Vu la procédure suivante :
Par des requêtes enregistrées le 11 juin 2015 sous le n° 1504909 et le 16 janvier 2017 sous le n° 1700446, Mme S...P..., épouseH..., M. U...P..., M. I...P...et Mme W...B..., épouse P...ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement la commune de La Faute-sur-Mer, l'Etat et l'association syndicale de la vallée du Lay à leur verser une somme de 950 000 euros en réparation des préjudices subis consécutivement à la survenue de la tempête Xynthia au cours de la nuit du 27 au 28 février 2010.
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1504909 et n° 1700446 du 12 février 2018, le tribunal administratif de Nantes n'a fait droit à leur demande qu'à hauteur de 40 000 euros en ce qui concerne la succession de M. C...et Mme O...P..., de 10 000 euros chacun pour MmeH..., M. I...P..., M. U...P...et de 3 000 euros pour Mme W...B...épouseP..., ces sommes étant majorées des intérêts de droit, eux-mêmes capitalisés.
Procédure devant la cour :
I- Par une requête enregistrée le 13 avril 2018 sous le n° 18NT01529 et un mémoire enregistré le 7 juin 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour d'annuler le jugement n° 150909-1700446 du 12 février 2018 en tant qu'il a retenu la responsabilité de l'Etat et l'a condamné solidairement avec la commune de La Faute-sur-Mer et l'Association syndicale de la vallée du Lay (ASVL) à prendre en charge 35 % des condamnations prononcées.
Il soutient que :
- il n'entend contester ni le principe ni le montant des indemnisations accordées par le tribunal aux consorts P...mais seulement la répartition de la charge de ces indemnisations entre les collectivités ;
- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé, notamment en ce qui concerne la faute liée à l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) ; aucune responsabilité ne peut être engagée, les digues étant bien entretenues, aucun rehaussement de l'ouvrage ne s'imposait compte tenu de la cote de référence ;
- aucune faute lourde ne peut lui être reprochée en ce qui concerne la tutelle sur les associations syndicales, la coordination des actions entre la commune et l'ASVL ou l'approbation du PPRI,
- aucun lien de causalité n'existe entre les fautes alléguées et les préjudices invoqués ;
- la commune a commis des fautes d'une particulière gravité.
Par un mémoire enregistré le 24 octobre 2018, Mme S...P...épouseH..., M. U... P..., M. I...P...et Mme W...B...épouseP..., représentés par MeK..., demandent à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris quant à la responsabilité de la commune de La Faute-sur-Mer, de l'Etat et de l'association syndicale de la vallée du Lay ;
- de leur allouer une somme de 950 000 euros en réparation de leurs préjudices ;
- de mettre à la charge de la commune de La Faute-sur-Mer, de l'Etat et de l'association syndicale de la vallée du Lay la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative
Ils soutiennent que :
- ils s'en rapportent à justice sur la répartition des responsabilités entre la commune, l'Etat et l'ASA ;
- aucune tardiveté de leur demande indemnitaire ne peut être constatée ; la requête initialement présentée a été régularisée dans les délais impartis par le tribunal administratif ;
- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la commune de l'Etat et de l'ASVL et les a condamnés solidairement ;
- il doit être fait une plus juste appréciation de leurs préjudices dès lors que le préjudice moral subi a eu des répercussions sur la santé de M. I...P..., M. Q...P...est décédé d'un cancer développé des suites de Xynthia ;
- chacun des trois enfants de M. et Mme C...P...doit être indemnisé par le versement d'une somme de 200 000 euros en réparation du préjudice découlant du décès de leurs parents ; le préjudice d'angoisse de mort de chacune des victimes doit être réparé par le versement d'une somme de 50 000 euros chacun ;
- le préjudice moral de Mme W...P..., belle-fille des victimes, doit être réparé par le versement d'une somme de 200 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 20 novembre 2018, la commune de La Faute-sur-Mer, représentée par MeM..., conclut :
- à titre principal, au rejet de la requête ;
- à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire ou l'un à défaut de l'autre, de l'ASVL et de l'Etat à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.
Elle soutient que :
- la requête indemnitaire est irrecevable comme tardive ;
- l'ASVL, débiteur de l'obligation d'entretien de la digue Est n'apporte pas la preuve d'un entretien normal ; l'Etat était tenu d'une obligation de conseil dans le cadre de l'instruction des permis de construire ; le risque de submersion marine bien que connu a été sous-estimé,
Par un mémoire en défense enregistré le 30 janvier 2019, l'Association syndicale de la Vallée du Lay (ASVL), représentée par MeT..., conclut :
- à l'infirmation du jugement du tribunal administratif de Nantes;
- à titre principal, à sa mise hors de cause et au rejet de toute demande d'appel en garantie formulées par l'Etat ou la commune de La Faute-sur-Mer ;
- à titre subsidiaire, à la condamnation de la société MMA Iard à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et à la condamnation de la commune de La Faute-sur-Mer et de l'Etat à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
- à la condamnation de la commune de La Faute-sur-Mer et de l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la catastrophe Xynthia présente le caractère d'un cas de force majeure ;
- sa responsabilité doit être écartée dès lors qu'aucune responsabilité pénale n'a été retenue à son encontre ; aucun défaut d'entretien ne peut lui être reproché ; ses missions ne peuvent se superposer avec celles de l'ASMF ; sa responsabilité n'est pas recherchée par les victimes ;
- subsidiairement, elle doit être garantie par la société MMA Iard.
Par un mémoire enregistré le 7 février 2019, la SMACL assurances, représentée par MeJ..., s'associe aux conclusions d'appel de la commune de La Faute-sur-Mer en renvoyant à ses écritures de première instance.
Des notes en délibéré ont été présentées les 27 juin et 3 juillet 2019 par le ministre chargé de l'écologie.
II - Par une requête enregistrée le 16 avril 2018 sous le n° 18NT01557, la commune de La Faute-sur-Mer, représentée par MeM..., demande à la cour :
- à titre principal, de rejeter la requête indemnitaire ;
- à titre subsidiaire, de condamner solidairement ou l'un à défaut de l'autre, l'ASVL et l'Etat à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.
Elle soutient que :
- la demande indemnitaire est irrecevable car tardive ;
- l'ASVL débiteur de l'obligation d'entretien de la digue Est n'apporte pas la preuve d'un entretien normal ; l'Etat était tenu d'une obligation de conseil dans le cadre de l'instruction des permis de construire ; le risque de submersion marine bien que connu a été sous-estimé.
Par un mémoire enregistré le 24 octobre 2018, Mme S...P...épouseH..., M. U... P..., M. I...P...et Mme W...B...épouseP..., représentés par MeK..., demandent à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris quant à la responsabilité de la commune de La faute sur mer, de l'Etat et de l'association syndicale de la vallée du Lay ;
- de leur allouer une somme de 950 000 euros en réparation de leurs préjudices ;
- de mettre à la charge de la commune de La Faute-sur-Mer, de l'Etat et de l'association syndicale de la vallée du Lay la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils s'en rapportent à justice sur la répartition des responsabilités entre la commune, l'Etat et l'ASVL ;
- aucune tardiveté de leur demande indemnitaire ne peut être constatée ; la requête initialement présentée a été régularisée dans les délais impartis par le tribunal administratif ;
- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la commune de l'Etat et de l 'ASVL et les a condamnés solidairement ;
- il doit être fait une plus juste appréciation de leurs préjudices dès lors que le préjudice moral subi a eu des répercussions sur la santé de M. I...P..., M. Q...P...est décédé d'un cancer développé des suites de Xynthia ;
- chacun des trois enfants de M. et Mme C...P...doit être indemnisé par le versement d'une somme de 200 000 euros en réparation du préjudice découlant du décès de leurs parents ; le préjudice d'angoisse de mort de chacune des victimes doit être réparé par le versement d'une somme de 50 000 euros chacun ;
- le préjudice moral de Mme W...P..., belle-fille des victimes doit être réparé par le versement d'une somme de 200 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 30 octobre 2018, l'association syndicale de la Vallée du Lay (ASVL), représentée par MeT..., conclut :
- à l'infirmation du jugement du tribunal administratif de Nantes ;
- à titre principal, à sa mise hors de cause et au rejet de toute demande d'appel en garantie formulées par l'Etat ou la commune de La Faute-sur-Mer ;
- à titre subsidiaire, à la condamnation de la société MMA Iard à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et à la condamnation de la commune de La Faute-sur-Mer et de l'Etat à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre
- à la condamnation de la commune de La Faute-sur-Mer et de l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que :
- la catastrophe Xynthia présente le caractère d'un cas de force majeure ;
- sa responsabilité doit être écartée dès lors qu'aucune responsabilité pénale n'a été retenue à son encontre ; aucun défaut d'entretien ne peut lui être reproché ; ses missions ne peuvent se superposer avec celles de l'ASMF ; sa responsabilité n'est pas recherchée par les victimes ;
- subsidiairement, elle doit être garantie par la société MMA Iard.
