivisiau (Finistère).

Par un jugement n° 1301051 du 9 octobre 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

P

ar une requête et des mémoires enregistrés les 14 décembre 2015, 25 mai 2016, 26 décembre 2016 et 23 f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Force 5 a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2013 par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a autorisé la société Direct énergie génération à exploiter une centrale de production d'électricité de type cycle combiné à gaz à Landivisiau (Finistère).

Par un jugement n° 1301051 du 9 octobre 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 14 décembre 2015, 25 mai 2016, 26 décembre 2016 et 23 février 2017, l'association Force 5, représentée par la SCP A...et Gozlan, a demandé à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 octobre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie du 10 janvier 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge des sociétés Direct énergie génération et Compagnie électrique de Bretagne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit et de contradiction de motifs pour avoir rejeté sa demande comme irrecevable, alors que l'arrêté contesté fait suite à un appel d'offres effectué au regard de la compatibilité avec la protection de l'environnement et permet de désigner l'exploitant d'une installation de production d'énergie en un lieu déterminé ;

- l'arrêté attaqué porte atteinte à l'intérêt collectif qu'elle défend, conformément à ses statuts, le projet en cause devant notamment respecter le critère de compatibilité avec la protection de l'environnement ; son action répond en outre à un objectif conventionnel en vertu de l'article 9 de la convention d'Aarhus ; elle est en outre agréée ; elle a donc intérêt à agir ;

- le jugement attaqué est également irrégulier en ce qu'il a admis l'intervention de la société Compagnie électrique de Bretagne, qui n'a pas été formée par un mémoire distinct ; cette société ne peut, en outre, pas être considérée comme une partie au litige et, par suite, se voir attribuer le versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- l'arrêté contesté a été pris en l'absence d'information et de participation du public au projet, en méconnaissance de l'article 7 de la charte de l'environnement, de l'article 6 de la convention d'Aarhus, de la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 ;

- les informations prévues à l'article 2 du décret n° 2000-877 du 7 septembre 2000 n'ont pas été publiées ;

- l'arrêté contesté a également été pris en méconnaissance de l'article L. 311-5 du code de l'énergie, eu égard à l'atteinte portée à l'environnement par le projet et aux capacités financières insuffisantes de la société Direct énergie génération ;

- le projet ne répond pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements ;

- le projet de centrale à cycle combiné au gaz est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en raison de son inutilité ;

- la prime annuelle versée au candidat retenu en vertu du cahier des charges du projet constitue une aide d'Etat soumise à l'obligation de notification préalable auprès de la Commission européenne.

Par des mémoires en défense enregistrés les 7 mars 2016, 15 décembre 2016, le 24 janvier 2017 et le 29 mars 2017, les sociétés Direct énergie génération et Compagnie électrique de Bretagne, représentées par le cabinet d'avocats Boivin et associés, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'association Force 5 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que les moyens soulevés par l'association Force 5 ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 mai 2016 et 8 juillet 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'association Force 5 ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 15NT03726 du 15 mai 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif.

Par une décision n° 412493 du 25 février 2019, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé devant la cour administrative d'appel de Nantes le litige, qui porte désormais le n° 19NT00848.

Par mémoire récapitulatif et un mémoire, enregistrés le 12 avril 2019 et le 26 avril 2019, les sociétés Direct énergie génération et Compagnie électrique de Bretagne, représentées par le cabinet d'avocats Boivin et associés, concluent aux mêmes fins que leurs précédents mémoires, par les mêmes moyens.

Par mémoire récapitulatif, enregistré le 17 avril 2019, l'association Force 5, représentée par la SCP A...et Gozlan, conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte de l'environnement ;

- la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement ;

- la directive n° 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 ;

- le code de l'énergie ;

- le décret n° 2000-877 du 7 septembre 2000 ;

