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19/07/2019 | FRANCE | N°18NT01465

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 19 juillet 2019, 18NT01465


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 mai 2015 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté les demandes de visa de long séjour formées pour ses enfants allégués J..., K..., L..., M..., N..., O... et P....

Par un jugement n° 1506401 du 31 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2018, M. et Mme

A...G..., représentés par MeF..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 oct...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 mai 2015 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté les demandes de visa de long séjour formées pour ses enfants allégués J..., K..., L..., M..., N..., O... et P....

Par un jugement n° 1506401 du 31 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2018, M. et Mme A...G..., représentés par MeF..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 octobre 2017 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 15 mai 2015 ;

3°) d'enjoindre au ministre de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de procéder à un nouvel examen de leurs demandes, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. et Mme A...C...soutiennent que :

- le lien de filiation avec leurs enfants allégués doit être regardé comme établi du fait des mentions concordantes figurant sur les documents produits, et l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ayant admis la réalité du lien matrimonial unissant M. A... C...avec la mère des enfants ;

- la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que les documents produits étaient dépourvus de caractère probant ;

- ils procèdent régulièrement à des transferts d'argent depuis 2014 en faveur de leurs enfants, avec lesquels ils continuent de communiquer par téléphone ;

- ils justifient ainsi de l'existence d'une possession d'état ;

- le refus de délivrer les visas sollicités méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par les requérants n'est fondé.

La cour a informé les parties, le 9 mai 2019, de ce qu'elle était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel présenté au nom des enfants majeurs de M. et Mme A...C... faute d'intérêt à agir de ces derniers.

M. et Mme A...C...ont produit le 17 mai 2019 un mémoire en réponse à ce moyen susceptible d'être soulevé d'office en soutenant que leur droit à être rejoint par leur famille en tant que réfugiés statutaires leur donne qualité pour agir au nom de leurs enfants même majeurs et que leurs enfants étaient mineurs à la date du 26 mars 2014 à laquelle ont été formées leurs demandes de visas de long séjour.

M. A...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- et les observations de MeH..., substituant MeF..., représentant M. et Mme A...C....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A...G..., ressortissants somaliens, sont entrés en France en 2012 et se sont vus reconnaître la qualité de réfugiés statutaires par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 février 2013. Leurs sept enfants allégués J..., E..., L..., M..., N..., O... et P... ont formé le 26 mars 2014 une demande de visa de long séjour en qualité de membres de la famille rejoignante d'un réfugié. M. et Mme A...G...ont formé le 17 mars 2015 un recours devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France contre les décisions implicites par lesquelles les autorités consulaires à Djibouti ont rejeté ces demandes. La commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, par une décision du 15 mai 2015, a rejeté ce recours. M. et Mme A...G...relèvent appel du jugement du 31 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation de cette décision.

Sur la recevabilité des conclusions en annulation concernant les enfants J..., E...et L... :

2. Un père ne justifie pas, en cette seule qualité, et alors même qu'il s'est vu reconnaitre la qualité de réfugié, d'un intérêt lui permettant de contester, tant devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France que devant le juge administratif, la légalité d'un refus de visa opposé à son enfant majeur.

3. D'une part, il résulte de ce qui précède M. A...G...n'a pu agir en son nom propre devant la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France. S'il est constant que celui-ci a présenté le recours préalable formé devant la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France contre la décision des autorités consulaires, il n'a pu dès lors agir qu'en qualité de mandataire de son fils majeur. Cette qualité de mandataire pour présenter un recours administratif ne peut lui avoir conféré un intérêt à agir pour introduire un recours contentieux.

4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que J... Q...A..., né le 30 mars 1996, enfant allégué des requérants, était majeur à la date d'introduction du recours contentieux formé le 30 juillet 2015 par son père allégué contre la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visas de long séjour présentée pour son fils. Les dispositions combinées des articles R. 431-2, R. 431-4 et R. 431-5 du code de justice administrative, applicables devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, s'opposent à ce que M. A...C..., qui n'avait pas intérêt à agir en son nom propre, ait pu recevoir de la part de son fils majeur un mandat pour agir au nom de ce dernier devant le tribunal administratif. Par suite, la fin de non recevoir opposée en première instance par le ministre de l'intérieur au recours formé par M. A... G...doit être accueillie.