Par un mémoire enregistré le 7 février 2019, la SMACL Assurances, représentée par Me Doniass'associe aux conclusions d'appel de la commune de La Faute-sur-Mer en renvoyant à ses écritures de première instance.
Un mémoire a été présenté le 27 mai 2019 pour la société MMA IARD SA par Me Claissequi conclut au rejet des conclusions de la requête en tant qu'elles sont dirigées contre l'ASVL.
Elle soutient qu'aucune responsabilité ne peut être mise à la charge de l'ASVL ; aucun défaut d'entretien ne peut être constaté et aucun lien de causalité n'existe entre ce défaut et les préjudices dont il est demandé réparation.
Une mise en demeure a été adressée le 26 septembre 2018 au ministre de la transition écologique et solidaire.
III- Par une requête enregistrée le 19 avril 2018 sous le n° 18NT01631 et un mémoire enregistré le 30 janvier, l'Association syndicale de la vallée du Lay (ASVL), représentée par MeT..., demande à la cour :
- d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 février 2018 ;
- à titre principal, à sa mise hors de cause et au rejet de toute demande d'appel en garantie formulées par l'Etat ou la commune de La Faute-sur-Mer ;
- à titre subsidiaire, à la condamnation de la société MMA Iard à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et à la condamnation de la commune de La Faute-sur-Mer et de l'Etat à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
- à la condamnation de la commune de La Faute-sur-Mer et de l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la catastrophe Xynthia présente le caractère d'un cas de force majeure ;
- sa responsabilité doit être écartée dès lors qu'aucune responsabilité pénale n'a été retenue à son encontre ; aucun défaut d'entretien ne peut lui reproché ; ses missions ne peuvent se superposer avec celles de l'ASMF ; sa responsabilité n'est pas recherchée par les victimes ;
- subsidiairement, elle doit être garantie par la société MMA Iard.
Par un mémoire enregistré le 24 octobre 2018, Mme S...P...épouseH..., M. U... P..., M. I...P...et Mme W...B...épouseP..., représentés par MeK..., demandent à la cour :
- de confirmer le jugement attaqué quant à la responsabilité de la commune de La faute sur mer, de l'Etat et de l'association syndicale de la vallée du Lay ;
- de leur allouer une somme de 950 000 euros en réparation de leurs préjudices ;
- de mettre à la charge de la commune de La Faute-sur-Mer, de l'Etat et de l'association syndicale de la vallée du Lay la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils s'en rapportent à justice sur la répartition des responsabilités entre la commune, l'Etat et l'ASA ;
- aucune tardiveté de leur demande indemnitaire ne peut être constatée ; la requête initialement présentée a été régularisée dans les délais impartis par le tribunal administratif ;
- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la commune de l'Etat et de l 'ASVL et les a condamnés solidairement ;
- il doit être fait une plus juste appréciation de leurs préjudices dès lors que le préjudice moral subi a eu des répercussions sur la santé de M. I...P..., M. Q...P...est décédé d'un cancer développé des suites de Xynthia ;
- chacun des trois enfants de M et Mme C...P...doit être indemnisé par le versement d'une somme de 200 000 euros en réparation du préjudice découlant du décès de leurs parents ; le préjudice d'angoisse de mort de chacune des victimes doit être réparé par le versement d'une somme de 50 000 euros chacun ;
- le préjudice moral de Mme W...P..., belle-fille des victimes, doit être réparé par le versement d'une somme de 200 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 20 novembre 2018, la commune de La Faute-sur-Mer, représentée par MeM..., conclut :
- à titre principal au rejet de la requête indemnitaire ;
- à titre subsidiaire, de condamner solidairement ou l'un à défaut de l'autre, l'ASVL et l'Etat à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
Elle soutient que :
- la demande indemnitaire est irrecevable car tardive ;
- l'ASVL débiteur de l'obligation d'entretien de la digue Est n'apporte pas la preuve d'un entretien normal ; l'Etat était tenu d'une obligation de conseil dans le cadre de l'instruction des permis de construire ; le risque de submersion marine bien que connu a été sous-estimé.
Par un mémoire enregistré le 7 février 2019, la SMACL assurances, représentée par MeL..., s'associe aux conclusions d'appel de la commune de La Faute-sur-Mer et renvoie à ses écritures de première instance.
Par des mémoires enregistrés les 8 février, 19 avril et 20 juin 2019 (non communiqué), ce dernier n'ayant pas été communiqué, la compagnie d'assurances Groupama Centre Atlantique, représentée par MeV..., conclut :
- au rejet des conclusions présentées par l'ASVL ;
- à la condamnation de la seule compagnie MMA à garantir l'ASVL ;
- à la mise en oeuvre des seules clauses et garanties du contrat souscrit ;
- à la condamnation de l'Etat et de la commune de La Faute-sur-Mer au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le juge administratif est compétent pour connaître du contrat d'assurance ;
- aucune irrecevabilité ne peut être constatée ;
- aucune responsabilité ne peut lui être imputée ;
- subsidiairement, il doit être fait application de l'article L 124-5 du code des assurances ; MMA doit seule sa garantie à l'ASVL.
- l'appel en garantie formé à son encontre constitue des conclusions nouvelles qui sont irrecevables.
Un mémoire a été présenté le 27 mai 2019 pour la société MMA IARD SA par Me Claisseconclut :
- A l'annulation du jugement en tant qu'il a condamné l'ASVL à indemniser les consorts P...et a fixé sa part de responsabilité à 15 % ;
- Au rejet de l'appel en garantie formé par l'ASVL à son encontre.
Elle soutient que :
- Aucune responsabilité ne peut être mise à la charge de l'ASVL ;
- Aucun lien de causalité n'existe entre un éventuel défaut d'entretien et les préjudices dont il est demandé réparation ;
- Les conséquences dommageables de la tempête sont imputables à des fautes qui lui sont extérieures ;
- Les conclusions à fin d'appel en garantie de l'ASVL c MMA doivent être rejetées ;
- Dans le cadre d'une instance arbitrale, Groupama a accepté d'intervenir pour l'ensemble des réclamations.
Une mise en demeure a été adressée le 26 septembre 2018 au ministre de la transition écologique et solidaire.