- le décret n° 2002-1434 du 4 décembre 2002 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Degommier,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- les observations de MeA..., représentant l'association Force 5, et de MeB..., représentant les sociétés Direct énergie génération et Compagnie électrique de Bretagne.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 10 janvier 2013, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a, en application de l'article L.311-1 du code de l'énergie, autorisé la société Direct énergie génération à exploiter une centrale de production d'électricité de type cycle combiné à gaz à Landivisiau (Finistère). Par un arrêté du 5 avril 2013, cette autorisation a été transférée à la société Compagnie électrique de Bretagne. Par jugement du 9 octobre 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté comme irrecevable la demande de l'association Force 5 tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2013, au motif que cette association ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre cet arrêté. Par un arrêt du 15 mai 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par l'association Force 5 contre ce jugement. Par une décision n° 412493 du 25 février 2019, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé le litige devant la cour.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, dans sa version alors en vigueur : " L'exploitation d'une installation de production électrique est subordonnée à une autorisation administrative délivrée selon la procédure prévue aux articles L. 311-5 et L. 311-6 ou au terme d'un appel d'offres en application de l'article L. 311-10. (...) ". Selon l'article

L. 311-10 du code de l'énergie, dans sa version alors en vigueur : " Lorsque les capacités de production ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements, notamment ceux concernant les techniques de production et la localisation géographique des installations, l'autorité administrative peut recourir à la procédure d'appel d'offres. / Les critères mentionnés à l'article L. 311-5 servent à l'élaboration du cahier des charges de l'appel d'offres. (...) ". Aux termes de l'article L. 311-5 du même code, dans sa version alors en vigueur : " L'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité est délivrée par l'autorité administrative en tenant compte des critères suivants : 1° La sécurité et la sûreté des réseaux publics d'électricité, des installations et des équipements associés ; 2° Le choix des sites, l'occupation des sols et l'utilisation du domaine public ; 3° L'efficacité énergétique ; 4° Les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ; 5° La compatibilité avec les principes et les missions de service public, notamment avec les objectifs de programmation pluriannuelle des investissements et la protection de l'environnement ; 6° Le respect de la législation sociale en vigueur. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 311-11 du même code, dans sa version alors en vigueur : " L'autorité administrative désigne le ou les candidats retenus et délivre les autorisations prévues à l'article L. 311-5 dans des conditions fixées par voie réglementaire. (...) ". Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'autorisation administrative prévue par l'article L. 311-1 du code de l'énergie ne concerne pas seulement les installations de production d'électricité ayant fait l'objet de la procédure d'appel d'offres prévue à l'article L. 311-10 du même code et n'a donc pas pour seul objet de désigner le ou les candidats retenus à l'issue de cette procédure mais constitue l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité et désigne non seulement le titulaire de cette autorisation mais également le mode de production et la capacité autorisée ainsi que le lieu d'implantation de l'installation.

3. Selon l'article 2 de ses statuts, l'association Force 5 a notamment pour objet " la protection de l'environnement et du cadre de vie ", et " la défense du patrimoine naturel et culturel, et particulièrement du littoral ", étant précisé qu'elle " oeuvrera pour limiter ou supprimer les nuisances de toutes natures et notamment celles générées par les installations classées (...) pour la protection de l'environnement " et que " le ressort territorial de l'association s'étend sur toutes les communes du Pays de Morlaix (...) ". Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté autorise l'exploitation d'une centrale de production d'électricité, sur un terrain situé dans la zone d'activités du Vern, sur le territoire de la commune de Landivisiau, qui fait partie du champ d'action géographique de l'association. Si cette autorisation ne dispense pas la société bénéficiaire d'obtenir les titres requis par d'autres législations, notamment celles du code de l'urbanisme et des installations classées pour la protection de l'environnement, elle n'en constitue pas moins l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité, pour un lieu d'implantation déterminé, en tenant compte de l'objectif de protection de l'environnement. Il ressort en particulier du dossier de demande que l'exploitation de cette installation, située à plus de cent mètres des habitations les plus proches, présente des enjeux en matière notamment de gestion de l'eau, d'émissions atmosphériques dues à la combustion du gaz naturel, d'impact paysager en raison de la hauteur des bâtiments. Compte tenu de son objet social, l'association Force 5 justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté contesté du 10 janvier 2013. Il suit de là que le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité en rejetant comme irrecevable, pour défaut d'intérêt pour agir, la demande de l'association Force 5.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association Force 5 devant le tribunal administratif de Rennes.

