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18/06/2019 | FRANCE | N°18NT01192

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 18 juin 2019, 18NT01192


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...A...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 février 2015 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 22 octobre 2014 prise par les autorités consulaires françaises en poste à Djibouti (République de Djibouti) rejetant les demandes de visa de long séjour présentées en faveur de son épouse, Mme H...B...C..., et ses enfants allégués I..., J..., K..., L..., M

..., N..., O..., E..., P... et Q... A...E....

Par un jugement n° 1503747 du 6 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...A...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 février 2015 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 22 octobre 2014 prise par les autorités consulaires françaises en poste à Djibouti (République de Djibouti) rejetant les demandes de visa de long séjour présentées en faveur de son épouse, Mme H...B...C..., et ses enfants allégués I..., J..., K..., L..., M..., N..., O..., E..., P... et Q... A...E....

Par un jugement n° 1503747 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours du 26 février 2015 et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mars 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 mars 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...E...devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) d'enjoindre à M. A...E...de rembourser la somme de 1 200 euros mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation quant à la réalité des liens familiaux allégués compte tenu des certificats de naissance produits ;

- les actes en question ne répondent pas aux conditions de forme et de fond permettant de les regarder comme des actes d'état civil probants;

- les conditions de la possession d'état ne sont pas réunies et ce mode de preuve de la filiation n'est pas prévu par le droit somalien ;

- la décision contestée ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 avril 2018 et 24 mai 2019, M. A...E..., représenté par Me Renard, conclut au rejet de la requête, et demande, en outre, à la cour de rappeler au ministre de l'intérieur l'injonction prononcée par le jugement attaqué, d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le ministre de l'intérieur n'est fondé.

M. A...E...a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dussuet, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...E..., ressortissant somalien né en 1960, entré en France en février 2011, a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 août 2011. Par une décision du 22 octobre 2014, les autorités consulaires françaises à Djibouti ont refusé de délivrer les visas de long séjour pour établissement familial sollicités pour Mme H...B...C..., qu'il présente comme son épouse, et pour les cinq enfants I..., J..., K..., L... et M... A...E..., nés entre 1996 et 1999, qu'il présente comme ses enfants issus de son mariage avec Mme F...A..., décédée en 2013, et, enfin, pour les cinq enfants N..., O..., E..., P... et Q... A...E..., nés entre 2001 et 2005, qu'il présente comme ses enfants issus de son union avec Mme B...C.... Par décision du 26 février 2015, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. A... E...contre la décision consulaire. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 6 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A... E..., la décision de la commission de recours et a enjoint au ministre de délivrer les visas de long séjour sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur la légalité de la décision :

2. Aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de M. A...E...: " L'office est habilité à délivrer, après enquête s'il y a lieu, aux réfugiés et apatrides les pièces nécessaires pour leur permettre soit d'exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d'actes d'état civil. L'office est habilité à délivrer dans les mêmes conditions les mêmes pièces aux bénéficiaires de la protection subsidiaire lorsque ceux-ci sont dans l'impossibilité de les obtenir des autorités de leur pays. Le directeur général de l'office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu'il établit ont la valeur d'actes authentiques. Ces diverses pièces suppléent à l'absence d'actes et de documents délivrés dans le pays d'origine (...) ". Aux termes du II de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015 : " (...) / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ".

3. Les dispositions précitées de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont, dès lors que la loi du 29 juillet 2015 n'a, en ce qui concerne leur entrée en vigueur, prévu ni délai particulier, ni disposition transitoire, devenues applicables le 31 juillet 2015, lendemain de leur publication au Journal officiel, à toute situation non juridiquement constituée au nombre desquelles figurent les instances en cours concernant les refus de visas sollicités sur le fondement du respect du principe de l'unité familiale du réfugié ou du protégé subsidiaire tel qu'issu des stipulations de la convention du 28 juillet 1951. Il en résulte que, à compter de cette date, les documents établis par le directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en application des dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, font foi, quelle qu'ait été la date de leur délivrance, tant que n'a pas été mise en oeuvre par l'administration la procédure d'inscription de faux prévue aux articles 303 à 316 du code de procédure civile et en cours d'instance à l'article R. 633-1 du code de justice administrative.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A...E..., bénéficiaire du régime de la protection subsidiaire depuis le 12 août 2011, a produit un certificat établi le 17 octobre 2011, conformément aux dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, attestant de son mariage avec Mme H...B...C...en 2000 à Muuri, Afgooye (Somalie). En l'absence de mise en oeuvre par le ministre de la procédure d'inscription de faux, ce document fait foi en ce qui concerne l'existence du lien matrimonial unissant M. G... A...E...et Mme H...B...C....

5. D'autre part, aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

6. M. A...E...a produit des certificats de naissance dressés le 9 décembre 2013 par le General registration office de Mogadiscio, les passeports des cinq enfants N..., O..., E..., P... et Q..., issus de son union avec Mme B...C..., et des cinq enfants I..., J..., K..., L... et M..., issus de son mariage précédent avec Mme F...A.... Il est constant que les mentions relatives à l'identité, aux dates et lieux de naissance des enfants concordent avec les déclarations faites à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par M. A...E...lors du dépôt de sa demande d'asile et avec celles figurant sur la fiche familiale de référence du 15 septembre 2011, ainsi qu'avec les mentions indiquées sur les passeports des intéressés. Si le ministre soutient que les certificats de naissance doivent être regardés comme apocryphes dès lors qu'ils ont été dressés par une municipalité différente de celle de naissance des intéressés et qu'ils ne comportent pas les mentions réglementaires, il n'apporte au soutien de ses allégations aucun élément de nature à établir qu'à la date de leur délivrance, ces actes n'auraient pas été rédigés conformément aux règles régissant l'état-civil en Somalie, ni qu'ils seraient falsifiés ou non conformes à la réalité. Dans ces conditions, le lien de filiation doit également être regardé comme établi.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 26 février 2015. Par suite, les conclusions du ministre de l'intérieur tendant à la restitution des sommes que l'Etat a été condamné à verser en première instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

8. Le présent arrêt n'implique pas le prononcé d'une injonction autre que celle déjà prononcée par les premiers juges, dès lors qu'il appartient au ministre de prendre les mesures nécessaires pour délivrer les visas sollicités. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. M. A...E...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Renarddans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. A...E...est rejeté

Article 3 : L'Etat versera à Me Renardune somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. G...A...E....

Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président-assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2019

Le président-assesseur,

S. DEGOMMIERLe président-rapporteur,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 18NT01192


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01192
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre DUSSUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : RENARD OLIVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-18;18nt01192 ?
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