IV - Par une requête enregistrée le 19 avril 2018 sous le n° 18NT01632, et des mémoires des 30 janvier et 15 avril 2019, l'Association syndicale de la Vallée du Lay (ASVL) représentée par MeT..., demande à la cour :
A titre principal :
- de la mettre hors de cause ;
- de rejeter toute demande de garantie formulée par la commune de La Faute-sur-Mer et l'Etat à son encontre ;
A titre subsidiaire :
- de condamner la société MMA IARD et la compagnie d'assurances Groupama à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
- de condamner la commune de La Faute-sur-Mer et l'Etat à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
- de mettre à la charge de la commune de La Faute-sur-Mer et de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa responsabilité civile était assurée auprès de Groupama et auprès de MMA;
- une situation de force majeure doit être observée ;
- elle doit être mise hors de cause puisqu'aucune responsabilité pénale n'a été retenue à son encontre ;
- aucun manquement à une mission d'entretien de la digue Est ne peut être constaté ; aucun protocole d'accord n'a été conclu entre l'ASMF, l'ASVL et la commune de La Faute-sur-Mer ; elle ne peut intervenir que sur ses ouvrages ;
- les statuts de l'ASMF ne peuvent l'engager ;
- elle doit être garantie par la compagnie Groupama, son assureur lors de la tempête et par MMA IARD, son assureur au moment de l'ouverture des recours des victimes.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2018, Mme S...P..., épouseH..., M. U...P..., M. I...P...et Mme W...B...épouseP..., représentés par MeF..., demandent à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris et de leur donner acte de ce qu'ils s'en rapportent à justice quant à la contribution respective de la commune de La Faute-sur-Mer, de l'ASVL et de l'Etat au règlement des indemnités dues ;
- de leur allouer le versement d'une somme de 950 000 euros en réparation des préjudices subis assortie des intérêts de retard à compter de la réception de la demande préalable ainsi qu'à la capitalisation des intérêts ;
- de mettre à la charge de la commune de La Faute-sur-Mer, de l'ASVL et de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils sollicitent la condamnation solidaire des parties et s'en rapportent à justice en ce qui concerne leurs contributions respectives ;
- leur requête indemnitaire n'était pas tardive ;
- le jugement doit être confirmé en ce qui concerne les responsabilités respectives des parties condamnées en première instance ;
- le préjudice moral lié au décès des époux P...a eu des conséquences médicales sévères pour MM I...et Q...P... ; M. et Mme C...P...ont subi un préjudice d'angoisse de mort ; leur belle-fille a également subi un préjudice moral.
Par un mémoire enregistré le 20 novembre 2018, la commune de La Faute-sur-Mer représentée par MeM..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à la réformation du jugement ;
- à ce que l'ASVL et l'Etat, solidairement ou l'un à défaut de l'autre, la garantisse de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre.
Elle soutient que :
- la requête indemnitaire est irrecevable comme tardive ;
- l'ASVL et l'Etat doivent la garantir de toute condamnation ;
- le jugement doit être confirmé s'agissant des montants indemnitaires accordés.
Par un mémoire enregistré le 7 février 2019, la SMACL, représentée par MeJ..., s'associe aux conclusions d'appel de la commune de La Faute-sur-Mer en renvoyant à ses écritures de première instance.
Par des mémoires enregistrés les 8 février, 19 avril et 20 juin 2019 (non communiqué), la compagnie d'assurances Groupama Centre Atlantique, représentée par MeV..., conclut :
- au rejet des conclusions présentées par l'ASVL ;
- à la condamnation de la seule compagnie MMA à garantir l'ASVL ;
- à la mise en oeuvre des seules clauses et garanties du contrat souscrit ;
- à la condamnation de l'Etat et de la commune de La Faute-sur-Mer au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le juge administratif est compétent pour connaître du contrat d'assurance ;
- aucune irrecevabilité ne peut être constatée ;
- aucune responsabilité ne peut lui être imputée ;
- subsidiairement, il doit être fait application de l'article L 124-5 du code des assurances ; MMA doit seule sa garantie à l'ASVL.
- l'appel en garantie formé à son encontre constitue des conclusions nouvelles qui sont irrecevables.
En application de l'article R 611-7 du code de justice administrative, un moyen susceptible d'être soulevé d'office a été présenté aux parties le 15 avril 2019 tiré de ce que les conclusions à fin d'appel en garantie présentées par l'ASVL à l'encontre de Groupama pour la première fois en appel revêtent le caractère de conclusions nouvelles et sont irrecevables en appel.
Un mémoire a été présenté le 27 mai 2019 pour la société MMA IARD SA par Me Claissequi conclut :
- A l'annulation du jugement en tant qu'il a condamné l'ASVL à indemniser les consorts P...et a fixé sa part de responsabilité à 15 % ;
- Au rejet de l'appel en garantie formé par l'ASVL à son encontre.
Elle soutient que :
- Aucune responsabilité ne peut être mise à la charge de l'ASVL ;
- Aucun lien de causalité n'existe entre un éventuel défaut d'entretien et les préjudices dont il est demandé réparation ;
- Les conséquences dommageables de la tempête sont imputables à des fautes qui lui sont extérieures ;
- Les conclusions à fin d'appel en garantie de l'ASVL c MMA doivent être rejetées ;
- Dans le cadre d'une instance arbitrale, Groupama a accepté d'intervenir pour l'ensemble des réclamations.
Une mise en demeure a été adressée le 26 septembre 2018 au ministre de la transition écologique et solidaire.
V- Par une requête enregistrée le 20 avril 2018, sous le n°18NT01640, Mme S...P...épouseH..., M. U...P..., M. I...P...et Mme W...B...épouseP..., représentés par MeK..., demandent à la cour :
- de confirmer le jugement attaqué quant à la responsabilité de la commune de La faute sur mer, de l'Etat et de l'association syndicale de la vallée du Lay ;
- de leur allouer une somme de 950 000 euros en réparation de leurs préjudices ;
- de mettre à la charge de la commune de La Faute-sur-Mer, de l'Etat et de l'association syndicale de la vallée du Lay la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- aucune tardiveté de leur demande indemnitaire ne peut être constatée ; la requête initialement présentée a été régularisée dans les délais impartis par le tribunal administratif ;
- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la commune de l'Etat et de l 'ASVL et les a condamnés solidairement ; ils s'en rapportent à justice sur la répartition des responsabilités entre la commune, l'Etat et l'ASA ;
- il doit être fait une plus juste appréciation de leurs préjudices dès lors que le préjudice moral subi a eu des répercussions sur la santé de M. I...P...et que M. Q...P...est décédé d'un cancer développé des suites de Xynthia ;
- chacun des trois enfants de M. et Mme C...P...doit être indemnisé par le versement d'une somme de 200 000 euros en réparation du préjudice découlant du décès de leurs parents ; le préjudice d'angoisse de mort de chacune des victimes doit être réparé par le versement d'une somme de 50 000 euros chacun ;
- le préjudice moral de Mme W...P..., belle-fille des victimes, doit être réparé par le versement d'une somme de 200 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 20 novembre 20018, la commune de La Faute-sur-Mer, représentée par MeM..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à la réformation du jugement ;
- à ce que l'ASVL et l'Etat, solidairement ou l'un à défaut de l'autre, la garantisse de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
Elle soutient que :
- la requête indemnitaire est irrecevable comme tardive ;
- l'ASVL et l'Etat doivent la garantir de toute condamnation ;
- le jugement doit être confirmé s'agissant des montants indemnitaires accordés ;
Par un mémoire enregistré le 30 janvier 2019, l'Association syndicale de la vallée du Lay (ASVL) représentée par MeT..., demande à la cour :
A titre principal :
- de la mettre hors de cause ;
- de rejeter toute demande de garantie formulée par la commune de La Faute-sur-Mer et l'Etat à son encontre ;
A titre subsidiaire :
- de condamner la société MMA IARD et la compagnie d'assurances Groupama à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
- de condamner la commune de La Faute-sur-Mer et l'Etat à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
- de mettre à la charge de la commune de La Faute-sur-Mer et de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa responsabilité civile était assurée auprès de Groupama et auprès de MMA;
- une situation de force majeure doit être observée ;
- elle doit être mise hors de cause puisqu'aucune responsabilité pénale n'a été retenue à son encontre ;
- aucun manquement à une mission d'entretien de la digue Est ne peut être constaté ; aucun protocole d'accord n'a été conclu entre l'ASMF, l'ASVL et la commune de La Faute-sur-Mer ; elle ne peut intervenir que sur ses ouvrages ;
- les statuts de l'ASMF ne peuvent l'engager ;
- elle doit être garantie par la compagnie d'assurances Groupama, son assureur lors de la tempête et par MMA IARD, son assureur au moment de l'ouverture des recours des victimes.
