Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des compléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 2009 et 2010.
Par un jugement n° 1503780 du 30 août 2017, le tribunal administratif de Rennes a déchargé M. C...des majorations pour découverte d'une activité occulte mises à sa charge au titre des années 2009 et 2010 (article 1er) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 2).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2017, M. C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des compléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 2009 et 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 16 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'est pas imposable du fait de ses gains de jeu de poker ;
- l'administration ne pouvait pas effectuer un examen de sa situation fiscale personnelle puis une vérification de comptabilité ;
- la procédure d'imposition est irrégulière dans la mesure où il n'a pas mesuré la portée de son contreseing du procès-verbal constatant l'absence de présentation de comptabilité ;
- c'est à tort que l'administration a procédé à une évaluation d'office de ses gains issus du jeu de poker dès lors qu'elle ne justifie pas de l'existence d'une activité occulte susceptible de permettre la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office, dans les conditions prévues par les dispositions combinées du 2° de l'article L. 73 et du 3° de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales ;
- il a rétrocédé la moitié du gain de 328 690 euros qu'il a réalisé lors du tournoi de poker de l'aviation Club de France du 15 mai 2010 à des co-joueurs qui ont pris en charge une partie des droits d'entrée à ce tournoi et produit des attestations de deux personnes certifiant avoir reçu de M.C..., chacun en espèces, la somme de 16 200 euros ;
- lors de son entretien avec l'interlocuteur départemental le 2 décembre 2013, il avait été convenu de ne pas considérer comme imposables les rétrocessions de gains réalisés par un joueur à proportion de la participation aux droits d'entrée de ce joueur ; le virement provenant d'un tiers d'un montant de 15 250 euros, qui est une rétrocession de gains en sa faveur comme l'atteste
ce tiers, ne peut être imposée ;
- il a supporté des charges liées à des droits d'entrée ; il s'est acquitté de dépenses en 2009 et 2010 et a supporté des charges liées à la rétrocession alléguée d'une partie du
gain qu'il a réalisé lors du tournoi de poker de l'aviation Club de France du
15 mai 2010.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les revenus perçus en 2009 et 2010. L'administration a également procédé à la vérification de comptabilité de son activité de joueur de poker pour les années 2003 à 2010. A l'issue de ces contrôles, elle a évalué d'office, sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales et de l'article L. 68 du même livre, les revenus tirés par l'intéressé de cette dernière activité au titre des années 2009 et 2010, qu'elle a regardés comme des bénéfices non commerciaux imposables sur le fondement des dispositions de l'article 92 du code général des impôts. L'administration a également appliqué à M. C...la pénalité de 80 % pour activité occulte prévue par le c) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. Par un jugement du 30 août 2017, le tribunal administratif de Rennes a déchargé M. C...de cette pénalité (article 1er) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 2). M. C...relève appel de l'article 2 de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : (...) / 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; (...) / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2°. ". L'article 68 du même livre dispose, dans sa rédaction applicable, résultant de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite (...) ".
3. Dans le cas où un contribuable ayant omis de déposer dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, ce contribuable est réputé être au nombre de ceux visés par le 3° de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction mentionnée au point précédent, s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.
4. Il ressort de la proposition de rectification du 18 décembre 2012 que les bénéfices non commerciaux tirés de l'activité de joueur de poker de M. C...ont été évalués d'office sans l'envoi d'une mise en demeure de déclarer dès lors que l'intéressé ne s'était pas fait connaître d'un centre de formalité des entreprises ou du greffe d'un tribunal de commerce.
5. Pour contester la régularité de cette évaluation d'office, le requérant soutient qu'il n'exerçait pas une activité occulte et souligne en particulier qu'il était de bonne foi et n'avait, légitimement, pas connaissance du caractère imposable de ses gains.
6. Effectivement, ce n'est que postérieurement aux années d'imposition en litige que la jurisprudence et l'administration fiscale ont expressément estimé que les gains tirés de l'activité de joueur de poker, tels que ceux en litige, étaient, dans certaines conditions, imposables à l'impôt sur le revenu. Dès lors, M. C...doit être regardé comme établissant que l'absence de souscription de la déclaration propre au régime de la déclaration contrôlée constituait une simple erreur, de nature à justifier qu'il ne se fût pas acquitté de ses obligations déclaratives. La procédure d'évaluation d'office étant irrégulière, à défaut d'envoi d'une mise en demeure, M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à M. C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 août 2017 est annulé.
Article 2 : M. C...est déchargé des cotisations d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2009 et 2010 ainsi que de l'intérêt de retard correspondant.
Article 3 : L'Etat versera à M. C...une somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- Mme Malingue, premier conseiller,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mai 2019.
Le président-rapporteur,
J.-E. GeffrayL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau
F. Malingue
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03254