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10/05/2019 | FRANCE | N°19NT00295

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 10 mai 2019, 19NT00295


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 10 décembre 2018 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités polonaises et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1812047 du 21 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé les arrêtés du 10 décembre 2018 du préfet de Maine-et-Loire et a enjoint à celui-ci d'enregistrer la demande d'asile de M. C.

..en procédure normale dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 10 décembre 2018 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités polonaises et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1812047 du 21 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé les arrêtés du 10 décembre 2018 du préfet de Maine-et-Loire et a enjoint à celui-ci d'enregistrer la demande d'asile de M. C...en procédure normale dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2019, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 décembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- la décision de remise de M. C...aux autorités polonaises ne procède pas d'une application erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ni d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la Pologne ne peut être considérée comme un pays présentant des défaillances systémiques dans l'application des procédures d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, et que M. C...n'établit pas que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités polonaises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Pologne. En outre, si M. C...a vu sa demande d'asile rejetée par les autorités polonaises, les risques encourus en cas d'éloignement vers la Russie ont nécessairement été examinés lorsque les autorités polonaises ont instruit une procédure d'éloignement à son encontre ;

- s'agissant des autres moyens invoqués par M.C..., il s'en remet à ses écritures de première instance.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er mars 2019 et 16 avril 2019, M. A...C..., représenté par MeB..., conclut à titre principal au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire, au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son avocat, sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative et en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- à titre principal, le recours introduit par le préfet est devenu sans objet dès lors que sa demande d'asile est actuellement instruite par l'OFPRA, devant lequel il a été convoqué ;

- à titre subsidiaire, aucun des moyens invoqués par le préfet de Maine-et-Loire n'est fondé ;

- à titre infiniment subsidiaire :

. la décision de remise aux autorités polonaises est insuffisamment motivée ; elle est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ; la décision manque de base légale et est entachée d'une erreur de droit ; elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 10 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003 ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, au regard de son état de santé, des défaillances systémiques qui caractérisent les conditions de mise en oeuvre de la procédure d'asile et d'accueil des demandeurs d'asile en Pologne, et du risque de son renvoi en Russie par les autorités polonaises ;

. la décision ordonnant son assignation à résidence est insuffisamment motivée, est dépourvue de fondement légal en raison de l'illégalité de la décision de remise aux autorités polonaises, et est entachée d'une erreur de droit.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Besse ;

- et les observations de MeB..., représentant M.C....

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant russe né le 19 août 1991 et déclarant être entré irrégulièrement en France le 29 octobre 2018, a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de Maine-et-Loire le 23 novembre 2018. Les recherches effectuées sur le fichier Eurodac ont révélé que ses empreintes avaient été précédemment relevées en Pologne les 5 septembre 2013, 10 décembre 2014 et 14 novembre 2016. Le préfet de Maine-et-Loire a alors saisi les autorités polonaises le 26 novembre 2018 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, à laquelle ces mêmes autorités ont expressément donné leur accord le 5 décembre 2018 sur le fondement du d) du paragraphe 1 du même article 18 du règlement du 26 juin 2013. Par des arrêtés du 10 décembre 2018, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de remettre M. C...aux autorités polonaises et l'a assigné à résidence. Le préfet de Maine-et-Loire relève appel du jugement du 21 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé les arrêtés du 10 décembre 2018 et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. C...en procédure normale dans le délai de quinze jours, au motif qu'en décidant de le remettre aux autorités polonaises sans mettre en oeuvre la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'autorité administrative avait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

2. En premier lieu, M. C...fait valoir qu'à la suite de l'annulation, par le jugement attaqué, de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 10 décembre 2018 prononçant sa remise aux autorités polonaises, sa demande d'asile a été enregistrée le 24 janvier 2019 par l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) devant lequel il a été convoqué le 13 février 2019 dans le cadre de l'instruction de sa demande d'asile en France. Toutefois, cette circonstance n'a pas pour conséquence de priver d'objet les conclusions d'appel du préfet de Maine-et-Loire. Par suite, l'exception de non-lieu opposée à la requête par M. C...ne peut être accueillie.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

4. D'une part, si M. C...fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Pologne, les documents qu'il produit à l'appui de ces allégations ne permettent pas d'établir que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités polonaises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Pologne est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. D'autre part, si le requérant fait valoir qu'il souffre de douleurs lombaires, aux reins et à l'estomac, ainsi que de stress, le seul certificat médical qu'il produit, daté du 20 décembre 2018, ne permet pas de justifier de ce que son état de santé le placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France.

