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28/06/2019 | FRANCE | N°17NT03645

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 28 juin 2019, 17NT03645


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Laboratoires Gilbert a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire, en droits et intérêts de retard, de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009 dans les rôles de la commune d'Hérouville-Saint-Clair.

Par un jugement n° 1601437 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enreg

istrés les 5 décembre 2017 et 18 avril 2019, la SA Laboratoires Gilbert, représentée par MeB..., d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Laboratoires Gilbert a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire, en droits et intérêts de retard, de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009 dans les rôles de la commune d'Hérouville-Saint-Clair.

Par un jugement n° 1601437 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 décembre 2017 et 18 avril 2019, la SA Laboratoires Gilbert, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article l. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en considérant que l'aide qui lui avait été octroyé sous la forme d'une exonération de taxe professionnelle, sur le fondement de l'article 1465 du code général des impôts, entrait nécessairement dans le champ du règlement de minimis (n° 1998/2006) sans vérifier si cette aide relevait du règlement général d'exemption par catégorie alors même qu'était invoquée devant lui l'inapplicabilité du règlement de minimis, le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement ;

- les termes du jugement ne permettent pas de déterminer si les premiers juges se sont placés en 2003 ou 2009 pour apprécier la nature de cette aide ; ainsi, le jugement, qui mentionne ces deux années, sans préciser clairement au titre de quelle année l'aide doit être regardée comme ayant été consentie, est entaché de contradiction de motifs ;

- en considérant que la référence, dans l'article 1465 du code général des impôts, à la date du 1er janvier 2007 et aux zones d'aides à finalité régionale ne visait qu'à déterminer le champ d'application de l'exonération prévue par cet article et non celui du règlement n° 1998/2006, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;

- l'exonération litigieuse étant subordonnée à la réalisation d'une opération spécifique dans une zone définie par voie réglementaire, il convient d'apprécier 1'encadrement de 1'aide au regard du droit applicable à la date de réalisation du projet, soit le 1er janvier 2003 ; or, s'il convient de retenir que l'aide a été versée en 2003, cette aide ne pouvait être reprise au motif qu'elle outrepassait le plafond des aides de minimis dès lors que, d'une part, l'article 1465 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable ne subordonnait pas le bénéfice de l'exonération qu'il prévoyait au respect du règlement (CE) n° 69/2001 et que, d'autre part, ce règlement imposait à l'Etat membre qui octroyait une aide, d'informer le bénéficiaire de celle-ci du caractère de minimis de celle-ci, obligation qui n'a pas été, au cas particulier, satisfaite ;

- s'il convient de retenir que l'aide a été versée en 2009, celle-ci ne peut pas être reprise par l'administration fiscale dès lors que l'article 1465 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à cette date, subordonne l'applicabilité du règlement (CE) n° 1998/2006 au respect de conditions cumulatives qui, en l'espèce, ne sont pas remplies car l'opération d'extension de l'établissement industriel à raison de laquelle l'exonération a été accordée a été réalisée en 2003, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de ce règlement, dans une zone éligible à la prime d'aménagement du territoire ; par ailleurs, s'il convient de retenir que l'aide a été versée en 2009, le seul encadrement communautaire est celui du règlement n° 800/2008 dit règlement général d'exemption par catégorie dont l'application n'est pourvue d'aucune condition.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 avril 2018 et 25 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SA Laboratoires Gilbert ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 ;

- le règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009 :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SA Laboratoires Gilbert.

Une note en délibéré présentée par la SA Laboratoires Gilbert a été enregistrée le 14 juin 2019.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a mis à la charge de la société anonyme (SA) Laboratoires Gilbert, qui exerce une activité de fabrication de produits pharmaceutiques, une cotisation supplémentaire de taxe professionnelle au titre de l'année 2009, pour un montant de 356 955 euros en droits et 47 118 euros en intérêt de retard, au motif qu'elle avait bénéficié, sur le fondement de l'article 1465 du code général des impôts, d'une aide entrant dans le champ du règlement n° 1998/2006 du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis (ci-après le " règlement de minimis ") et que cette aide dépassait le plafond des aides de minimis. Après le rejet de sa réclamation, la SA Laboratoires Gilbert a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge de cette imposition. Par un jugement du 5 octobre 2017, dont la société relève appel, cette demande a été rejetée.

2. D'une part, aux termes de l'article 1465 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en 2009 : " Dans les zones définies par l'autorité compétente où l'aménagement du territoire le rend utile, les collectivités locales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent, par une délibération de portée générale, exonérer de la taxe professionnelle en totalité ou en partie les entreprises qui procèdent sur leur territoire, soit à des extensions ou créations d'activités industrielles ou de recherche scientifique et technique (...) soit à une reconversion dans le même type d'activités, soit à la reprise d'établissements en difficulté exerçant le même type d'activités. Cette délibération ne peut avoir pour effet de reporter de plus de cinq ans l'application du régime d'imposition de droit commun. Pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2007 et jusqu'au 31 décembre 2013, les exonérations s'appliquent dans les zones d'aide à finalité régionale. / (...) Le bénéfice de l'exonération est subordonné au respect de l'article 13 du règlement (CE) n° 800 / 2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie). / (...) Lorsque l'entreprise ne satisfait pas aux conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article 1465 B et que l'opération est réalisée à compter du 1er janvier 2007 dans une zone d'aide à finalité régionale limitée aux petites et moyennes entreprises, le bénéfice de l'exonération est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998 / 2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis. (...). ".