Par un mémoire enregistré le 7 février 2019, la SMACL assurances, représentée par MeJ..., s'associe aux conclusions d'appel de la commune de La Faute-sur-Mer en renvoyant à ses écritures de première instance.
Un mémoire a été présenté le 27 mai 2019 pour la société MMA IARD SA par Me Claissequi conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'il y a lieu de maintenir l'évaluation du préjudice auquel le tribunal a procédé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code civil ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 61-1298 du 30 novembre 1961 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2019 :
- le rapport de Mme Brisson,
- les conclusions de M Derlange,
- et les observations de MeG..., représentant l'association syndicale autorisée de la Vallée du Lay, les observations de Me Deniset de MeY..., représentant Mme S...H..., M. U...P..., M. I...P...et Mme W...P..., les observations de M.N..., représentant le ministère de la transition écologique et solidaire, les observations de MeM..., représentant la commune de la Faute-sur-Mer, les observations de MeL..., représentant la société mutuelle d'assurances des collectivités locales et les observations de MeV..., représentant la compagnie d'assurances Groupama.
Deux notes en délibéré présentées par le ministre de la transition écologique et solidaire sous le n° 18NT01529 ont été enregistrées les 27 juin et 3 juillet 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Au cours de la nuit du 27 au 28 février 2010, une partie du territoire de la commune de La Faute-sur-Mer, où se trouvait en particulier l'habitation de M. et Mme C...et SimoneP..., a été inondée consécutivement à la survenance de la tempête Xynthia conjuguée à une submersion de l'ouvrage de protection dénommé " digue Est ". M. et MmeP..., âgés respectivement de 83 et 81 ans, sont décédés au cours de cette nuit. Mme S...P..., épouseH..., MM. U...et I...P...leurs enfants ainsi que Mme W...B..., épouse de M. U...P..., ont saisi l'Etat et la commune de La Faute-sur-Mer de demandes indemnitaires préalables aux fins de réparation des préjudices découlant de ces décès. Ces demandes ont été rejetées, expressément par le maire de La Faute-sur-Mer le 19 janvier 2015 et implicitement par l'Etat le 14 mars 2015. Le recours gracieux formé à l'encontre de cette décision a également été rejeté par le maire le 25 mars 2015. Par des requêtes enregistrées les 11 juin 2015 et 16 janvier 2017, les consorts P...ont saisi le tribunal administratif de Nantes aux fins de condamnation de l'Etat, de la commune de La Faute-sur-Mer et de l'association syndicale autorisée de la vallée du Lay (ASVL) à leur verser une somme de 950 000 euros. Par un jugement du 12 février 2018, l'Etat, la commune de La Faute-sur-Mer et l'ASVL ont été condamnés solidairement à verser aux consorts P...une somme d'un montant total de 73 000 euros, outre les intérêts et leur capitalisation. Les parties en cause relèvent appel de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes enregistrées sous les n° 18NT01529, 18NT01557, 18NT01631, 18NT1632 et 18NT01640 présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. L'Etat soutient que le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de l'appréciation des fautes commises par lui au titre de l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) dans la mesure où les éléments factuels mentionnés dans le jugement ne sont pas de nature à établir que les données utilisées pour établir ce document auraient été erronées.
4. Toutefois, il ressort des termes mêmes du jugement que les premiers juges ont relaté avec précision les conditions dans lesquelles le PPRI avait été élaboré et en particulier les carences devant être constatées tant de la part de la commune que de l'Etat. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit être écarté. A les supposer même erronés, les motifs sur lesquels le tribunal s'est fondé pour écarter ce moyen ont trait au bien-fondé du jugement et ne sont pas susceptibles d'en affecter la régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur la compétence de la juridiction administrative :
5. La SMACL assurances fait valoir que la juridiction administrative n'est pas compétente eu égard au caractère personnel des fautes commises par M. X...maire de La Faute-sur-Mer et de MmeD..., sa première adjointe qui sont détachables du service et que par suite, seule la juridiction judiciaire est compétente pour l'action en réparation des préjudices découlant de ces fautes.
6. Comme l'ont rappelé les premiers juges, présentent le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions de maire, des faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, qui procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité. En revanche, ni la qualification retenue par le juge pénal, ni le caractère intentionnel des faits retenus contre l'intéressé ne suffisent, par eux-mêmes, à regarder la faute commise par celui-ci comme étant détachable des fonctions, ou dépourvue de tout lien avec elle.
7. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'appréciation portée sur les faits commis par M. X...et Mme D...par la cour d'appel de Poitiers dans son arrêt du 4 avril 2016, que les fautes reprochées aux intéressés, commises dans le cadre de l'exercice des pouvoirs et prérogatives conférés par leur mandat électif n'ont pas été motivées par des préoccupations d'ordre essentiellement privé et ne révèlent pas, en elles-mêmes, un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice d'un mandat électif. Enfin, et en dépit de la gravité de leurs conséquences, les fautes reprochées ne procédaient pas d'une intention d'exposer sciemment au danger les habitants de la commune de La-Faute-sur-Mer. Dans ces conditions, elles ne peuvent être regardées comme étant détachables du service. Par suite, l'exception d'incompétence opposée par la SMACL Assurances doit être écartée.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
8. Aux termes de l'article R 421-1 du code de justice administrative alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". L'article R 421-5 du même code prévoit que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés ainsi que les voies de recours dans la notification de la décision " et aux termes de l'article R 612-1 dudit code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. (...) ".
9. Le maire de La Faute-sur-Mer a rejeté la demande indemnitaire présentée par les consorts P...par un courrier du 19 janvier 2015 qui était assorti de la mention des délais et voies de recours ouverts à son encontre. Le 12 mars 2015, c'est-à-dire dans le délai de recours contentieux de deux mois, ces derniers ont formé devant le maire un recours administratif tendant au retrait de la décision du 19 janvier 2015 qui a ainsi eu pour effet de proroger le délai de saisine de la juridiction. Le rejet par le maire, le 25 mars 2015, de ce recours a été reçu par le conseil des consorts P...le 1er avril suivant. Le 26 mai 2015, soit dans le délai de recours contentieux, les intéressés, ainsi que diverses autres victimes des inondations de La Faute-sur-Mer, ont par une requête qui a été enregistrée au greffe sous le n° 1504374 saisi le tribunal administratif de Nantes d'une requête aux fins d'indemnisation des préjudices dont ils ont été victimes. La recevabilité d'une requête présentée conjointement par ces requérants contre des décisions les concernant individuellement était, par suite, subordonnée à la condition que la solution du litige ne nécessite pas un examen distinct de la situation de chacun des requérants. Dans ces conditions, le tribunal a, le 1er juin 2015, invité les consorts P...à régulariser leurs conclusions dans un délai de 15 jours. Il s'ensuit que la requête qui a été enregistrée au greffe du tribunal le 11 juin 2015 l'a été avant l'expiration de ce délai. La commune de La Faute-sur-Mer et la SMACL ne sont dès lors pas fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a écarté la fin de non-recevoir qu'elle avait opposée en première instance et tirée de la méconnaissance des dispositions précitées.
