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21/06/2019 | FRANCE | N°19NT00679

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 juin 2019, 19NT00679


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 28 décembre 2018 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement 1900532 du 18 janvier 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé les arrêtés du préfet de Maine-et-Loire du 28 décembre 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un

mémoire, enregistrés le 14 février 2019 et le 2 mai 2019, le préfet de Maine-et-Loire demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 28 décembre 2018 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement 1900532 du 18 janvier 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé les arrêtés du préfet de Maine-et-Loire du 28 décembre 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 février 2019 et le 2 mai 2019, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 janvier 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- son arrêté de transfert aux autorités italiennes n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, en l'absence de tout élément établissant que la demande de M. B...ne serait pas traitée en Italie dans des conditions conformes au droit de l'Union et au droit international ;

- M. B...n'a fait état d'aucune circonstance justifiant la mise en oeuvre de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement n° 604/2013 ; son état de santé ne le place pas dans une situation d'une particulière vulnérabilité ;

- il y a lieu de statuer, la délivrance d'une attestation de demande d'asile en exécution du jugement du 18 janvier 2019 ne le privant pas de son droit de faire appel ;

- dans le cadre de l'effet dévolutif, il entend reprendre les éléments qu'il a développés en première instance.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 avril 2019 et le 16 mai 2019, M. C...B..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que

- il n'y a plus lieu de statuer sur la requête du préfet de Maine-et-Loire dès lors que sa demande d'asile est en cours d'examen devant l'OFPRA ;

- les autres moyens soulevés par le préfet de Maine-et-Loire ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, les moyens présentés en première instance repris en appel justifient l'annulation des décisions du 28 décembre 2018.

Un mémoire présenté par le préfet de Maine-et-Loire a été enregistré le 3 juin 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.

M. C...B... a obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 21 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique ;

- le rapport de Mme Allio-Rousseau ;

- les observations de MeA..., représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de Maine-et-Loire relève appel du jugement du 18 janvier 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. C...B..., ressortissant guinéen né le 3 février 1982, les arrêtés du 28 décembre 2018 par lesquels, d'une part, il a prononcé la remise de M. B...aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. M. B...fait valoir qu'à la suite de l'annulation, par le jugement attaqué, de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 28 décembre 2018 prononçant sa remise aux autorités italiennes, le préfet lui a délivré une attestation de demande d'asile en vue de l'instruction de sa demande par l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui l'a convoqué le 24 avril 2019. Toutefois, cette circonstance n'a pas pour conséquence de priver d'objet les conclusions d'appel du préfet de Maine-et-Loire. Par suite, l'exception de non-lieu opposée à la requête par M. B...ne peut être accueillie.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013: " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. ". En vertu de l'article 17 de ce règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ". Si la mise en oeuvre, par les autorités françaises, des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 doit être assurée à la lumière des exigences définies par les dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, en vertu desquelles les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif, la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

4. Il appartient au juge administratif de rechercher si, à la date de l'arrêté contesté, au vu de la situation générale du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile en Italie et de la situation particulière de M.B..., il existait des motifs sérieux et avérés de croire qu'en cas de remise aux autorités italiennes, il ne bénéficierait pas d'un examen effectif de sa demande d'asile et risquerait de subir des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales justifiant la mise en oeuvre de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

5. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

6. Si M. B...fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie, les documents qu'il produit à l'appui de ces arguments ne permettent pas de tenir pour établi que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. À cet égard, si M. B...se prévaut de craintes quant à son accès effectif à une procédure d'examen de sa demande d'asile en Italie et d'un risque d'être directement renvoyé au Guinée, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'Italie mettrait en oeuvre de façon systématique le renvoi des demandeurs d'asile guinéens dans leur pays sans avoir examiné leur demande d'asile, à condition qu'elle ait été déposée, dans le cadre de ses engagements internationaux en matière d'asile. Il n'est pas davantage démontré que l'intéressé serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie au regard de son état de santé. En effet, si M. B...fait valoir qu'il est atteint d'une hépatite B qui n'a été détectée qu'à son arrivée en France, les certificats médicaux qu'il produit n'indiquent toutefois pas qu'il ne pourrait voyager sans risque ni qu'il lui serait impossible de bénéficier de soins appropriés en Italie. Les douleurs cardiaques ne sont pas confirmées par les documents médicaux produits. Il n'est pas établi qu'il serait atteint de turberculose. Ainsi, les circonstances invoquées par M. B...ne suffisent pas à établir qu'en s'abstenant de mettre en oeuvre la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet de Maine-et-Loire se serait livré à une appréciation manifestement erronée de sa situation personnelle, notamment du degré de gravité des conséquences de son éloignement vers l'Italie.

7. Dès lors, le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé, pour ce motif, l'arrêté litigieux du 28 décembre 2018 ordonnant le transfert de M. B...vers l'Italie ainsi que, par voie de conséquence, le second arrêté du même jour l'assignant à résidence.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes et la cour.

