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29/03/2019 | FRANCE | N°18NT01289

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 mars 2019, 18NT01289


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 19 décembre 2017 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement 1711187 du 21 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mars 2018, M. B..., représenté pa

r MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 19 décembre 2017 par lesquels le préfet de la Loire-Atlantique, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement 1711187 du 21 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mars 2018, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 décembre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 19 décembre 2017 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de transmettre sa demande d'asile à l'OFPRA à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut de procéder à un nouvel examen de sa demande dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision de réadmission en Italie :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et ainsi porté atteinte à son droit fondamental de demander l'asile ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Italie ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2019, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 12 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant soudanais né le 1er janvier 1992, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 26 juin 2017 et y a sollicité l'asile le 11 octobre 2017. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie le 10 mai 2017 en raison du franchissement irrégulier de la frontière de ce pays. Par deux arrêtés du 19 décembre 2017, le préfet de la Loire-Atlantique a ordonné sa remise aux autorités italiennes, qui avaient accepté implicitement sa prise en charge le 13 décembre 2017, et son assignation à résidence. M. B... relève appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :

2. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

3. La décision prononçant le transfert de M. B...aux autorités italiennes vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Elle relève en outre le caractère irrégulier de l'entrée en France de M.B..., rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque celui-ci s'est présenté devant les services de la préfecture de la Loire-Atlantique et précise que la consultation du système Eurodac a fait apparaître que les empreintes de l'intéressé avaient déjà été relevées en Italie le 10 mai 2017 lors du franchissement irrégulier de la frontière. Cette décision mentionne également que les autorités italiennes ont été saisies en application du 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 d'une demande de prise en charge et qu'elles l'ont acceptée implicitement le 13 décembre 2017. Il en résulte que cette décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée. Par ailleurs, le préfet, dont les pièces du dossier révèlent qu'il a procédé à un examen complet de la situation personnelle du requérant, n'était pas tenu de motiver son refus de faire application des dispositions de l'article 17 du même règlement qui permettent à chaque Etat membre de l'Union européenne de décider d'examiner une demande de protection internationale. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

4. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 que M. B...reprend en appel sans plus de précision doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.

6. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. B... et des conséquences de sa réadmission en Italie au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il conteste serait entaché d'un défaut d'examen sérieux.

7. D'autre part, M. B...fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve l'Italie, confrontée à un afflux sans précédent de réfugiés, et de ce qu'il ne pourrait pas être dans ces conditions correctement pris en charge dans ce pays. Toutefois il n'est pas établi, par les pièces produites, que cette circonstance exposerait sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il n'est pas davantage démontré qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et porterait atteinte au respect de son droit d'asile.

Sur l'arrêté d'assignation à résidence :

8. En premier lieu, les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté en litige et de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. B...reprend en appel sans plus de précisions, doit être écarté par adoption des motifs retenus à juste titre par le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes.

9. En second lieu, il résulte des points 2 à 7 du présent arrêt que M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Loire-Atlantique du 19 décembre 2017. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mars 2019.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT01289


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01289
Date de la décision : 29/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : PRONOST

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-03-29;18nt01289 ?
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