Sur la responsabilité :
Sur l'exception de force majeure :
10. Il résulte de l'instruction ainsi que l'a rappelé la cour d'appel de Poitiers, dans son arrêt du 4 avril 2016, que si selon les experts missionnés après la tempête, la probabilité pour que la concomitance d'une forte dépression atmosphérique, de vents violents et d'un coefficient de marée élevé soit réunie était de 0,5 pour mille sur un an, correspondant à un temps de retour de 2 000 ans et que la probabilité pour une personne de 78 ans de rencontrer ce phénomène était d'environ 4 %, les experts avaient ajouté qu'il s'agissait d'" une probabilité loin d'être négligeable ". Par ailleurs, la commune de la Faute-sur-Mer avait connu depuis 1882 des tempêtes majeures, dont la force était, pour celles de décembre 1999 et de janvier 2009 supérieure à celle de Xynthia. En outre, le dossier départemental sur les risques majeurs (DDRM) établi en 1995 par le préfet de la Vendée, et transmis à la commune, indiquait qu'elle était la seule du département à être soumise à trois risques majeurs naturels, l'inondation terrestre, l'inondation maritime et les feux de forêt. L'atlas de submersion marine adressé par le préfet le 30 septembre 2002 aux 38 communes littorales, montrait que la digue Est de la commune de la Faute-sur-Mer était bordée sur 50 m de large par une zone d'aléa fort avec un risque de submersion supérieure à 1 m ou avec une vitesse d'écoulement supérieure à 0,5 m/s. De plus, des précédents de submersion marine sont survenus en 1928, 1940, 1941, 1960 et 1989.
11. Enfin, le diagnostic technique de la digue Est, réalisé en juillet 2006 par le cabinet SCE à la suite de l'arrêté de classement de la digue du 7 juillet 2005, faisait état de la nécessité d'un dispositif d'alerte et de vigilance pour traiter les situations de crise en cas de conjonction d'une dépression et d'une forte marée et qu'en particulier les secteurs D et E étaient les plus fragiles.
12. Dans ces conditions, l'association exceptionnelle de ces phénomènes de grande intensité ne peut être regardée comme présentant, pour la commune de la Faute-sur-Mer, un caractère imprévisible et irrésistible caractérisant un cas de force majeure exonératoire de toute responsabilité de la commune, de l'Etat et de l'ASVL.
Sur la responsabilité de la commune de La Faute-sur-Mer :
S'agissant des travaux à réaliser sur la digue Est :
13. Par un arrêté du 7 juillet 2005, le préfet de la Vendée a classé la digue Est de la Faute-sur-Mer comme intéressant la sécurité civile " compte tenu de l'impact sur la sécurité des personnes qu'est susceptible d'entraîner sa rupture ou son dysfonctionnement ". Cet arrêté mettait à la charge du propriétaire de la digue, l'organisation, dans un délai maximal d'un an, " d'une étude permettant de déterminer la durée de retour des risques de surverse et analysant le fonctionnement de l'ouvrage selon divers scénarios " et d'" une étude appuyée notamment sur un diagnostic approfondi permettant d'apprécier les faiblesses de l'ouvrage et de définir les travaux nécessaires à sa remise en état et à son entretien ". Lors de la tempête Xynthia, la commune de la Faute-sur-Mer n'était pas propriétaire de la digue Est, qui appartenait toujours à l'association syndicale des Marais de la Faute-sur-Mer laquelle ne disposait que de moyens matériels, humains et financiers extrêmement limités ne lui permettant de réaliser ni ces études, ni les travaux qui devaient en résulter ; sa dissolution était d'ailleurs envisagée depuis 1994, en vue d'un transfert de ces biens à la commune de la Faute-sur-Mer.
14. Toutefois, la commune, qui disposait de l'appui technique et financier de l'Etat, a fait réaliser un premier diagnostic par le cabinet SCE qui a remis son rapport définitif en septembre 2006 faisant ressortir que la portion de la digue Est couvrant les zones urbanisées était très largement classée en zone de vulnérabilité forte. Une seconde étude a été confiée au cabinet Egis Eau pour déterminer les travaux à réaliser et constituer les dossiers de demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau. Ce rapport a été déposé en septembre 2008 et faisait état de la nécessité de procéder aux travaux de relèvement de la hauteur de la digue Est.
15. Il résulte également de l'instruction que, dans le cadre d'un protocole d'accord conclu entre cette association syndicale autorisée, la commune de La Faute-sur-Mer et l'ASVL, dont les termes ont été approuvés par délibérations du comité syndical de l'ASVL et du conseil municipal de La Faute-sur-Mer prises respectivement le 31 mai 2007 et le 26 septembre 2007, la propriété de la "digue Est" devait, par suite de la dissolution à intervenir, être transférée à cette commune, l'ASVL devant alors prendre en charge des travaux d'entretien et de confortement de cet ouvrage. Il résulte encore de l'instruction que la commune de La Faute-sur-Mer a décidé de faire réaliser ces travaux et a déposé à cette fin, le 14 septembre 2008, une demande d'autorisation de travaux sur les secteurs E à H de la "digue Est. Si elle a obtenu, par arrêté du préfet de la Vendée du 4 août 2009, l'autorisation d'exécuter les travaux d'exhaussement de la digue en ces secteurs, elle avait, à la date du sinistre seulement débuté l'exécution de ces travaux lesquels n'ont, de surcroît, concerné que les seuls secteurs E et H de la digue alors notamment que le secteur D présentait des risques similaires ; ces travaux n'étaient pas achevés au jour du sinistre.
16. En dépit de l'absence, à cette même date, de transfert effectif de la propriété à la commune de La Faute-sur-Mer de la " digue Est ", cette dernière qui avait reçu des subventions de l'Etat à hauteur de 80 % des dépenses prévues et à laquelle avait été délivrée l'autorisation de réaliser les travaux, devait être regardée comme le maître de l'ouvrage des travaux de rehaussement de la digue dont les riverains bénéficiaient en leur qualité d'usagers de cet ouvrage.
17. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu sa responsabilité sur ce fondement juridique.
S'agissant de la faute commise au titre de l'élaboration des plans et documents d'information :
18 Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction en vigueur à la date du fait générateur du dommage : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que (...) les inondations (...) ou autres accidents naturels (...) de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure (...) ". Aux termes de l'article R. 125-11 du code de l'environnement dans sa rédaction en vigueur à compter du 5 août 2005 : " (...) III. - Le document d'information communal sur les risques majeurs reprend les informations transmises par le préfet. Il indique les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde répondant aux risques majeurs susceptibles d'affecter la commune. Ces mesures comprennent, en tant que de besoin, les consignes de sécurité devant être mises en oeuvre en cas de réalisation du risque. : (...) Le maire fait connaître au public l'existence du document d'information communal sur les risques majeurs par un avis affiché à la mairie pendant deux mois au moins. / Le document d'information communal sur les risques majeurs et les documents mentionnés à l'article R. 125-10 sont consultables sans frais à la mairie. ". Aux termes de l'article 13 de la loi du 13 août 2004, alors en vigueur : " Le plan communal de sauvegarde regroupe l'ensemble des documents de compétence communale contribuant à l'information préventive et à la protection de la population. Il détermine, en fonction des risques connus, les mesures immédiates de sauvegarde et de protection des personnes, fixe l'organisation nécessaire à la diffusion de l'alerte et des consignes de sécurité, recense les moyens disponibles et définit la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement et de soutien de la population. Il peut désigner l'adjoint au maire ou le conseiller municipal chargé des questions de sécurité civile. Il doit être compatible avec les plans d'organisation des secours arrêtés en application des dispositions de l'article 14. / Il est obligatoire dans les communes dotées d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé ou comprises dans le champ d'application d'un plan particulier d'intervention. Le plan communal de sauvegarde est arrêté par le maire de la commune (...) : La mise en oeuvre du plan communal ou intercommunal de sauvegarde relève de chaque maire sur le territoire de sa commune (...) ".
