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14/06/2019 | FRANCE | N°18NT01176

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 14 juin 2019, 18NT01176


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exploitation du parc éolien de Dampierre Prudemanche a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les deux arrêtés du 19 janvier 2016 du préfet de la région Centre-Val de Loire portant refus de lui délivrer deux permis de construire en vue de l'implantation de cinq éoliennes sur le territoire des communes de Dampierre et de Prudemanche.

Par un jugement n° 1602388 du 16 janvier 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2018, la société d'exploitation du parc éolie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exploitation du parc éolien de Dampierre Prudemanche a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les deux arrêtés du 19 janvier 2016 du préfet de la région Centre-Val de Loire portant refus de lui délivrer deux permis de construire en vue de l'implantation de cinq éoliennes sur le territoire des communes de Dampierre et de Prudemanche.

Par un jugement n° 1602388 du 16 janvier 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2018, la société d'exploitation du parc éolien de Dampierre Prudemanche, représentée par Me A...et MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 janvier 2018 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la région Centre-Val de Loire du 19 janvier 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer les permis de construire sollicités dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le tribunal a soulevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence et n'a pas procédé à un examen réel et sérieux du dossier en s'en remettant à l'avis défavorable du service territorial de l'architecture et du patrimoine (STAP) d'Eure et Loir ;

- les motifs de refus opposés aux demandes de permis de construire sont contradictoire avec ceux opposés à la demande d'autorisation d'exploiter le parc éolien ;

- le préfet a entaché son refus d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a pas procédé à un examen préalable de la qualité intrinsèque de chacun des sites mentionnés dans ses refus, ni évalué l'impact particulier du projet sur chacun de ces sites ;

- plusieurs de ces sites ne présentent qu'un intérêt relatif et ne subissent qu'un impact très limité du fait des co-visibilités avec le projet, en particulier en ce qui concerne les châteaux d'Escorpain, de la Gadelière et de Maillebois et les églises de Brezolle et de Dampierre ;

- les éoliennes ne portent pas d'atteinte particulière au site inscrit de Dampierre sur Avre ni au village de Crecy-Crouvé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2018, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société d'exploitation du parc éolien de Dampierre-Prudemanche (SEPEDP) a obtenu le 26 avril 2007 trois autorisations de construire l'autorisant à implanter trois bouquets d'éoliennes représentant un total de 14 machines d'une hauteur de 123 mètres, situés sur le territoire des communes de Dampierre et Prudemanche (28), ces permis étant finalement frappés de caducité. La SEPEDP a alors déposé le 14 décembre 2012 deux nouvelles demandes d'autorisation de construire, pour un projet désormais réduit à cinq aérogénérateurs d'une hauteur de 177 mètres, qui ont fait l'objet d'un double refus par le préfet du Centre-Val de Loire le 13 décembre 2013, le préfet rejetant également la demande d'autorisation d'exploiter déposée par le pétitionnaire. Le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le 17 mars 2015, par un jugement devenu définitif, le recours formé contre ces décisions. La SEPEDP a de nouveau déposé le 10 octobre 2014 deux nouvelles demandes de permis de construire, portant cette fois sur quatre aérogénérateurs d'une hauteur de 137 mètres et un aérogénérateur de 126,5 mètres. Par décisions du 19 janvier 2016, le préfet du Centre-Val de Loire a rejeté ces demandes de même que l'autorisation d'exploiter sollicitée au titre du régime des installations classées pour la protection de l'environnement. La SEPEDP relève appel du jugement en date du 16 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation des ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que si le jugement attaqué mentionne effectivement l'existence d'une situation " de co-visibilité prégnante " entre le parc éolien litigieux et l'église de Boissy en Brouais, classée monument historique, alors que cette dernière n'est pas citée par l'arrêté préfectoral refusant les permis de construire sollicités, cet arrêté, qui indique que le projet de parc est en situation de co-visibilité avec " plusieurs monuments historiques ", n'en a pas fixé limitativement la liste, cette indication étant suivie d'une parenthèse à l'intérieur de laquelle quelques monuments sont cités, mais se terminant par des points de suspension, qui démontrent nécessairement qu'il ne s'agissait que d'exemples parmi d'autres d'une telle situation de co-visibilité et non pas des seuls monuments impactés par le projet. L'église de Boissy en Brouais apparaît dans plusieurs des pièces constituant le dossier de demande du pétitionnaire, ainsi que dans les documents produits par le pétitionnaire postérieurement à la date des décisions attaquées. Ces derniers documents, qui figuraient au dossier contentieux, prennent notamment la forme de photomontages, ont été portés à la connaissance de l'administration en mai 2016 dans le cadre d'une demande de réexamen de sa position, et pouvaient ainsi, comme l'a indiqué le jugement attaqué en son point 5, être pris en compte par les premiers juges pour apprécier le bien fondé du motif des décisions attaquées tiré de l'atteinte portée au caractère ou à l'intérêt des différents lieux, sites et paysages énumérés par l'article R. 111-21 alors applicable du code de l'urbanisme. En retenant le bien fondé de ce motif, le tribunal administratif ne peut être regardé comme ayant soulevé d'office un moyen d'annulation qui n'était pas d'ordre public, et n'a ainsi pas entaché son jugement d'irrégularité.

