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02/07/2019 | FRANCE | N°18NT04260

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 02 juillet 2019, 18NT04260


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... F...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre les décisions des autorités consulaires françaises à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant la délivrance d'un visa de long séjour à M. B... E...et à Mme H...en leur qualité d'enfants majeurs à charge d'un ressortissant français.

Par un jugement n° 1804793 du 4 octobre 2018, l

e tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... F...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre les décisions des autorités consulaires françaises à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant la délivrance d'un visa de long séjour à M. B... E...et à Mme H...en leur qualité d'enfants majeurs à charge d'un ressortissant français.

Par un jugement n° 1804793 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2018, MmeF..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 octobre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 28 septembre 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre les décisions des autorités consulaires françaises à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant la délivrance d'un visa de long séjour à M. B...E...et à Mme H...en leur qualité d'enfants majeurs à charge d'un ressortissant français ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à M. B...E...et à Mme H...les visas d'entrée et de long séjour sollicités dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) à défaut, d'enjoindre au ministre de l'Intérieur de réexaminer la demande de visas dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à MeC..., au titre des frais exposés en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les actes de naissance produits sont réguliers et permettent d'établir l'identité de Nathan Diakabana Wembo et de Tecia Buanda Nsikatia ainsi que leur lien de filiation avec elle ;

- elle justifie de ressources suffisantes pour assumer leur accueil et leur entretien.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mars 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Brisson.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...E...et MmeH..., ressortissants de la République démocratique du Congo nés le 13 août 1993, ont sollicité la délivrance d'un visa de long séjour en qualité d'enfants majeurs à charge d'un ressortissant français auprès des autorités consulaires françaises à Kinshasa (République démocratique du Congo), respectivement les 23 mars et 21 avril 2016. Mme F..., se présentant comme leur mère, relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 octobre 2018 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 septembre 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre les décisions consulaires refusant la délivrance des visas sollicités.

2. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

4. Pour refuser un visa d'entrée en France à M. E...et MmeD..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur la tardiveté du jugement supplétif présenté à l'appui des demandes de visa, sur l'absence de conformité des actes d'état-civil à la loi locale, sur les incohérences et les invraisemblances que ces actes comportent et sur les ressources insuffisantes de la requérante pour assumer l'accueil et l'entretien de deux personnes supplémentaires à son foyer.

5. Aux termes de l'article 106 du code de la famille congolais : " Le défaut d'acte de l'état civil peut être suppléé par jugement rendu par le tribunal de grande instance sur simple requête présentée au tribunal du lieu où l'acte aurait dû être dressé. / L'initiative de l'action appartient à toute personne intéressée et au ministère public. Lorsque celle-ci n'émane pas du ministère public, la requête lui est communiquée. / Lorsque le défaut d'un acte de l'état civil est constaté par l'officier de l'état civil parce que les déclarants se sont présentés après l'expiration du délai légal, l'officier de l'état civil, après avoir vérifié la réalité des déclarations à faire et les motifs du retard, envoie sans délai un rapport au ministère public qui saisit le tribunal. / Le tribunal, après vérification et enquête éventuelle, statue par décision motivée. / La transcription en est effectuée sur les registres de l'année en cours et mention en est portée en marge des registres, à la date du fait. / L'officier de l'état civil, dans le cas où cette transcription intéresse un fait d'une année antérieure à l'année en cours, avertit, dans les huit jours, le greffier du tribunal de grande instance et le bureau central des actes de l'état civil près le ministère de la justice à Kinshasa de la mention à faire en marge des registres, à la date des faits. ". Aux termes de l'article 108 de ce même code : " Les jugements supplétifs et rectificatifs d'actes de l'état civil ainsi que la rectification d'office sont opposables à tous ". Selon l'article 109 de ce code : " Les jugements supplétifs et rectificatifs des actes de l'état civil peuvent être frappés d'appel par le ministère public ou par toute personne intéressée. ". Aux termes de l'article 129 du code de la famille congolais relatif aux actes de naissance : " Les copies et extraits d'acte de naissance sont délivrés conformément à l'article 99 relatif aux dispositions générales. / Toutefois, à l'exception du chef du parquet local de l'enfant, de ses ascendants et descendants en ligne directe, de son conjoint, de son tuteur ou de son représentant légal, nul ne peut obtenir une copie conforme d'un acte de naissance autre que le sien, si ce n'est en vertu d'une autorisation délivrée par le juge du lieu où l'acte a été reçu et sur la demande écrite de l'intéressé (...) ". L'article 99 de ce code prévoit que " sauf dispositions spéciales prévues aux règles propres à chacun des actes de l'état civil, toute personne peut, moyennant paiement des frais, se faire délivrer des copies des actes qui sont inscrits aux registres de l'état civil. / Les copies délivrées certifiées conformes au registre portent la date de leur délivrance, énoncée en toutes lettres et sont revêtues du sceau de l'autorité qui les a délivrées. / Elles doivent être, en outre, légalisées lorsqu'il y a lieu de les produire devant les autorités étrangères. (...) ".