6. Enfin, M. C...fait valoir qu'en raison du rejet définitif de sa demande d'asile par les autorités polonaises, qui ont d'ailleurs accepté de le reprendre en charge sur le fondement des dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 applicables aux ressortissants de pays tiers dont la demande a été rejetée et qui ont présenté une demande auprès d'un autre État membre, son transfert en Pologne l'expose au risque d'être renvoyé en Russie et d'y subir des traitements inhumains ou dégradants en raison des persécutions dont font l'objet les personnes d'origine tchétchène dans ce pays, où il est soupçonné de collaboration avec les forces indépendantistes armées tchétchènes. Toutefois, l'arrêté contesté n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner l'intéressé vers la Russie, mais seulement de prononcer son transfert en Pologne. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une décision d'éloignement vers la Russie devenue définitive aurait été prise à l'encontre de M. C... par les autorités polonaises, ni que celui-ci ne serait pas en mesure de faire valoir devant ces mêmes autorités, à l'occasion d'une éventuelle procédure d'éloignement, tout élément nouveau relatif à sa situation personnelle et à la situation qui prévaut en Russie. Ainsi, M. C...n'est pas fondé à soutenir qu'en ne mettant pas en oeuvre la clause dérogatoire prévue au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 10 décembre 2018 ordonnant la remise de M. C...aux autorités polonaises, et par voie de conséquence l'arrêté prononçant son assignation à résidence.

7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Nantes contre les arrêtés du préfet de Maine-et-Loire du 10 décembre 2018.

En ce qui concerne la décision de remise aux autorités polonaises :

8. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

9. La décision prononçant le transfert de M. C...aux autorités polonaises vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 742-3. Elle relève en outre le caractère irrégulier de l'entrée en France de l'intéressé et rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque celui-ci s'est présenté devant les services de la préfecture de Maine-et-Loire en précisant que la consultation du système Eurodac a fait apparaître que les empreintes digitales de l'intéressé avaient été précédemment relevées en Pologne les 5 septembre 2013, 10 décembre 2014 et 14 novembre 2016, et que les autorités polonaises, saisies le 26 novembre 2018 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont expressément donné leur accord à cette reprise en charge le 5 décembre 2018 sur le fondement du d) du paragraphe 1 de ce même article. Il en résulte que cette décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent et permet d'identifier le critère de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile du requérant dont le préfet a fait application, est suffisamment motivée. Par ailleurs, le préfet, dont la décision révèle qu'il a procédé à un examen complet de la situation personnelle du requérant, n'était pas tenu de motiver son refus de faire application des dispositions de l'article 17 du même règlement qui permettent à chaque Etat membre de l'Union de décider d'examiner une demande de protection internationale. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen par le préfet de la situation personnelle de M.C..., de l'insuffisance de motivation et du défaut de base légale de la décision doivent être écartés.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) " . Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de ne pas instruire la demande de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit ou, si nécessaire pour la bonne compréhension du demandeur, oralement, et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, leur délivrance complète par l'autorité administrative, notamment par la remise de la brochure prévue par les dispositions précitées, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

11. Il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions figurant sur le compte-rendu qu'il a signé à l'issue de l'entretien individuel dont il a bénéficié le 23 novembre 2018 avec le concours, par téléphone, d'un interprète assermenté en langue russe qu'il a déclaré comprendre, que M. C...a reçu communication du guide du demandeur d'asile et des brochures d'information, qui comportent l'ensemble des informations requises par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, rédigés dans cette même langue. Par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas reçu, dès le début de la procédure, une information complète sur ses droits en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

13. Ainsi qu'il a été dit au point 11, il ressort des mentions figurant sur le formulaire signé par M. C...qu'il a bénéficié le 23 novembre 2018, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue russe, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours d'un interprète assermenté. Il n'est à cet égard pas démontré que l'intéressé n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte-rendu qui en a été établi. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que cet entretien individuel n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

14. En quatrième lieu, M. C...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 10 du règlement n° 1560/2003, qui a pour seul objet de permettre l'organisation de l'exécution d'une décision de transfert en cas d'acceptation implicite des autorités responsables de l'examen de la demande d'asile.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

15. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prendre une mesure d'assignation à résidence à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable.

16. En premier lieu, l'arrêté préfectoral du 10 décembre 2018 portant assignation à résidence de M. C...vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 561-2 1°bis, ainsi que l'arrêté du même jour décidant la remise de l'intéressé aux autorités polonaises. Par ailleurs, il mentionne la nécessité de s'assurer de la disponibilité de l'intéressé, qui dispose d'une domiciliation au Mans, pour répondre aux convocations de l'administration réalisées dans le cadre de la mise en oeuvre de la procédure de transfert vers l'Etat membre requis. Dès lors, cet arrêté, qui comporte ainsi un exposé suffisant des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet de Maine-et-Loire pour décider d'assigner M. C...à résidence, est suffisamment motivé.

17. En deuxième lieu, il résulte des points 2 à 14 du présent arrêt que M. C...n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités polonaises.

18. En troisième et dernier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 15, le préfet peut prendre une mesure d'assignation à résidence à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable. À cet égard, la circonstance que l'arrêté portant assignation à résidence de M. C... lui a été notifié en même temps que l'arrêté décidant sa remise aux autorités polonaises n'est pas de nature à entacher le premier d'une erreur de droit.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 21 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé les arrêtés du 10 décembre 2018 par lesquels il a décidé la remise de M. C... aux autorités polonaises et son assignation à résidence, lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de l'intéressé en procédure normale dans le délai de quinze jours et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes n° 1812047 du 21 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...C...devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mai 2019.

Le rapporteur,

P. BesseLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00295


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00295
Date de la décision : 10/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Pierre BESSE
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : GUERIN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-05-10;19nt00295 ?
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