Sur la légalité de l'arrêté contesté du 10 janvier 2013 :

En ce qui concerne la forme de l'arrêté :

5. Aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, alors applicable : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Il ressort des pièces du dossier que l'original de l'arrêté contesté du 10 janvier 2013 de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie comporte en caractères lisibles l'ensemble des mentions exigées par les dispositions ci-dessus rappelées. Dès lors, la circonstance que l'extrait de cette décision publié au journal officiel, qui a été produit par la requérante, ne comporte pas l'intégralité de ces mentions est sans incidence sur la légalité de cet arrêté.

En ce qui concerne la procédure d'élaboration :

6. Aux termes de l'article 2 du décret du 7 septembre 2000, relatif à l'autorisation d'exploiter des installations de production d'électricité : " La demande d'autorisation d'exploiter est adressée en trois exemplaires au ministre chargé de l'énergie. (...) Le ministre chargé de l'énergie accuse réception de la demande. Sous réserve des secrets protégés par la loi, il procède à la publication, par extraits, au Journal officiel de la République française, des principales caractéristiques de la demande, relatives à la capacité de production, aux énergies primaires et aux techniques de production utilisées, ainsi qu'à la localisation de l'installation ". L'association Force 5 soutient que le ministre n'a pas procédé à la publication des principales caractéristiques de la demande d'autorisation, en méconnaissance de ces dispositions.

7. Il résulte toutefois des dispositions précitées de l'article L. 311-1 du code de l'énergie que l'autorisation administrative d'exploiter une installation de production électrique est délivrée soit selon la procédure prévue aux articles L. 311-5 et L. 311-6 de ce code soit au terme d'un appel d'offres en application de l'article L. 311-10. Il est constant que l'autorisation litigieuse a été délivrée à l'issue d'un appel d'offres. Aux termes de l'article 13 du décret du 4 décembre 2002 relatif à la procédure d'appel d'offres pour les installations de production d'électricité : " I. - Le ministre chargé de l'énergie recueille l'avis motivé de la Commission de régulation de l'électricité sur le choix qu'il envisage, puis désigne le ou les candidats retenus. II. - Le ministre délivre à chaque candidat retenu l'autorisation d'exploiter correspondante. Il avise tous les autres candidats du rejet de leurs offres. III. - Le ministre procède à la publication au Journal officiel de la République française de l'avis de la commission mentionné au I du présent article en même temps qu'il publie les extraits mentionnés à l'article 13 du décret du 7 septembre 2000 susvisé. ". Et selon l'article 13 du décret du 7 septembre 2000 auquel il est renvoyé : " Le ministre chargé de l'énergie procède à la publication par extraits au Journal officiel de la République française des autorisations et des récépissés délivrés. Cette publication contient les éléments mentionnés au 1° et au dernier alinéa de l'article 2 ". Il ressort des pièces du dossier que l'avis de la commission de régulation de l'énergie du 28 février 2012 a été publié au Journal officiel le 29 mars 2013, et que l'arrêté contesté a été également publié au Journal officiel, avec la mention des principales caractéristiques de la demande, relatives à la capacité de production, aux énergies primaires et aux techniques de production utilisées, et de la localisation de l'installation, conformément à ce que prévoit l'article 13 du décret du 7 septembre 2000. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 du décret du 7 septembre 2000 doit être écarté.

En ce qui concerne l'information et la participation du public :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée le 25 juin 1998 : " 2. Lorsqu'un processus décisionnel touchant l'environnement est engagé, le public concerné est informé comme il convient, de manière efficace et en temps voulu, par un avis au public ou individuellement, selon le cas, au début du processus. (...) 3. (...) il est prévu des délais raisonnables laissant assez de temps pour informer le public conformément au paragraphe 2 ci-dessus et pour que le public se prépare et participe effectivement aux travaux tout au long du processus décisionnel en matière d'environnement". L'article 6 de la directive n° 85/337/CEE du 27 juin 1985, dans sa rédaction issue de la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mai 2003, dispose que : " (...) 4. À un stade précoce de la procédure, le public concerné se voit donner des possibilités effectives de participer au processus décisionnel en matière d'environnement visé à l'article 2, paragraphe 2, et, à cet effet, il est habilité à adresser des observations et des avis, lorsque toutes les options sont envisageables, à l'autorité ou aux autorités compétentes avant que la décision concernant la demande d'autorisation ne soit prise ". Et aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement".

