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19/07/2019 | FRANCE | N°18NT02488

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 19 juillet 2019, 18NT02488


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Alger (Algérie) du 5 avril 2015 refusant un visa d'entrée et de long séjour à Mlle C...E....

Par un jugement n° 1601050 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :<

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Par une requête, enregistrée le 27 juin 2018, Mme D... et MmeE..., représentées par MeA......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Alger (Algérie) du 5 avril 2015 refusant un visa d'entrée et de long séjour à Mlle C...E....

Par un jugement n° 1601050 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juin 2018, Mme D... et MmeE..., représentées par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2018 ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au consul de France à Alger de délivrer le visa sollicité, ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de la demande de visa, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de la commission ne comporte aucune motivation, alors que le refus de visa concerne un membre de famille de ressortissant français et que la communication des motifs de la décision a été demandée ;

- il n'est pas établi que la commission se serait réunie afin de se prononcer sur la demande de visa ;

- Mme D...détient depuis le 29 octobre 2014, l'autorité parentale sur sa petite fille C...et est devenue sa tutrice ; il est de l'intérêt de l'enfant d'être élevée par sa grand-mère ; les parents de C...ne disposent plus des ressources nécessaires pour s'occuper de leur fille ; Mme D...dispose de ressources suffisantes et d'un logement adapté de type 2 ; elle peut donc accueillir décemment sa petite fille, à laquelle elle rend visite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à son mémoire produit en première instance et soutient que :

- la demanderesse de visa étant devenue majeure, elle ne pourrait, en cas d'injonction, bénéficier d'un visa, la kafala ne produisant plus d'effets ;

- les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Degommier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... relève appel du jugement du 3 mai 2018 du tribunal administratif de Nantes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Alger (Algérie) du 5 avril 2015, refusant un visa d'entrée et de long séjour à Mlle C...E..., née le 27 juin 2000, qui a été confiée à MmeD..., sa grand-mère, par acte de kafala du 29 octobre 2014.

Sur la légalité de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : "Par dérogation aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, les décisions de refus de visa d'entrée en France, prises par les autorités diplomatiques ou consulaires, ne sont pas motivées sauf dans les cas où le visa est refusé à un étranger appartenant à l'une des catégories suivantes et sous réserve de considérations tenant à la sûreté de l'Etat : 1° Membres de la famille de ressortissants des Etats membres de l'Union européenne et des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen qui ne sont pas ressortissants de l'un de ces Etats, appartenant à des catégories définies par décret en Conseil d'Etat ; 2° Conjoints, enfants de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendants de ressortissants français et partenaires liés à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité ; 3° Enfants mineurs ayant fait l'objet, à l'étranger, d'une décision d'adoption plénière au profit de personnes titulaires d'un agrément pour adoption délivré par les autorités françaises ; (...) ". Il découle de ces dispositions que la commission de recours contre les refus de visa n'est tenue, lorsqu'elle confirme un refus de visa opposé par une autorité diplomatique ou consulaire, de motiver sa décision que dans les cas limitativement énoncés par ces dispositions. MmeE..., de nationalité algérienne, confiée à sa grand-mère en vertu d'un acte de " kafala " établi le 29 octobre 2014 par le tribunal d'Amizour, n'entre dans aucune des catégories d'étrangers énumérées à l'article L. 211-2 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile pour lesquelles une décision de refus de visa doit être motivée. Par voie de conséquence, le moyen est inopérant et ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, la décision contestée résultant du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, les requérantes ne peuvent utilement invoquer l'irrégularité tenant à l'absence de réunion de cette commission.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans sa rédaction issue du troisième avenant à cet accord : " Les membres de famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent./ Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente./ Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants :/ 1 Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille (...)/ 2 Le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France./ Peut être exclu de regroupement familial :/ 1 Un membre de la famille atteint d'une maladie inscrite au règlement sanitaire international ;/ 2 Un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français./ Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées au Titre II du Protocole annexé au présent Accord. Un regroupement familial partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants ". Aux termes du titre II du protocole annexé à l'accord franco-algérien, dans sa rédaction issue du troisième avenant : " les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne, dans l'intérêt supérieur de l'enfant ".

5. L'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Ainsi dans le cas où est demandé, sur le fondement des stipulations précédemment citées de l'accord franco-algérien, le regroupement familial en vue de permettre à un enfant de rejoindre en France un ressortissant algérien qui en a la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne, l'autorisation de regroupement familial ne peut, en règle générale, eu égard aux stipulations de l'accord franco-algérien, être refusée pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait de demeurer en Algérie auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille. En revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, l'autorité administrative peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, sur les motifs énumérés à l'article 4 de l'accord franco-algérien, notamment sur ceux tirés de ce que les conditions d'accueil de l'enfant en France seraient, compte tenu en particulier des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt.

6. Il ressort des pièces du dossier que la jeune C...E..., née le 27 juin 2000, a été confiée à sa grand-mère, MmeD..., par acte de recueil légal (kafala) rendu le 29 octobre 2014 par le tribunal d'Amizour, alors qu'elle était âgée de quatorze ans. Il ressort des avis d'imposition produits que Mme D...percevait un revenu de 6 924 euros pour l'année 2014, de 7 032 euros pour l'année 2015, 7 048 euros pour l'année 2016 tandis que son épargne ne s'élève qu'à 2 000 euros environ. En outre, le logement qu'elle loue, bien qu'il soit désormais d'une surface habitable de 45 m², ne comporte qu'une seule chambre et n'est ainsi, pas en mesure d'accueillir une adolescente de 15 ans dans des conditions favorables à son épanouissement. Ainsi, Mme D...ne dispose ni de revenus suffisants, ni d'un logement adapté pour assurer l'éducation et l'entretien de Mlle C...E..., alors que celle-ci, âgée de 15 ans à la date du dépôt de la demande de visa, vivait avec ses deux parents, bien que ces derniers aient renoncé à l'élever, ainsi qu'avec ses trois frères et soeurs. En outre, il est constant que l'intéressée a toujours vécu depuis sa naissance en Algérie, où elle était régulièrement scolarisée. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a entaché sa décision ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur d'appréciation en refusant de délivrer le visa demandé pour Mme C...E....

7. Il résulte de ce qui précède que Mme D... et Mme E...ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de MmeD.... Par suite, leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme D... et Mme E...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... et Mme E...est rejetée.

Article : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D..., à Mme C... E...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 juillet 2019.

Le rapporteur,

S. DEGOMMIER

Le président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02488


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02488
Date de la décision : 19/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : GOUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-19;18nt02488 ?
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