19 Si au regard des dispositions précitées de l'article 13 de la loi du 13 août 2004 la commune de la Faute-sur-Mer n'était pas tenue d'élaborer un plan communal de sauvegarde dès lors que le plan de prévention des risques d'inondation prescrit le 29 novembre 2001 n'avait toujours pas été approuvé, au cours d'une réunion qui a eu lieu le 11 mars 2003 en mairie avec les services de l'Etat un compromis a été trouvé. En contrepartie de la réduction de la zone d'inconstructibilité des parcelles soumises à un risque d'inondation, la commune s'était engagée à établir un plan de secours. Le 22 octobre 2007, le préfet a adressé aux maires une circulaire rappelant les obligations des communes en matière d'information au regard de l'établissement du dossier d'information communal sur les risques majeurs (DICRIM) et du plan communal de sauvegarde (PCS). Un canevas de PCS était proposé aux communes sur le site intranet de la préfecture ainsi qu'une assistance technique par les différents services de l'Etat.
20 Il est constant qu'à la date de la tempête, non seulement le plan de prévention des risques d'inondation dont l'élaboration était confiée aux services de l'Etat n'était pas approuvé, en raison notamment de la pression des élus de la Faute-sur-Mer, mais qu'en outre, la commune n'avait réalisé ni DICRIM, ni PCS. De plus, la commune n'établit pas avoir informé, par d'autres moyens, ses administrés sur les risques encourus, ni mis en place une quelconque organisation des secours en cas d'inondation. Si elle soutient qu'il n'existe pas de lien de causalité entre ces manquements et les dommages, il résulte de l'instruction et notamment de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, que l'action des pompiers a été " entravée par le fait qu'ils ne disposaient pas d'informations suffisantes sur la situation réelle ni de consignes précises sur l'organisation des secours, à défaut de tout plan de secours communal prévisionnel ". Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la commune avait ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
S'agissant de la faute relative à la délivrance du permis de construire :
21. En l'espèce, il est constant que le permis de construire ayant conduit à l'édification du pavillon dont étaient propriétaires M. et Mme P...a été délivré en 1975, par le maire au nom de l'Etat. Par suite, la responsabilité de la commune ne peut être engagée à l'occasion des fautes éventuellement commises dans le cadre de la procédure d'instruction et de délivrance de ce permis de construire.
Sur la responsabilité de l'Etat :
S'agissant de la faute dans l'exercice de la tutelle sur l'ASVL :
22. D'une part, il résulte de l'instruction que la digue Est était, au moment de la tempête Xynthia, la propriété de l'association syndicale autorisée des marais de la Faute dite des Chauveau fondée en 1863. Ses statuts ont été modifiés d'office le 24 novembre 2008 par le préfet de la Vendée afin de les mettre en conformité avec l'ordonnance du 1er juillet 2004 et le décret du 3 mai 2006. Selon l'article 4 desdits statuts, l'association a pour objet : " la prévention contre les risques naturels, l'aménagement et l'entretien des cours d'eau, voies et réseaux divers ". Cet article précise en outre que " dans ce cadre, l'association a pour mission l'entretien, le renforcement et l'exhaussement des digues établies ou à établir pour la conservation des terrains inclus dans le périmètre de l'association ". L'article 21 de ces mêmes statuts prévoit par ailleurs que " L'association syndicale autorisée est propriétaire des ouvrages qu'elle réalise en qualité de maître d'ouvrage dans le cadre de son objet statutaire et, à ce titre, en assure l'entretien. Cet entretien pourra être délégué par convention avec des organismes compétents. Cependant l'entretien, le terrassement, le renforcement et l'exhaussement des digues de la rive droite du Lay Maritime situées sur le territoire de la commune de la Faute-sur-Mer assimilées à des ouvrages de défense contre la mer sont assurés par l'Association syndicale autorisée dite " Vallée du Lay ".
23. D'autre part, les statuts de l'Association syndicale de la vallée du Lay, créée en 1931 et couvrant une zone géographique plus large que l'ASMF, ont également été mis à jour le 12 mars 2008. En vertu de l'article 4 de ses statuts : " L'association a pour but l'entretien des ouvrages et l'exécution des travaux en cours ou à entreprendre pour prévenir des graves dangers qu'une rupture du littoral sur le périmètre dont le tracé figure en rouge sur la carte ci-jointe et l'invasion de la mer qui en serait la conséquence feraient courir aux terrains désignés à l'article premier ci-dessus et situés soit sur la rive droite soit sur la rive gauche du Lay entre la côte et le canal du Luçon inclusion faite de la digue Est de La Faute-sur-Mer. ". Il est également prévu que, pour lutter contre les inondations " En outre, l'association pourra exécuter à l'intérieur de son périmètre tous travaux d'intérêt général de défense contre les inondations. L'association pourra avoir recours à tous moyens adaptés ". Lesdits statuts précisent enfin, au dernier aliéna de cet article 4, que " A titre ponctuel et marginal, l'association pourra accomplir certaines activités accessoires contribuant à l'accomplissement de son objet principal ou qui en sont le complément naturel. ".
24. Aux termes de l'article 30 de l'ordonnance susvisée du 1er juillet 2004 : " L'autorité administrative peut, après mise en demeure de l'association syndicale autorisée restée sans effet dans un délai qu'elle détermine : / 1° Faire procéder d'office, aux frais de l'association, à l'accomplissement des opérations correspondant à son objet, dans le cas où la carence de l'association nuirait gravement à l'intérêt public ; / 2° Constater que l'importance des ouvrages ou des travaux à réaliser excède les capacités de l'association. / Dans le cas prévu à l'alinéa précédent, l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent décider, dans des conditions définies par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 62, de se substituer, en tout ou partie, à l'association dans ses droits et obligations ". Aux termes de l'article 49 du décret susvisé du 3 mai 2006 : " Dans le cas où une association syndicale autorisée interrompt ou laisse sans entretien les travaux entrepris par elle, le préfet fait procéder, par le service compétent, à une vérification de l'état des lieux. / S'il ressort de cette vérification que l'interruption ou le défaut d'entretien peut nuire gravement à l'intérêt public, le préfet indique au syndicat les travaux jugés nécessaires pour pallier ces conséquences et le met en demeure de les exécuter. / Le préfet assigne au syndicat, dans cette mise en demeure, un délai suffisant pour procéder à l'exécution des travaux. Faute pour le syndicat de se conformer à cette injonction, le préfet ordonne l'exécution d'office aux frais de l'association et désigne, pour la diriger et la surveiller, un agent chargé de suppléer le président du syndicat. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 50 du même décret : " Dans le cas où le préfet constate, après mise en demeure de l'association, que l'importance des ouvrages ou des travaux à réaliser dans l'intérêt public excède les capacités de l'association sans que cela remette en cause de manière définitive sa capacité à réaliser son objet, il peut décider, par arrêté, de substituer en tout ou partie à l'association l'Etat ou, sur leur demande, une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales. Cette substitution ne peut intervenir que pour une durée déterminée (...) ".
25. Hors le cas où il s'est substitué à une association syndicale autorisée défaillante, la responsabilité de l'Etat à raison des conséquences dommageables du fonctionnement défectueux des ouvrages publics dont cette association est propriétaire ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde dans l'exercice de ses pouvoirs de tutelle sur cette association, qui a le caractère d'un établissement public.
26. L'arrêté du 7 juillet 2005 classant la digue Est de La Faute-sur-Mer comme ayant un intérêt pour la sécurité publique a imposé au propriétaire de la digue de réaliser dans un délai d'un an " une étude permettant de déterminer la durée de retour des risques de surverse et analysant le fonctionnement de l'ouvrage selon divers scénarios " et " une étude appuyée notamment sur un diagnostic approfondi permettant d'apprécier les faiblesses de l'ouvrage et de définir les travaux nécessaires à sa remise en état et à son entretien ". En l'espèce, l'Etat ne pouvait ignorer que l'ASMF, propriétaire de la digue, ne disposait d'aucun moyen en personnel et en matériel, que son budget provenant des redevances annuelles n'excédait pas 30 000 euros et que sa dissolution avait été envisagée dès 1994. En dépit du caractère urgent des travaux de rehaussement de la digue, rappelé dans l'étude réalisée par le cabinet SCE en septembre 2006, l'Etat n'a procédé d'office à une mise en conformité des statuts de l'ASMF que le 24 novembre 2008 alors que les dispositions de l'ordonnance du 1er juillet 2004 modifiée par la loi du 30 décembre 2006 avaient été précisées par un décret du 3 mai 2006. Par ailleurs, le rôle respectif des deux associations syndicales autorisées ne ressortait pas clairement de leurs statuts qui tous deux, prévoyaient des interventions sur la digue Est. Il a fallu attendre le mois de septembre 2008 pour que la commune de La Faute-sur-Mer, qui s'est substituée aux associations syndicales autorisées, dépose une demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau pour la réalisation de des travaux d'exhaussement.