En ce qui concerne les autres moyens relatifs à l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :

9. En premier lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de son article 3 du chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

10. L'arrêté du 28 décembre 2018 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de M. B...aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 742-3. Il mentionne par ailleurs le caractère irrégulier de l'entrée en France de M.B..., rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque celui-ci s'est présenté devant les services de la préfecture de Maine-et-Loire pour y solliciter l'asile, et précise que la consultation du système Eurodac a fait apparaître que l'intéressé était connu des autorités italiennes auprès desquelles il a été enregistré le 28 mai 2016 en qualité de demandeur d'asile. Il indique également que les autorités italiennes, saisies le 11 décembre 2017 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, ont implicitement accepté cette reprise en charge. Il en résulte que cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent, permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il a été fait application. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de ne pas instruire la demande de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit ou, si nécessaire pour la bonne compréhension du demandeur, oralement, et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, leur délivrance complète par l'autorité administrative, notamment par la remise de la brochure prévue par les dispositions précitées, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

12. Il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions figurant sur le formulaire qu'il a signé à l'issue de l'entretien individuel dont il a bénéficié le 11 décembre 2018, que M. B... a reçu le même jour communication du guide du demandeur d'asile et des brochures d'information qui comportent l'ensemble des informations requises par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, rédigés en langue française et traduits oralement en malinké, langue qu'il a déclaré comprendre. M. B... n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas reçu une information complète sur ses droits en qualité de demandeur d'asile, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) ".

14. Il ressort des mentions figurant sur le formulaire signé par M. B...qu'il a bénéficié le 11 décembre 2018, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue malinké, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours d'un interprète assermenté. Il n'est à cet égard pas démontré que le requérant n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées oralement et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte-rendu qui en a été établi. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

15. En quatrième lieu, M. B...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 10 du règlement n° 1560/2003, qui a pour seul objet de permettre l'organisation de l'exécution d'une décision de transfert en cas d'acceptation implicite des autorités responsables de l'examen de la demande d'asile.

16. En cinquième lieu, d'une part, l'article 25 du règlement (UE) n° 604/2013, intitulé " requête aux fins de reprise en charge " dispose que : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines.". D'autre part, l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, dans sa rédaction issue du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 et applicable à la décision en litige, énonce que : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement / (...) / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse. ".

17. Il ressort des pièces versées au dossier que la demande de prise en charge de M. B...par les autorités italiennes, fondée sur les résultats des données obtenues par le système Eurodac a été formée le 11 décembre 2018 par le préfet de Maine-et-Loire via le réseau de communication DubliNet, qui permet des échanges d'informations fiables entre les autorités des Etats membres de l'Union européenne qui traitent les demandes d'asile. Le préfet de Maine-et-Loire a produit, pour en justifier, la copie d'un accusé de réception DubliNet du 26 décembre 2018 mentionnant la référence " FRDUB29930212056-490 " qui correspond au numéro attribué à M. B...par la préfecture. Cet accusé de réception correspond à une réponse automatique émise le 9 novembre 2017 à la suite de l'envoi de la demande de reprise en charge concernant M. B...au moyen de l'application DubliNet. Au regard des dispositions de l'article 15 du règlement 1560/2003, cet accusé de réception fait foi, à lui seul, de la transmission, dans le délai prévu à l'article 25 du règlement n° 604/2013, de la demande de reprise en charge de M. B...aux autorités italiennes et de sa réception. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans le délai d'acquisition d'une décision implicite d'acceptation, l'Italie aurait refusé la prise en charge. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 25 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté. Il en résulte que l'arrêté du 28 décembre 2018 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a prononcé la remise de M. B...aux autorités italiennes, qui ont donné implicitement leur accord le 26 décembre 2018, n'est pas entaché du défaut de base légale ou de l'erreur de droit allégués.

18. En sixième lieu, l'article 26 du règlement n° 604/2013 prévoit que : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. Si la personne concernée est représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres peuvent choisir de notifier la décision à ce conseil juridique ou à cet autre conseiller plutôt qu'à la personne concernée et, le cas échéant, de communiquer la décision à la personne concernée. ".

19. Le moyen selon lequel la décision contestée méconnaît les dispositions précitées de l'article 26 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui concerne les " modalités de notification de la décision de transfert ", lesquelles sont postérieures à l'édiction de la décision contestée, est inopérant. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que la décision du préfet de Maine-et-Loire du 28 décembre 2018 décidant du transfert de M. B...vers l'Italie a bien été notifiée à l'intéressé le 14 janvier 2019.

20. En septième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire, qui n'était pas tenu de solliciter un avis médical avant l'édiction de l'arrêté de transfert, n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. B... et des conséquences de sa réadmission en Italie au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de son état de santé.

21. En huitième et dernier lieu, il résulte des points 3 à 7 que M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté ordonnant sa remise aux autorités italiennes est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :

22. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prendre une mesure d'assignation à résidence à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qui présente des garanties propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement.

23. En premier lieu, l'arrêté portant assignation à résidence de M. B...vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'article L. 561-2, ainsi que l'arrêté du même jour décidant la remise de l'intéressé aux autorités italiennes. Par ailleurs, il indique que M.B..., qui justifie d'une domiciliation chez CVH au Mans, présente des garanties suffisantes propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure de transfert dans l'attente de l'exécution de celle-ci qui demeure une perspective raisonnable. Cet arrêté comporte ainsi un exposé suffisant des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet de Maine-et-Loire pour décider d'assigner M. B... à résidence. Il est ainsi suffisamment motivé.

24. En second lieu, il résulte des points 3 à 21 du présent arrêt que M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes.

25. Il résulte de de tout ce qui précède que la demande de M. B...tendant à l'annulation des arrêtés du 28 décembre 2018 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence doit être rejetée, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 janvier 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juin 2019.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

L. Lainé

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00679


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00679
Date de la décision : 21/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : GUERIN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-21;19nt00679 ?
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