5. Enfin, il ressort des pièces du dossier que E...et L... Q...A..., autres enfants allégués de M. et Mme A...G..., tous deux nés le 15 avril 1998 n'étaient pas majeurs à la date d'introduction de la demande de première instance. Par suite, la fin de non recevoir les concernant opposée par le ministre devant le tribunal ne pouvait qu'être écartée. En revanche, MM. E...et FaharIdrissA...étaient majeurs le 12 avril 2018, date d'introduction de la requête devant la Cour. Par suite, M. A... G...et son épouse n'avaient plus qualité à cette date pour agir au nom de leurs enfants allégués. Par suite les conclusions présentées à ce titre par les requérants doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions en annulation concernant les enfants M..., N..., O...le et P...:

6. La commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, pour rejeter le recours formé contre le refus implicite des autorités consulaires à Djibouti de délivrer les visas sollicités, s'est fondée sur le motif tiré de l'absence de lien de filiation dès lors que " les actes d'état-civil somaliens produits par les demandeurs (...) portent tous le même numéro et n'ont pas de caractère authentique ; ils ne permettent pas d'établir le lien familial entre eux et leurs parents allégués. La production de tels documents relève, au surplus, d'une intention frauduleuse " et que l'existence d'une situation de possession d'état n'était pas établie.

7. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A...G..., bénéficiaires du régime de la protection subsidiaire, ont produit un certificat de mariage tenant lieu d'acte d'état-civil établi par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 mai 2013 établissant que Mme A...G..., également admise au bénéfice de la protection subsidiaire, est le conjoint de M. A...C.... Ce document a, en vertu des dispositions alors applicables de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valeur d'acte authentique. M. A...C...a également, dans ses déclarations auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, indiqué être le père des enfants J..., né le 30 mars 1996, E...et L..., nés le 15 avril 1998, M..., née le 1er novembre 2000, N..., né le 7 juin 2002, O..., né le 7 avril 2004 et P..., née le 6 juin 2005, Mme A...G...étant leur mère.

9. M. et Mme A...G...ont produit sept certificats de naissance (" Warqadda Dhalashadda " ou " birth certificate "), dressés le 20 septembre 2006 et le 30 juillet 2007 par les autorités somaliennes indiquant qu'ils étaient père et mère de ces différents enfants et dont les dates de naissance correspondent aux déclarations faites à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Il s'ensuit qu'eu égard à la réalité du lien matrimonial, le lien de filiation des requérants avec les sept enfants doit également être regardé comme établi. La circonstance que ces documents aient été établis tardivement et à des dates différentes ne peut suffire à en mettre en doute l'authenticité. Il en va de même de la circonstance que ces différents actes comportent tous le même numéro de registre, la procédure instituée en Somalie à l'occasion d'une demande de certificat de naissance imposant aux autorités compétentes de créer un registre propre au nom de la famille auquel est attribué un numéro. Dans ces conditions, le ministre, en se bornant à invoquer la tardiveté des demandes de certificat de naissance et la mention d'une numérotation identique du registre familial mentionnée dans les actes délivrés lors de deux demandes distinctes et en ne précisant pas les règles régissant l'état civil en Somalie qui auraient été méconnues, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'authenticité des documents produits par les enfants de M. et Mme A...G...relatifs à leur état civil. Dans ces conditions, et eu égard à la réalité du lien matrimonial relevée au point 4, le lien de filiation entre les sept enfants de M. et Mme A...G...doit également être regardé comme établi.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme A...G...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande concernant les enfants M..., N..., O...le et P....

Sur les conclusions en injonction sous astreinte :

11. Le présent arrêt, implique, eu égard aux motifs qui le fondent que le ministre délivre les visas de long séjour sollicités pour les enfants M..., N..., O...le et P.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de délivrer ces visas dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

12. M. A... G...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Renarddans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 octobre 2017 et la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 15 mai 2015 sont annulés en tant qu'ils portent sur les demandes de visa de long séjour présentées pour les enfants M..., N..., O...le et P... Q...A....

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour sollicités pour les enfants M..., N..., O...le et P... Q... A...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Renardune somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Idriss A...G..., à Mme B... A...G...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président,

- M. Degommier, président assesseur,

- M. Mony, premier conseiller,

Lu en audience publique le 19 juillet 2019.

Le rapporteur,

A. MONY

Le président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun

contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18NT01465 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01465
Date de la décision : 19/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : RENARD OLIVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-19;18nt01465 ?
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