6. En premier lieu, à l'appui de la demande de visas sollicités en faveur de M. E...et Mme D...ont été produits un jugement supplétif d'acte de naissance rendu par le tribunal de grande instance de Kinshasa / Matete siègeant le 7 août 2015 déclarant les intéressés être nés le 13 août 1993 à Kinshasa de l'union de M. G...et Melle Nsikatia Mvuama et ordonnant à l'officier de l'état civil de la commune de Matete de transcrire le dispositif de ce jugement dans le registre de l'année en cours ainsi que de dresser l'acte de naissance y afférent. Il a également été produit les actes de naissance de M. E... et de MmeD..., dressés le 12 août 2015 par l'officier de l'état civil de la commune de Matete qui reprend cette filiation en visant, en marge, le jugement supplétif précité et le certificat de non appel n°0105/2016. Le ministre produit également deux copies intégrales d'actes de naissance de M. B...E...établis sur le fondement du même jugement supplétif, l'une portant le n° 2506/2015, délivrée le 14 août 2015 et fournie par la requérante à l'appui de la demande de transcription de son mariage célébré au Congo le 14 janvier 2016 et dont il apparaît que le signataire/déclarant est le père de l'enfant, décédé en 1994 selon les déclarations de Mme F...à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, l'autre portant le n°2522/2015, produite à l'appui de la demande de visa et signée par la requérante. Le ministre produit en outre deux copies intégrales d'actes de naissance de MmeH..., établies sur le fondement du même jugement supplétif, l'une portant le n° 2565/2015 délivrée le 17 août 2015 et fournie par la requérante à l'appui de la demande de transcription de son mariage et indiquant que l'acte de naissance a été établi le 17 août 2015, l'autre portant le même numéro, produite à l'appui de la demande de visa et mentionnant que l'acte de naissance a été transcrit le 12 août 2015. Enfin, le ministre fait également valoir que selon les actes d'état civil produits à l'appui de la demande de visa, la requérante serait née le 12 avril 1972 alors que selon l'acte de naissance de sa dernière fille Exaucée-Myriam Botulama Ilogonsi née le 25 mai 2004 à Paris, elle serait née le 12 avril 1968, date de naissance figurant également sur l'attestation de prestations sociales versées par la caisse d'allocation familiales de Paris datée du 8 mars 2016. Enfin, le ministre fait valoir que ces documents mentionnent des adresses différentes concernant MmeF.... La requérante, qui n'apporte pas d'explication sur ces discordances, se borne à reprendre les moyens qu'elle a soulevés en première instance. Dès lors, à défaut de justifications permettant de clarifier ces incohérences et contradictions, les différents actes produits ne peuvent qu'être considérés comme dépourvus de toute valeur probante et ne sont pas de nature à d'attester du lien de filiation invoqué entre la requérante et M. B...E...d'une part et Mme H...d'autre part.

7. En second lieu, lorsqu'elle est saisie d'un recours dirigé contre une décision diplomatique ou consulaire refusant la délivrance d'un visa de long séjour à un ressortissant étranger qui fait état de sa qualité d'enfant à charge d'un ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France peut légalement fonder sa décision de rejet sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son ascendant dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son ascendant de nationalité français ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. E... et Mme D... n'ont apporté aucun élément de nature à apprécier leurs ressources propres. Par ailleurs, Mme F... se borne à produire en appel les mêmes pièces que celles qu'elle a fournies en première instance et dont il résulte qu'alors qu'elle est entrée en France en 1995, elle présente des virements d'argent effectués au profit de M. E... et Mme D...de 2011 à 2018 dont seuls 14 ont été versés avant la date à laquelle ces derniers ont déposé leur demande de visa de long séjour en qualité de descendants à charge d'un ressortissant français et pour un montant insuffisant au regard des besoins des demandeurs. Dès lors, le caractère irrégulier et limité de ces transferts d'argent ne permet pas d'établir que les demandeurs doivent être regardés comme étant à la charge de leur mère de nationalité française.

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme F...a déclaré dans son avis d'imposition pour 2015 des revenus s'élevant à 14 994 euros et à 14 552 euros pour 2016 de sorte qu'elle ne justifie pas de ressources suffisantes lui permettant d'assumer la charge de M. E... et Mme D... d'autant qu'elle réside avec son mari et sa fille dans un appartement de 55 m² dont le loyer s'élève à 500 euros. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que M. E... et Mme D... ne pouvaient être regardés comme descendants à charge d'une ressortissante française.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...F..., à M. B... E..., à Mme H...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, où siégeaient :

- M. Perez, président de chambre,

- Mme Brisson, président assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2019

Le rapporteur,

C. BRISSONLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

K BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT04260


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04260
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : GEFFROY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-02;18nt04260 ?
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