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02/07/2019 | FRANCE | N°18NT01382

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 02 juillet 2019, 18NT01382


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés des 13 janvier 2014, 11 avril 2014 et 15 juillet 2014 par lesquels le maire de Clohars-Carnoët ne s'est pas opposé à la déclaration préalable présentée par M. G...pour la création d'un bureau.

Par un jugement n° 1502287 du 9 février 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé les arrêtés du 11 avril 2014 et du 15 juillet 2014 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête et un mémoire, enregistrés les 6 avril 2018 et 10 décembre 2018, M. D... G..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés des 13 janvier 2014, 11 avril 2014 et 15 juillet 2014 par lesquels le maire de Clohars-Carnoët ne s'est pas opposé à la déclaration préalable présentée par M. G...pour la création d'un bureau.

Par un jugement n° 1502287 du 9 février 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé les arrêtés du 11 avril 2014 et du 15 juillet 2014 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 avril 2018 et 10 décembre 2018, M. D... G..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 février 2018 ;

2°) de rejeter la demande de MmeE... ;

3°) de mettre à la charge de Mme E...une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable dès lors que l'arrêté du 13 janvier 2014 a été retiré et que la demande était tardive ;

- à titre subsidiaire, l'architecte des bâtiments de France a été consulté, ni un permis de démolir, ni une étude d'impact n'étaient nécessaires et le projet ne méconnaissait pas les articles 3 et 4 du règlement de l'AVAP et par arrêté du 6 décembre 2011, il a été autorisé à réaliser l'extension d'un atelier et la modification de la toiture.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2018, MmeE..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'enjoindre à la commune de prendre toutes mesures pour exécution du jugement à intervenir et rétablir la situation des lieux, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai de deux mois ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Clohars-Carnoët la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que sa demande était recevable, que le projet méconnaissait le règlement de l'AVAP et le règlement du plan local d'urbanisme, nécessitait un avis de l'architecte des bâtiments de France, un permis de démolir et une étude d'impact et que les arrêtés attaqués sont entachés d'un détournement de pouvoir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., représentant M.G....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E...a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation des arrêtés des 13 janvier 2014, 11 avril 2014 et 15 juillet 2014 par lesquels le maire de Clohars-Carnoët ne s'est pas opposé aux déclarations préalables présentées par M. G...relativement à des travaux d'extension de sa maison d'habitation située 1282 allée de Montserrat. Par un jugement n° 1502287 du 9 février 2018, le tribunal a annulé les arrêtés du 11 avril 2014 et du 15 juillet 2014 et a rejeté le surplus de sa demande. M. G...fait appel de ce jugement en tant qu'il a annulé les deux arrêtés précités.

Sur le bien fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens accueillis par le tribunal :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3-1-4 du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP), approuvé par une délibération du conseil municipal de Clohars-Carnoët du 19 décembre 2013 : " (...) La suppression ou la condamnation maçonnée d'une ouverture, la création de lucarnes ou de châssis de toit, ainsi que les nouveaux percements sont autorisés sous réserve d'être cohérents avec les caractéristiques typologiques du bâtiment et ne pas rompre la logique de composition de la façade. (...) ".

3. Aux termes de l'article 3-2-11 du même règlement : " (...) Les extensions du bâti ancien (...) devront être compatibles avec la sensibilité patrimoniale du cadre bâti et paysager dans lequel s'inscrit l'édifice ou avec le degré d'intérêt architectural pour les édifices repérés. La réalisation d'une extension ne devra pas détériorer le caractère du bâtiment principal. Elle doit s'harmoniser avec le bâti existant, et tenir compte des caractéristiques architecturales et typologiques de la construction à laquelle elle s'ajoute : matériaux, pentes de toiture, menuiseries, couleurs, etc. / L'aspect initial du bâtiment existant devra autant que possible être préservé. L'extension devra présenter une volumétrie, des proportions et des dimensions inférieures à celles du bâtiment principal. Elle devra permettre de maintenir la lisibilité du volume initial et le cas échéant ne pas fausser la symétrie du bâtiment principal. Elle peut être réalisée en continuité architecturale du bâtiment existant et dans l'esprit de l'architecture d'origine. Elle peut également s'appuyer en pignon ou en façade arrière. Dans le cadre d'une architecture d'aspect contemporain, une rupture de volume et/ou architecturale avec un traitement sobre peut être créée. Dans ce cas, la liaison avec le bâtiment d'origine devra favoriser une transparence afin de ne pas dénaturer le bâtiment existant. L'implantation et la volumétrie de l'extension devront intégrer les enjeux de mise en valeur ou de dégagement de points de vue remarquables ou d'éléments d'architecture exceptionnels, notamment fenêtres d'angles, fenêtres de pignons, sculptures etc. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la maison de M. G...est située dans le voisinage immédiat du phare de Doëlan amont à la rive, lequel est classé par le règlement de l'AVAP dans la catégorie des " bâtiments remarquables ", " bâtiments qui n'ont pas ou peu subi de transformation et qui présentent un intérêt architectural majeur au sein du territoire de l'AVAP, ce qui justifie leur protection particulière. ".

5. Le règlement de l'AVAP de la commune de Clohars-Carnoët classe la maison de M. G..., ainsi que la maison mitoyenne, dans la catégorie des " bâtiments d'accompagnement ", lesquels sont définis, aux termes de l'article 3-1-4, comme des " bâtiments ou ensembles de bâtiments, façades, ensembles urbains, villages, etc., qui constituent le caractère usuel d'un lieu. Ils représentent la plus grande partie du patrimoine architectural de Clohars-Carnoët. Beaucoup ont subi des transformations mais conservent divers éléments de leur caractère originel. Ils structurent le paysage bâti et contribuent dans leur ensemble à asseoir l'identité patrimoniale de l'AVAP et sont donc protégés à ce titre ".