9. Si les dispositions précitées du code de l'énergie n'ont pas prévu de procédure permettant l'information et la participation du public, il ressort des pièces du dossier que le projet de création d'une nouvelle unité de production d'électricité en Bretagne, ainsi que le type de centrale, sa puissance, et sa localisation à Landivisiau ont été présentés, dans le cadre de la Conférence Bretonne de l'Energie, instance d'échanges coprésidée par l'État et la Région, et réunissant notamment, l'ADEME, des élus et parlementaires, les syndicats des énergies renouvelables, le CESER, le réseau économique et associatif, et ce lors de réunions des 24 septembre 2010, 19 avril 2011 et 22 mars 2012. Le projet a ensuite fait l'objet d'une présentation au sein d'un dossier de presse exposant les principales caractéristiques et les impacts attendus de la centrale à combiné gaz, et d'une concertation à destination des élus et du public, sous la forme d'une page " questions-réponses ", d'un espace participatif sur le site internet de la préfecture de Bretagne et de " rendez-vous de la concertation " qui se sont tenus lors de réunions les 15 juin, 25 septembre et 13 novembre 2012 réunissant des élus locaux, diverses associations, dont l'association Force 5, et ce, avant l'adoption de l'arrêté contesté du 10 janvier 2013. Les participants à cette concertation ont été mis à même de s'exprimer et d'adresser des courriers. Ainsi, la soumission du projet à cette concertation, qui a eu lieu à un stade précoce de la procédure et a permis au public de faire valoir ses observations et ses avis alors que la décision d'autorisation n'était pas encore prise, doit être regardée comme une modalité d'information et de participation du public assurant la mise en oeuvre des objectifs fixés par les stipulations et dispositions citées ci-dessus de l'article 6 de la convention d'Aarhus, de l'article 6 de la directive du 27 juin 1985 et de l'article 7 de la Charte de l'environnement.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " I.- La Commission nationale du débat public est saisie de tous les projets d'aménagement ou d'équipement qui, par leur nature, leurs caractéristiques techniques ou leur coût prévisionnel, tel qu'il peut être évalué lors de la phase d'élaboration, répondent à des critères ou excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat. ". En vertu de l'article R. 121-2 du même code, pris pour l'application de ces dispositions, cette commission est saisie de plein droit des projets d'équipements industriels dont le coût des bâtiments et infrastructures est supérieur à 300 millions d'euros. Il ressort du dossier de demande que le montant de l'investissement nécessaire au projet de centrale est estimé à 428,2 millions d'euros, dont 306,2 millions d'euros au titre du contrat " EPC " signé avec la société Siemens, laquelle s'engage à réaliser la conception, la construction puis la livraison de la centrale. Toutefois, le coût pris en compte pour apprécier le respect de ces dispositions s'entend de celui des seuls bâtiments et infrastructures, à l'exclusion des équipements dont ils sont dotés. Il ressort notamment d'un courrier du 2 octobre 2012 de la société Siemens que le coût de la partie génie civil, incluant notamment les bâtiments et infrastructures de la centrale, est estimé à 75 millions d'euros, tel qu'il pouvait raisonnablement être évalué lors de l'élaboration du projet. Par suite, le moyen tiré de ce que la Commission nationale du débat public aurait dû être saisie du projet en vertu des dispositions précitées doit être écarté.

En ce qui concerne l'existence d'une aide d'Etat :

11. L'arrêté contesté du 10 janvier 2013 se borne à autoriser la société Direct énergie à exploiter une centrale de production d'électricité, en application de l'article L. 311-1 du code de l'énergie et au vu des critères énumérés à l'article L. 311-5 de ce code, et ne comporte par lui-même le versement d'aucune rémunération. Si le cahier des charges de l'appel d'offres mentionne qu'en application de l'article L. 311-12 du code de l'énergie, un contrat d'achat d'électricité est conclu entre Electricité de France et le candidat retenu, que ce contrat démarre lors de la mise en service de l'installation et que le producteur percevra une prime destinée à couvrir uniquement les surcoûts liés à la localisation de l'installation, à l'acheminement du gaz, le versement de cette prime résulte de la mise en service de l'installation consécutive à la conclusion du contrat d'achat et non de l'autorisation d'exploiter. Par suite, le moyen tiré de ce que la prime en cause constitue une aide d'Etat soumise à l'obligation de notification préalable auprès de la Commission européenne doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne le respect des critères de l'article L. 311-5 du code de l'énergie :