27. Par ailleurs, le préfet ne peut mettre en demeure une association syndicale autorisée d'exécuter des travaux puis le cas échéant, faire procéder d'office à l'exécution de ces travaux que dans l'hypothèse où leur non-réalisation serait susceptible de nuire gravement à l'intérêt public. Il peut également décider de se substituer à cette association lorsque cette dernière n'est pas en mesure de réaliser des travaux d'intérêt public.
28. Il résulte de l'instruction que la commune de La Faute-sur-Mer a connu, depuis la fin du XIXème siècle, de nombreux épisodes de submersion marine ; en particulier les tempêtes Lothar et Martinde décembre 1999 ont été à l'origine de phénomènes de submersion marine sur le littoral vendéen et de Charente-Maritime. Le dossier départemental des risques majeurs établi par le préfet en 1995 mentionne notamment que la commune de La Faute-sur-Mer est soumise à trois risques naturels majeurs, à savoir les inondations terrestre ou maritime ainsi que les feux de forêt. L'atlas de submersion marine réalisé le 30 septembre 2002 par le cabinet Sogreah, pour le compte de la direction départementale de l'équipement, faisait notamment ressortir que la digue Est est bordée d'une zone d'aléa fort. Le 30 novembre 2003, le préfet appelait l'attention du maire sur une étude effectuée par le centre d'études technique maritime et fluvial préconisant une surveillance accrue de la digue Est compte tenu du risque de surverse. Alors même que l'établissement d'un plan de prévention des risques d'inondation a été prescrit par le préfet en novembre 2001, le compte rendu de la réunion ayant eu lieu en mars 2003 en mairie de La Faute-sur-Mer en vue de la finalisation de ce document, mentionne qu'il y avait, notamment, été conclu que la digue de protection devait avoir des caractéristiques dimensionnelles d'une crue centennale et faire l'objet d'un entretien pérenne et d'un contrôle périodique.
29. Dans ces conditions, compte tenu de la connaissance fine qu'avait le préfet de la gravité des risques susceptibles de découler des caractéristiques techniques de la digue Est et de son état d'entretien, en ne clarifiant pas les compétences des deux associations syndicales et en n'exerçant pas son pouvoir de tutelle afin de faire réaliser les travaux d'exhaussement, le plus rapidement possible, l'Etat a commis une faute lourde dans l'exercice de sa mission de tutelle de nature à engager sa responsabilité.
S'agissant de la faute de l'Etat dans la délivrance du permis de construire :
30. Si le territoire de la commune de La Faute-sur-Mer a connu plusieurs épisodes de submersion marine, notamment, en mars 1928, en novembre 1940, en février 1941, ainsi qu'en octobre et novembre 1960, ces données ne sont pas suffisantes pour établir que la délivrance en 1975 du permis de construire en cause serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation alors que le caractère insuffisant de la protection contre les eaux assurée par la "digue Est" n'a été révélé qu'en juillet 2006, date de réalisation d'un diagnostic en application des dispositions de l'arrêté du 7 juillet 2005 pris par le préfet de la Vendée classant cette digue au nombre des ouvrages intéressant la sécurité civile, notamment dans les secteurs où se trouvaient des habitations occupées lors de la tempête. Dans ces conditions, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, aucune responsabilité de l'Etat au titre des obligations découlant de l'instruction du permis de construire ne peut être retenue.
S'agissant de l'élaboration tardive du PPRI :
31. Aux termes de l'article L 562-1 du code de l'environnement, en sa rédaction alors en vigueur : " L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations ... ". Ces plans ont pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages et de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités.
32. Alors que l'existence et la gravité des risques d'inondation étaient connues depuis de nombreuses années, en particulier par les études effectuées en 2000 et 2002 par la Sogreah, laquelle avait rappelé les submersions déjà survenues et dressé un atlas des zones submersibles, en novembre 2002 par les services de la DDE qui ont dressé une nouvelle carte des aléas ou que le préfet avait classé la digue Est au titre de la sécurité civile le 7 juillet 2005 et bien que le préfet ait prescrit, par son arrêté du 29 novembre 2001, l'élaboration d'un PPRI, qu'il a, par son arrêté du 8 juin 2007, mis en oeuvre par anticipation le projet de plan et qu'il a engagé des négociations avec le maire de La Faute-sur-Mer à compter de 2009 aux fins de finaliser ce plan, il est constant qu'aucun PPRI n'avait été approuvé le jour de la tempête Xynthia.
33. En outre, il ressort du rapport établi par la mission interministérielle sur la tempête Xynthia en mai 2010, que le " PPR appliqué par anticipation depuis 2007, faisait, avant la tempête Xynthia, l'objet d'une actualisation datée de 2009 fixant l'aléa de référence à 3,90 NGF, inférieur au niveau de 4 m pris en compte pour le littoral vendéen en raison de l'influence moindre des houles océaniques sur l'élévation du niveau de l'eau dans l'estuaire du Lay.". La mission interministérielle en a déduit que cette assertion revêtait un caractère erroné. Ainsi, les services de l'Etat ont sous-évalué l'appréciation du risque de submersion et défini de manière insuffisamment précise et pertinente, dans le cadre du PPRI à intervenir, les zones inconstructibles et celles où, sous réserve de prescriptions particulières elles-mêmes minorées, la construction d'immeubles était envisageable.
34. Si ce retard résulte essentiellement, ainsi qu'il ressort en particulier du relevé des conclusions d'une réunion ayant eu lieu le 11 mars 2003 en mairie de la Faute-sur-mer, des réticences de la commune à raison des restrictions aux possibilités de construire des habitations qu'un tel document entraînerait, l'absence d'établissement par l'Etat d'un PPRI et le recours à des données de référence erronées ayant contribué à minorer l'exposition au risque de submersion des terrains protégés par la Digue Est, y compris en ce qui concerne les mesures de ce plan appliquées de manière anticipée, constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
Sur la responsabilité de l'ASVL :
35. Il ressort clairement des stipulations statutaires citées précédemment que l'ASVL, alors même qu'elle n'avait pas la qualité de propriétaire de la digue Est, était chargée non seulement de son entretien courant mais également des travaux nécessaires à la protection des biens situés à proximité tels que ceux relatifs au rehaussement de la digue Est afin de prévenir de graves dangers d'inondation. Il résulte de l'instruction que si l'ASMF assurait la surveillance de l'état de l'ouvrage et son entretien courant comprenant le fauchage, la vérification des clapets, le nettoyage, le repérage et la réparation des renards hydrauliques et des fissurations, l'ASVL, qui employait deux salariés à temps plein, disposait toutefois d'engins et de matériels de gros-oeuvre et d'un budget plus conséquent que celui de l'ASMF, incluant des activités rémunérées de prestation de service et intervenait pour les travaux plus importants. Alors même que l'ASVL soutient qu'elle n'était ni propriétaire, ni maître d'ouvrage, ni gestionnaire de la digue Est et qu'elle ne pouvait intervenir sur cet ouvrage que sur demande des propriétaires, elle n'établit pas que ses actions devaient être soumises à une autorisation préalable de l'ASMF ou de la commune. Ni ses statuts, ni ceux de l'ASMF, ne le prévoyaient. En outre, si l'ASVL affirme qu'elle ne disposait pas des moyens financiers lui permettant de réaliser des travaux de renforcement de la digue, elle avait néanmoins le pouvoir de suggérer ces travaux tant à l'ASMF, qu'à la commune ou même à l'Etat. Il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait suffisamment attiré l'attention de ces acteurs locaux sur son incapacité à réaliser de tels travaux. Dans ces conditions, l'ASVL a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
Sur la faute exonératoire des victimes :
36. Les carences de la commune en matière d'information de la population sur les risques d'inondations encourus ainsi que l'absence d'établissement par l'Etat, notamment, d'un plan de prévention des risques d'inondation, étaient de nature à conforter les victimes, eu égard à l'absence de mesures spécifiques, dans l'idée que les risques auxquels elles étaient exposées ne présentaient pas une menace réelle de sorte qu'elles étaient ainsi maintenues dans un sentiment illusoire de sécurité. Par suite, aucune faute exonératoire des victimes ne peut, en l'espèce, être constatée.
37. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal a condamné solidairement la commune de La Faute-sur-Mer, l'Etat et l'ASVL à réparer le préjudice subi par les consorts P...et a fixé les parts respectives de responsabilité à hauteur de 50 % pour celle de la commune, de 35 % pour celle de l'Etat et de 15 % pour celle de l'ASVL.
Sur les préjudices :
38. Le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers. Le droit à réparation du préjudice résultant pour elle de la douleur morale qu'elle a éprouvée du fait de la conscience d'une espérance de vie réduite constitue un droit entré dans son patrimoine avant son décès qui peut être transmis à ses héritiers.
39. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. et Mme P...sont décédés des suites d'un syndrome d'asphyxie compatible avec une mort par noyade à l'intérieur de leur habitation de plain pied dans laquelle l'eau est montée jusqu'à une hauteur de 2,30 mètres et dont ils n'ont pu s'échapper. Dans ces conditions, ils n'ont pu que prendre conscience de leur mort imminente. Un tel préjudice constitue un droit entré dans leur patrimoine avant leur décès, susceptible de transmission à leurs héritiers. En l'espèce, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ce préjudice en allouant à la succession de M. et MmeP..., une somme de 20 000 euros pour chacun de leurs parents.
40. En second lieu, les enfants et la belle-fille de M. et Mme P...ont subi, chacun, un préjudice moral découlant des conditions dans lesquelles leurs parents et beaux-parents sont décédés. Si M. I...P...fait valoir qu'il a souffert, en septembre 2011, d'un infarctus, la seule production d'une attestation de son médecin traitant faisant état d'une aggravation de son état de santé en lien potentiel avec le choc émotionnel subi par ce dernier en février 2010, n'est pas de nature à établir un lien de causalité direct et certain avec le décès de ses parents. De même, s'il est allégué que M. Q...P..., qui avait tenté de sauver ses parents de la noyade, est resté traumatisé et est décédé le 10 décembre 2012 d'un cancer développé à la suite de Xynthia, les pièces qu'il fournit ne permettent pas de tenir pour établi le lien entre la tempête de février 2010 et son décès. Dans ces conditions, il y a lieu d'évaluer à la somme de 5 000 euros le préjudice subi par Mme S...P...épouseH..., M. I...P...et M. U...P...à raison du préjudice moral découlant du décès dans les conditions sus-rappelées de chacun de leurs parents, soit au total une somme de 30 000 euros. Le préjudice moral subi par Mme W...B...épouseP..., à raison du décès de ses deux beaux-parents, peut quant à lui être évalué à la somme totale de 5 000 euros.
41. Il résulte de ce qui précède que la somme de 75 000 euros doit être mise solidairement à la charge de l'Etat, de la commune de La Faute-sur-Mer et de l'ASVL.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
42. Lorsqu'ils ont été demandés, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1231-6 du code civil, courent à compter du jour où la demande de paiement est parvenue au débiteur. Par suite, les consorts P...ont droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 75 000 euros à compte du 30 décembre 2014, date de réception de la demande de paiement du principal au débiteur au sens de cet article.
43. En outre, en application de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts présentée par les consorts P...à compter du 30 décembre 2015, date à laquelle les intérêts étaient dus pour au moins une année entière, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les appels en garantie :
En ce qui concerne les appels en garantie présentés par la commune de La Faute- sur- Mer à l'encontre de l'Etat et de l'ASVL :
44. Eu égard à ce qui précède l'Etat et l'ASVL garantiront la commune à concurrence respectivement de 35 % et de 15 % des sommes mises à sa charge.
En ce qui concerne les appels en garantie présentés par l'Etat à l'encontre de la commune et de l'ASVL :
45. Eu égard à ce qui précède, la commune et l'ASVL garantiront l'Etat à concurrence respectivement de 50 % et de 15 % des sommes mises à sa charge.
En ce qui concerne les appels en garantie présentés par l'ASVL :
46. En premier lieu, eu égard à ce qui précède l'Etat et la commune de La Faute-sur-Mer garantiront l'ASVL à concurrence de 35 % et de 50 % des sommes mises à sa charge.
47. En deuxième lieu, les conclusions présentées par l'ASVL tendant à être garantie des sommes mises à sa charge par Groupama n'ont été présentées pour la 1ère fois que devant la cour. Elles présentent par suite le caractère de conclusions nouvelles qui, par suite, sont irrecevables.
48. En dernier lieu, il ressort des stipulations du contrat conclu avec MMA Iard et prenant effet au 1er janvier 2011 que si cette dernière garantit la commune pour des faits antérieurs à cette date, sont exclues de cette garantie les conséquences pécuniaires des sinistres dont l'assuré avait connaissance à la date de souscription de la garantie. En l'espèce, alors même que l'ASVL n'a pas été poursuivie pénalement, elle ne peut sérieusement soutenir avoir été dans l'ignorance des conséquences humaines et matérielles provoquées par la tempête Xynthia. Il s'ensuit que ses conclusions tendant à être garantie par MMA Iard ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
49. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'Etat, la commune de La Faute-sur-Mer et l'Association syndicale de la Vallée du Lay verseront solidairement la somme de 40 000 euros à la succession de M. C...P...et de Mme O...P..., la somme de 10 000 euros à Mme S...H...épouseP..., la somme de 10 000 euros à M. I...P..., la somme de 10 000 euros à M. U...P...et la somme de 5 000 euros à Mme W...B...épouseP....
Article 2 : Les sommes mentionnées à l'article 1er porteront intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2014. Les intérêts échus à la date du 30 décembre 2015 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La commune de La Faute-sur-Mer et l'association syndicale de la Vallée du Lay garantiront l'Etat, respectivement, à hauteur de 50 % et 15 % des condamnations prononcées à son encontre.
Article 4 : L'Etat et l'association syndicale de la Vallée du Lay garantiront la commune de La Faute-sur-Mer, respectivement, à hauteur de 35 % et 15 % des condamnations prononcées à son encontre.
Article 5 : L'Etat et la commune de La Faute-sur-Mer garantiront l'association syndicale de la Vallée du Lay, respectivement, à hauteur de 35 % et 50 % des condamnations prononcées à son encontre.
Article 6 : Le jugement du 12 février 2018 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire, à la commune de la Faute-sur-Mer, à Mme S... P...épouseH..., à M. I... P..., à M. U... P..., à Mme W... B...épouseP..., à l'Association syndicale autorisée de la Vallée du Lay, à la société MMA IARD, à la société Mutuelle d'assurances des collectivités locales, à Groupama, à la Caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes.
Une copie en sera adressée au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, où siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M.L'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 juillet 2019.
Le rapporteur,
C. BRISSON Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01529, 18NT01557, 18NT01631, 18NT01632 et 18NT01640