3. En second lieu, s'il ressort également des pièces du dossier que le jugement mentionne " le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ", cette mention figure dans le jugement attaqué non pas dans la motivation de celui-ci, mais en tant qu'élément de titre destiné à énumérer les différents moyens d'annulation successivement examinés par le tribunal le point 6 du jugement attaqué répondant finalement à ce moyen en le requalifiant, les premiers juges indiquant " c'est sans commettre l'erreur d'appréciation alléguée par la société d'exploitation du parc éolien de Dampierre-Prudemanche que le préfet.de la région Centre-Val de Loire a pu estimer que les permis de construire sollicités étaient de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Le tribunal administratif n'a ce faisant pas davantage entaché son jugement d'irrégularité.

4. En dernier lieu, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ne se sont pas abstenus, ainsi pourtant que le soutient le pétitionnaire, de porter une appréciation sur les différents monuments historiques impactés par le projet litigieux, dont ils ont précisé que certains étaient inscrits, ainsi que sur l'impact né de leur co-visibilité avec le projet, qualifiée de " prégnante " au point 6 de leur décision, et ainsi de nature à porter atteinte à leur caractère ou à leur intérêt. Ils ont ainsi suffisamment motivé leur décision quant à l'absence d'erreur d'appréciation du préfet à avoir rejeté la demande d'autorisation dont il était saisi, en raison de l'atteinte portée au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales.

Sur le bien fondé du jugement :

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en premier lieu, alors même qu'il en a très largement reproduit les termes, que le préfet du Centre-Val de Loire se soit cru lié par le seul avis du STAP du 22 janvier 2015 pour prendre son arrêté du 19 janvier 2016, dont il pouvait par ailleurs partager l'analyse. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, en dépit de l'erreur relative à la hauteur des aérogénérateurs figurant sur l'avis du service territorial de l'architecture et du patrimoine, non reprise à son compte par le préfet, que la demande du pétitionnaire n'aurait pas préalablement fait l'objet de la part des différents services de l'Etat d'un examen réel et sérieux. Le moyen de " l'erreur de droit " entachant le refus litigieux, le pétitionnaire ne précisant d'ailleurs pas les dispositions législatives ou réglementaires dont il entend se prévaloir, ne peut ainsi qu'être écarté.

6. La circonstance que le préfet n'a pas motivé en termes identiques sa décision portant refus d'autoriser l'exploitation du parc éolien, prise au visa du code de l'environnement, est, en deuxième lieu, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, qui n'a pas été prise en application de la même législation.

7. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme s'étant substitué au 1er janvier 2016 aux dispositions de l'article R. 111-21 citées par l'arrêté préfectoral : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. "

8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des différents documents de photomontage produits par le pétitionnaire, que l'existence de plusieurs situations de co-visibilité peut être constatée entre le parc éolien litigieux et plusieurs monuments historiques protégés. Il en va ainsi, comme l'a relevé à juste titre le tribunal administratif, qui n'a d'ailleurs pas retenu l'ensemble des co-visibilités relevées par le préfet pour refuser les autorisations sollicitées au motif des atteintes portées aux monuments historiques, aux sites et aux paysages, du château d'Escorpain, où une co-visibilité peut être observée à partir de la RD 312, la partie supérieure du bâtiment formant le château, constituée d'une toiture en tourelles et d'une partie des façades, pouvant être vue pendant au moins une partie de l'année en même temps que la partie supérieure des mâts de deux éoliennes ainsi que les pales de ces dernières pour toute leur longueur. Il en va de même de l'église Saint Nicolas de Brézolles, dont le clocher est également visible, dans sa quasi-intégralité, en même temps qu'une partie du parc éolien à partir de la RD4. Il en va de même, dans une moindre mesure, du site inscrit de Dampierre sur Avre, au moins pour la partie du village regroupée autour de son église inscrite. Ces situations de co-visibilité sont ainsi de nature à altérer de manière non négligeable plusieurs éléments essentiels de ces monuments, s'agissant d'une église classée à Brézolles et d'un château inscrit à Escorpain. C'est ainsi sans entacher d'erreur d'appréciation que le préfet a pu prendre la décision attaquée, dont il résulte de l'instruction qu'elle aurait été identique si le tribunal administratif n'avait pas également retenu l'atteinte portée au monument historique que constitue l'église de Boissy en Drouais.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société d'exploitation du parc éolien de Dampierre Prudemanche n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les conclusions en injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions en annulation déposées par la société d'exploitation du parc éolien de Dampierre Prudemanche n'appelle aucune mesure particulière en vue de son exécution. Les conclusions en injonction déposées par la requérante ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, verse à la société d'exploitation du parc éolien de Dampierre Prudemanche la somme que celle-ci réclame au tire des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.761-1.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société d'exploitation du parc éolien de Dampierre- Prudemanche est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation du parc éolien de Dampierre Prudemanche et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la région Centre-Val de Loire.

Délibéré après l'audience du 15 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président,

- M. Degommier, président assesseur,

- M. Mony, premier conseiller,

Lu en audience publique le 14 juin 2019.

Le rapporteur,

A. MONY

Le président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT01176


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01176
Date de la décision : 14/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : CABINET FIDAL BALAY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-14;18nt01176 ?
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