12. Aux termes de l'article L. 311-5 du code de l'énergie, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité est délivrée par l'autorité administrative en tenant compte des critères suivants : 1° La sécurité et la sûreté des réseaux publics d'électricité, des installations et des équipements associés ; 2° Le choix des sites, l'occupation des sols et l'utilisation du domaine public ; 3° L'efficacité énergétique ; 4° Les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ; 5° La compatibilité avec les principes et les missions de service public, notamment avec les objectifs de programmation pluriannuelle des investissements et la protection de l'environnement ; 6° Le respect de la législation sociale en vigueur ".

13. En premier lieu, il ressort notamment de la délibération du 28 février 2012 de la commission de régulation de l'énergie que le projet " Réussir ensemble " présenté notamment par la société Direct énergie génération a été retenu après avoir été classé en premier au titre du critère relatif à la prime versée au producteur et à celui relatif à la date de mise en service, et a obtenu la meilleure note en ce qui concerne le critère du " choix du site et environnement ", au motif que le projet est éloigné des zones naturelles protégées. Le dossier de demande d'autorisation d'exploiter déposé par Direct Énergie comportait l'ensemble des éléments permettant au ministre d'apprécier le respect du critère de la protection de l'environnement, avec notamment une description des enjeux liés au milieu naturel et des impacts potentiels du projet sur la gestion de l'eau, sur les émissions atmosphériques, sur les paysages, sur la santé publique et un exposé des mesures prévues pour limiter les impacts. Il ressort du dossier de demande que le site retenu ne présente pas de sensibilité particulière, qu'il n'est pas situé dans une zone Natura 2000 ni dans une zone naturelle protégée. Si l'association évoque la présence d'espèces protégées sur le site, dont la linotte mélodieuse, le bouvreuil pivoine, la couleuvre à collier et l'escargot de Quimper, le dossier indique qu'une étude faune/flore/habitats sera effectuée et qu'une première approche du contexte écologique a conclu que le terrain est compatible avec la réalisation de l'installation projetée. La commission de régulation de l'énergie relève que le site retenu est éloigné des zones naturelles protégées, qu'un espace a été préservé autour de la partie du site présentant un potentiel écologique, qu'aucun monument historique n'est situé à proximité immédiate, que le centre-ville est à l km et que le document d'urbanisme en vigueur permet déjà l'implantation d'installations soumises à autorisation. Il ressort également du dossier de demande que les éventuels effets du projet sur la santé publique ont été pris en compte aux § 7.4.4. et 7.5.5., notamment en ce qui concerne les effluents atmosphériques, les émissions sonores. Le dossier précise, s'agissant de la zone humide, que : " (...) ce secteur ne représente qu'une faible proportion du terrain mis à disposition : cette zone représente cependant un enjeu environnemental potentiel, il est donc nécessaire de la préserver (...) c'est pourquoi, d'ores et déjà, il est retenu de ne pas utiliser la totalité du terrain mis à disposition et d'exclure toutes activités et constructions sur cette zone naturelle (...) ". La société pétitionnaire prévoit également, pour atténuer l'impact paysager, l'implantation de la centrale dans une zone industrielle, éloignée du périmètre de protection des monuments historiques, ainsi que la création d'un espace vert paysager et l'enfouissement des lignes électriques. Des mesures relatives à la maîtrise et la limitation des risques et dangers potentiels en cas d'accident sont également prévues. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne la protection de l'environnement.

