Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme Tsering ChoedonG...B...agissant en son nom propre et pour le compte de M. H... B..., M. D...et M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision du 25 février 2015 des autorités consulaires françaises à New Dehli refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour à M. H... B..., M. D...et M. E...B...qu'elle présente comme ses enfants.
Par un jugement n° 1604836 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2018, Mme Tsering ChoedonG...B...agissant en son nom propre et pour le compte de M. D...et M. E...B..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 septembre 2018 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à M. D...B...et M. E... B...un visa d'entrée en France, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la minute du jugement attaqué ne comporte pas l'ensemble des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- alors que les liens de filiation sont parfaitement établis, il ne peut au surplus être exigé des demandeurs l'accomplissement de démarches impossibles compte tenu de leur situation particulière de mineurs isolés d'origine tibétaine ;
- la décision de refus de visa, qui est déjà à l'origine du décès de l'un de ses enfants, lequel a manqué de soins faute d'être auprès de sa mère et alors que son père est décédé, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme Tsering ChoedonG...B..., ressortissante chinoise originaire du Tibet, est entrée en France le 9 mars 2011. Le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a reconnu la qualité de réfugiée par une décision du 29 juin 2011. M. H... B...né le 16 octobre 1999, M. D...né le 24 février 2001 et M. E... B..., né le 14 juin 2002, ressortissants chinois qu'elle présente comme ses enfants, ont sollicité la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité de membres de famille d'un réfugié. Le 25 février 2015, les autorités consulaires françaises à New Dehli ont rejeté ces demandes. Le recours formé contre ces refus devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été implicitement rejeté le 31 mai 2015. Les motifs de cette décision ont été communiqués par un courrier du 10 février 2016. Les requérants relèvent appel du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il appartient, en principe, aux autorités consulaires de délivrer aux enfants mineurs d'un réfugié statutaire les visas qu'ils sollicitent afin de mener une vie familiale normale. Elles peuvent toutefois opposer un refus à de telles demandes pour un motif d'ordre public, notamment en cas de fraude.
3. Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
4. D'une part, les requérants justifient d'un " hukou ", livret d'enregistrement des ménages, dont il ressort que M. H... B...né le 16 octobre 1999, M. D...né le 24 février 2001 et M. E... B...né le 14 juin 2002 sont les fils de Mme Tsering ChoedonB...née le 2 août 1974. Alors, au demeurant, que les mentions portées sur ce livret indiquent expressément qu'il constitue " un document légal prouvant l'état civil des citoyens et les relations entre les membres de la famille ", le ministre n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'il ne constituerait pas en Chine un acte d'état civil. Par ailleurs, les dispositions précitées de l'article 47 ne subordonnent nullement la présomption de validité des actes d'état civil concernant des étrangers établis par une autorité étrangère qu'elles instituent à une légalisation préalable. Ainsi, les liens de filiation invoqués par Mme Tsering ChoedonG...B...sont établis.
5. D'autre part, le ministre n'apporte aucun élément susceptible de démontrer que les personnes ayant présenté les demandes de visa auraient usurpé l'identité de M. H... B..., M. D...et M. E... B...dont les liens de filiation avec Mme G... B...sont, ainsi qu'il a été dit au point précédent, établis. Aucune disposition législative ou règlementaire n'exige que l'acte d'état civil établissant le lien familial comporte lui-même une photographie. L'attestation établie par le Tibetan Refugee Community Office à Kathmandu sur laquelle sont apposées des photographies et dont une traduction réalisée par le bureau du Tibet installé à Paris est également produite, permet d'identifier les demandeurs de visa. Sa valeur probante n'est pas moindre que celle du livret vert, lequel atteste de la contribution financière apportée aux autorités tibétaines en exil en Inde.
6. Il suit de là qu'en se fondant sur ce qu'aucun document officiel d'identité ne permettait d'établir l'identité des demandeurs et, partant, leur lien familial avec Mme Tsering ChoedonG...B..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde, que le ministre de l'intérieur délivre des visas d'entrée en France à M. D...B...et M. E... B.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme Tsering Choedon G...B...de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 septembre 2018 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. D...B...et M. E... B...un visa d'entrée en France, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme Tsering ChoedonG...B...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Tsering ChoedonG...B..., à M. D...B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président de chambre,
M.A...'hirondel, président assesseur,
Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 avril 2019.
Le rapporteur,
K. BOUGRINE
Le président,
A. PEREZLe greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03900