6. Il ressort des pièces du dossier que l'architecte des bâtiments de France a émis deux avis favorables préalablement aux deux arrêtés litigieux, sous réserve du respect de prescriptions, lesquelles ont été reprises intégralement dans les arrêtés du 11 avril 2014 et du 15 juillet 2014. L'architecture de l'extension litigieuse reprend en grande partie les codes de la construction voisine, certes de dimensions plus modestes. Cette extension est à l'arrière de la maison de M. G..., même si une covisibilité avec le phare apparaît sur certaines photographies produites par MmeE.... Cette covisibilité est toutefois faible depuis l'anse de Doëlan, atténuée notamment par des arbres. L'extension est d'une architecture contemporaine, le règlement de l'AVAP autorisant, dans un tel cas, des ruptures de volume ou architecturales, le projet permettant une lisibilité architecturale du bâtiment principal, sans dénaturer ce dernier. Ainsi, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que les avis de l'architecte des bâtiments seraient entachés d'une erreur d'appréciation. Dès lors, il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. G... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 du règlement de l'AVAP.

7. En second lieu, lorsqu'une construction a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé ou de changer sa destination. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation.

8. Il ressort des pièces produites en appel que la modification de la toiture du bâtiment existant a fait l'objet d'un arrêté de non-opposition du 6 décembre 2011. Si Mme E...soutient qu'une passerelle n'a pas été autorisée, il ressort des pièces du dossier que cette dernière a fait l'objet d'une déclaration préalable déposée le 13 décembre 2008 et il n'est pas établi que le maire se serait opposé au projet. Il en est de même de la création d'une baie en façade. Dès lors, M. G...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de ce que le maire devait s'opposer aux travaux dès lors que la construction en cause avait fait l'objet, précédemment, d'autres travaux non autorisés.

9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E...en première instance et en appel.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés en première instance et en appel par MmeE... :

10. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-28 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Doivent en outre être précédés d'un permis de démolir les travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre inutilisable tout ou partie d'une construction : (...) c) Située dans le champ de visibilité d'un monument historique défini à l'article L. 621-30 du code du patrimoine dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager ou dans une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine ; ". Seuls des travaux impliquant la démolition totale d'un bâtiment ou la démolition d'une partie substantielle de celui-ci et le rendant inutilisable, doivent être précédés d'un permis de démolir.

11. Il ressort des pièces du dossier que l'extension en cause située dans une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine nécessitait la démolition d'une partie non substantielle de la toiture, ne rendant pas inutilisable le bâtiment existant. Dès lors, aucun permis de démolir n'était nécessaire sur le fondement des dispositions du code de l'urbanisme précitées, seules invoquées par MmeE..., et le moyen doit être écarté.

12. En deuxième lieu, la seule circonstance que " le projet créerait une co-visibilité avec un impact visuel sur l'environnement de cette zone, protégée et classée en présence de l'anse avec son phare " ne suffit pas à établir qu'une étude d'impact était nécessaire.

13. En troisième lieu, si Mme E...soutient que l'instruction du dossier de déclaration préalable a été bâclée, ses arguments relatifs à l'arrêté de janvier 2014 doivent être écartés, dès lors qu'il est constant que cet arrêté a été retiré de manière définitive. Contrairement à ce qui est soutenu, il ressort des pièces du dossier que l'architecte des bâtiments de France a été consulté préalablement aux arrêtés litigieux.

14. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que " la confusion est totale, et ce d'autant plus au regard du 3ème arrêté délivré le 15 juillet et la violation des deux arrêtés des articles R. 423-16, R. 423-67, R. 431-7 à R. 431-34 du code de l'urbanisme (...) et de la loi n°2010-78-8 et le règlement AVAP article 1-4 et les articles L. 422-1 à L. 422-8 du code de l'urbanisme " est dépourvu des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien fondé et doit donc être écarté. Il en est de même du moyen tiré de ce qu'il y a " violation des articles UC4 à UC11 du PLU (implantation, hauteur, aspect extérieur, densité) en combinaison avec le règlement de l'AVAP sur ce site de l'anse de Doelan, avec l'impact visuel insupportable ".

15. En cinquième lieu, il n'est pas établi que les dossiers de déclaration préalable en cause n'auraient pas permis aux services instructeurs d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement.

16. En sixième lieu, Mme E...ne saurait utilement soutenir que l'article 3-2-8 du règlement de l'AVAP a été méconnu dès lors que ce dernier ne porte que sur les ouvertures dans les toitures du bâti ancien, alors que les arrêtés litigieux ne portent que sur l'extension.

17. En septième et dernier lieu, la fraude et le détournement de pouvoir ne sont pas établis.

18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance, que M. G...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé les arrêtés de non-opposition à déclaration préalable du 11 avril 2014 et du 15 juillet 2014.

Sur les frais liés au litige :

19. La commune de Clohars-Carnoët n'étant pas la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à sa charge le versement de la somme demandée par Mme E...à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E...la somme demandée par

M. G...à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1502287 du 9 février 2018 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E...à l'encontre des arrêtés du 11 avril 2014 et du 15 juillet 2014 est rejetée, ainsi que ses conclusions présentées en appel.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. G...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...G..., à la commune de Clohars-Carnoët et à Mme B...E....

Délibéré après l'audience du 14 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 juillet 2019.

Le rapporteur,

P. PICQUET

Le président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N°18NT01382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01382
Date de la décision : 02/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : GROLEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-02;18nt01382 ?
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