14. En deuxième lieu, il ressort du rapport remis au Parlement sur la période 2009-2020 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements, que la Région Bretagne ne produit que 7 % de l'énergie qu'elle consomme, cette énergie étant essentiellement produite à l'extérieur de la région et acheminée sur de longues distances via le réseau de transport. Il est souligné que " La mise en service d'un moyen de production dans la région de Saint Brieuc, en complément du parc de production existant qu'il est nécessaire de pérenniser, apparaît comme la seule solution permettant de faire face à la situation dans les délais impartis pour mettre en oeuvre le renforcement du réseau de transport en Bretagne ". Ainsi que l'indique le rapport de Réseau de transport d'électricité, l'augmentation de la consommation d'électricité en Bretagne est plus rapide que la moyenne nationale sur la période 2006-2015, avec une augmentation de 12 % entre 2006 et 2015, en raison notamment de la forte croissance démographique de la région. Dans ces conditions, le projet d'implantation d'une installation de production d'électricité à Landivisiau n'est pas incompatible avec la programmation pluriannuelle des investissements.

15. En troisième lieu, le dossier de demande de la société Direct Énergie Génération indique que le financement des principaux investissements, d'un montant de 490 millions d'euros, sera assuré par des fonds propres apportés par les actionnaires à hauteur de 30 % et par un financement bancaire pour 70 %, sous forme d'un " crédit-projet ". La société a indiqué dans sa demande la liste des établissements de crédit intéressés et produit des lettres d'intérêt de ceux-ci, pour un montant cumulé de 530 millions d'euros, qui excède largement le besoin de financement précité. Il est également indiqué que la société Siemens energy s'est engagée à construire la centrale dans le cadre d'un contrat " EPC " et sera soumise à une obligation de résultat, tandis que le risque d'exploitation sera couvert par la signature d'un contrat de maintenance avec Siemens energy. La société Direct Énergie Génération est la filiale de la société Direct Energie, dont le chiffre d'affaires sur le premier semestre 2013 s'élevait selon le ministre à 414,6 millions d'euros. La commission de régulation de l'énergie a considéré lors de la procédure d'appel d'offre que " Le recours à l'endettement sera assuré par certains des établissements de crédit bancaire reconnus ayant tous joint une lettre d'intention au dossier. Les montants proposés dans ces lettres d'intention dépassent les besoins d'endettement évalués par la société ". Le groupe Direct Energie a d'ailleurs présenté un résultat net positif et en forte croissance de 27,2 millions d'euros au titre de l'exercice 2015 contre 15,2 millions en 2014, 6,4 en 2013 et 4,5 en 2012. Le chiffre d'affaires de 2016 s'est accru de 66,5 % à 1 692 millions d'euros et le résultat opérationnel courant s'établit à 86,8 millions d'euros. Dès lors, le ministre n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des capacités financières de la société.

16. Enfin, si l'association Force 5 conteste l'utilité de la centrale en faisant valoir que l'approvisionnement de la Bretagne en électricité est suffisant et qu'il existe d'autres solutions alternatives moins coûteuses, il n'appartient pas au juge d'apprécier l'opportunité du choix d'un tel équipement.

17. Il résulte de ce qui précède que l'association Force 5 n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie du 10 janvier 2013.

Sur les frais liés au litige :

18. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) ". La société Direct Énergie Génération, bénéficiaire de l'autorisation d'exploiter et la société Compagnie électrique de Bretagne, à laquelle l'autorisation d'exploiter litigieuse a été transférée en cours d'instance, ont la qualité de partie à l'instance au sens des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et non d'intervenants. Elles peuvent donc prétendre au remboursement des frais, liés au litige, qu'elles ont exposés.

19. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et des sociétés Direct Énergie Génération et Compagnie électrique de Bretagne qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes dont l'association Force 5 sollicite le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par les sociétés Direct Énergie Génération et Compagnie électrique de Bretagne et de mettre à la charge de l'association Force 5 une somme globale de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 9 octobre 2015 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande de l'association Force 5 et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : L'association Force 5 versera aux sociétés Direct énergie génération et Compagnie électrique de Bretagne une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Force 5, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, à la société Direct énergie génération et à la société Compagnie électrique de Bretagne.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2019, où siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président-assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2019.

Le rapporteur,

S. DEGOMMIERLe président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis

en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées,

de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00848


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00848
Date de la décision : 19/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : SCP FARO et GOZLAN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-19;19nt00848 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award