3. D'autre part, le règlement de minimis s'applique, ainsi qu'il ressort de son article 1er, aux " aides octroyées aux entreprises de tous les secteurs ", à l'exception d'aides accordées à des secteurs d'activité autres que celui de la société requérante, et est applicable, selon son article 6, " du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2013 ". Aux termes de l'article 2 de ce règlement : " 1. Sont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l'article 87, paragraphe 1, du traité [instituant la Communauté européenne] et comme non soumises, de ce fait, à l'obligation de notification prévue à l'article 88, paragraphe 3, du traité, les aides qui satisfont aux conditions énoncées aux paragraphes 2 à 5 du présent article. / 2. Le montant brut total des aides de minimis octroyées à une même entreprise ne peut excéder 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux. (...) ".

4. Dans le domaine spécifique des aides d'État, la Commission est tenue par les encadrements et les communications qu'elle adopte, dès lors qu'ils ne s'écartent pas des normes du traité et qu'ils sont acceptés par les Etats membres, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne, notamment, par l'arrêt du 11 septembre 2008, Allemagne e.a. / Kronofrance (C-75/05 P et C-80/05 P). Or, par une communication intitulée " Cadre communautaire temporaire pour les aides d'État destinées à favoriser l'accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle " (C 83/15), la Commission s'est engagée à regarder les aides de minimis accordées au plus tard le 31 décembre 2010 " comme étant " compatibles avec le marché commun sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point b), du traité, pour autant que (...) l'aide ne dépasse pas une subvention de 500 000 euros par entreprise (...) ". Aux termes de l'article 14 de la loi du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009 : " I. Par exception au 2 de l'article 2 du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis auquel est subordonnée l'application des articles (...) 1465 (...) du code général des impôts : / 1° Le montant brut total des aides régies par le présent article et octroyées entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2010 ne peut excéder le plafond de 500 000 euros ; (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que la date de l'octroi de l'aide correspondant aux aides intervient à la date où le droit légal de la recevoir est conféré à son bénéficiaire et non à la date de la réalisation de l'investissement.

6. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la SA Laboratoires Gilbert a bénéficié au titre des années 2007 à 2009 d'exonérations de taxe professionnelle, appliquées notamment sur le fondement de l'article 1465 du code général des impôts, lesquelles avaient, compte tenu de leur effet concurrentiel et de leur sélectivité, le caractère d'aides d'Etat. Ainsi, l'exonération octroyée à la société en 2009, qui a été remise en cause par l'administration, entrait, contrairement à ce que soutient la société, dans le champ d'application du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 portant règlement de minimis, alors même que l'extension de ses locaux a été réalisé en 2003.

7. Il résulte de l'instruction qu'au titre des années 2007 à 2009 les exonérations de taxe professionnelle ont porté sur la somme de 119 901 euros en 2007 et sur la somme globale de 444 204 euros en 2008. Ainsi, au terme de l'année 2008, c'est-à-dire à l'issue de deux " exercices fiscaux ", au sens de l'article 2 du règlement de minimis, le plafond fixé par cet article et porté à 500 000 euros, comme il a été rappelé au point 4 du présent arrêt, par la communication mentionnée au point précédent était outrepassé. C'est, dès lors, à bon droit que l'administration a estimé que, pour la totalité de son montant, soit 356 955 euros, l'aide d'Etat accordée sur le fondement de l'article 1465 du code général des impôts au titre de l'année 2009 n'avait pas le caractère d'une aide de minimis.

8. La SA Laboratoires Gilbert a entendu soutenir que l'aide litigieuse résultant de l'exonération en 2009 n'était, pour autant, pas incompatible avec le marché commun ni n'était soumise à l'obligation de notification prévue à l'article 88, paragraphe 3, du traité instituant la Communauté européenne. Au soutien de ce moyen, elle allègue que cette aide est, compte tenu de sa nature, au nombre des aides visées par le règlement général d'exemption par catégorie, qui traite notamment des aides régionales à l'investissement et à l'emploi, et que ce règlement ne subordonne l'exemption de notification des aides qu'il mentionne à aucune condition. Toutefois, si l'article 13 du règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008, dit Règlement général d'exemption par catégorie, déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun, exempte de toute notification les aides régionales à l'investissement et à l'emploi, c'est, ainsi qu'il ressort de son paragraphe 3, à la condition, notamment, que " l'intensité de l'aide en équivalent-subvention brut ne dépasse pas le seuil des aides à finalité régionale en vigueur à la date à laquelle les aides sont accordées dans la région assistée en question ". Dans ces conditions, et dès lors que la société requérante n'a pas soutenu que cette condition aurait été satisfaite, ce moyen doit être écarté.

9. Il suit de là et alors que les dispositions de l'article 1465 du code général des impôts ne sauraient, en tout état de cause, faire obstacle à l'application du règlement de minimis, que l'administration était fondée à remettre en cause le bénéfice de l'exonération appliquée, sur le fondement de cette disposition du code général des impôts, au titre de l'année 2009.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Laboratoires Gilbert n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé et qui est exempt de contradictions, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA Laboratoires Gilbert est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme (SA) Laboratoires Gilbert et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- Mme Malingue, premier conseiller,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2019.

Le président-rapporteur,

J.-E. GeffrayL'assesseur le plus ancien

dansl'ordre du tableau,

F. Malingue

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03645


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03645
Date de la décision : 28/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CABINET NICOROSI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-28;17nt03645 ?
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