Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mmes C...A...épouse E...et Paule Nadine B...ont demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, l'annulation de la décision implicite des autorités consulaires françaises en poste à Yaoundé (Cameroun) refusant la délivrance d'un visa de long séjour à Mme B... au titre du regroupement familial et, d'autre part, l'annulation de la décision du président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 7 septembre 2015 rejetant leur recours comme irrecevable.
Par un jugement n° 1509393 du 20 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du président de la commission de recours du 7 septembre 2015 et a enjoint à cette commission de réexaminer le recours dont elle avait été saisie dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 janvier 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 décembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...et Mme A...épouse E...devant le tribunal administratif de Nantes ;
3°) de mettre à la charge de Mme B...et Mme A...épouse E...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le ministre soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que Mme B...aurait déposé une demande de visa ;
- une telle demande ne peut être transmise par voie postale, une demande écrite ne permettant pas l'identification du demandeur de visa ;
- rien n'indique que le courrier du 27 janvier 2015 était accompagné d'un dossier complet permettant l'instruction de la demande ;
- Mme B...ne justifie pas d'une quittance attestant du paiement des frais de traitement de sa demande de visa.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2018, Mme A...épouse E...et MmeB..., représentées par MeD..., concluent au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France de réexaminer leur recours dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à leur conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent qu'aucun des moyens soulevés par le ministre de l'intérieur n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dussuet, président-rapporteur ;
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement 20 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de Mme A...épouse E...et de sa fille Mme B..., annulé la décision du président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 7 septembre 2015 et a enjoint à cette commission de réexaminer le recours dont elle avait été saisie dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Sur la requête du ministre :
2. Aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". Aux termes de l'article D. 211-6 du même code : " Les recours devant la commission doivent être formés dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de refus. Ils doivent être motivés et rédigés en langue française. Ils sont seuls de nature à conserver le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention des décisions prévues à l'article D. 211-9 (...) ". En vertu de cet article D. 211-9, " La commission peut soit rejeter le recours, soit recommander au ministre des affaires étrangères et au ministre chargé de l'immigration d'accorder le visa demandé. Le président de la commission peut rejeter, sans réunir la commission, les recours manifestement irrecevables ou mal fondés ".
3. Pour rejeter comme manifestement irrecevable le recours présenté par Mme A... épouseE..., le président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondé sur l'absence de demande de visa susceptible de faire naître une décision de rejet elle-même susceptible de faire l'objet d'un recours devant la commission. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A...a adressé une demande de visa pour sa fille, Mme B..., dont la venue en France avait été autorisée au titre du regroupement familial, au consul général de France à Yaoundé par un courrier daté du 27 janvier 2015, dont les services ont accusé réception le 8 février 2015. Si le ministre soutient que cette demande effectuée par voie postale ne pouvait être regardée, à elle seule, comme régulièrement formée, et qu'à défaut d'être accompagnée d'un dossier complet et du justificatif d'une quittance attestant du paiement des frais de traitement de la demande de visa, elle ne pouvait être instruite, ces motifs, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, alors qu'il n'est pas contesté que les autorités consulaires n'ont pas invité Mme B...à compléter ou régulariser sa demande, ne sauraient s'analyser comme une absence de demande faisant obstacle à la naissance d'une décision implicite de rejet. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, en estimant que la lettre du 27 janvier 2015 ne pouvait être regardée comme une demande de visa susceptible de faire naître une décision implicite de rejet, et en rejetant, pour ce motif, le recours formé contre cette décision comme manifestement irrecevable, le président de la commission de recours a commis une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 7 septembre 2015.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a déjà enjoint à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France de réexaminer le recours de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de sa notification. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Par suite, les conclusions présentées à ce titre en appel doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A...et Mme B...le versement d'une somme à ce titre.
Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme demandée par Mme B...et Mme A... épouse E...au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées en appel par Mme A...épouse E...et Mme B...sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme C...A...épouse E...et à Mme F... B....
Délibéré après l'audience du 8 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 mars 2019.
Le président-assesseur,
S. DEGOMMIERLe président-rapporteur,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00123