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15/03/2019 | FRANCE | N°18NT03615;18NT03616

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 mars 2019, 18NT03615 et 18NT03616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 2 mars 2018 par lesquels le préfet de la Sarthe a décidé leur remise aux autorités suédoises et les a assignés à résidence.

Par un jugement n° 1803461-1803462 du 19 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête, enregistrée sous le n° 18NT03615

le 26 septembre 2018, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 2 mars 2018 par lesquels le préfet de la Sarthe a décidé leur remise aux autorités suédoises et les a assignés à résidence.

Par un jugement n° 1803461-1803462 du 19 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête, enregistrée sous le n° 18NT03615 le 26 septembre 2018, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 avril 2018 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 2 mars 2018 du préfet de la Sarthe le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, à titre principal de l'admettre au séjour au titre de l'asile dans un délai de 24 heures à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour la durée de l'examen de sa demande d'asile, et subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour la durée de ce réexamen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de remise aux autorités suédoises est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet, en ne faisant pas application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle compte tenu des risques qu'il encourt en cas de renvoi en Afghanistan par les autorités suédoises.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 novembre 2018 et 12 décembre 2018, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. C...n'est fondé.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 août 2018.

II°) Par une requête, enregistrée sous le n° 18NT03616 le 26 septembre 2018, Mme C..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 avril 2018 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 2 mars 2018 du préfet de la Sarthe la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, à titre principal de l'admettre au séjour au titre de l'asile dans un délai de 24 heures à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour la durée de l'examen de sa demande d'asile, et subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour la durée de ce réexamen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de remise aux autorités suédoises est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet, en ne faisant pas application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle compte tenu des risques qu'elle encourt en cas de renvoi en Afghanistan par les autorités suédoises.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 novembre 2018 et 12 décembre 2018, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme C...n'est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Besse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et MmeC..., ressortissants afghans nés respectivement les 24 février 1983 et 23 septembre 1988, déclarant être entrés irrégulièrement en France le 16 juillet 2017 accompagnés de leur fils, ont chacun présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de Maine-et-Loire le 31 octobre 2017. Les recherches effectuées le jour même sur le fichier Eurodac ont révélé que leurs empreintes avaient été relevées le 4 octobre 2015 en Suède où ils ont sollicité l'asile. Le préfet de Maine-et-Loire a alors saisi les autorités de ce pays le 31 octobre 2017 de demandes de reprise en charge des intéressés sur le fondement du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités suédoises ont expressément accepté cette reprise en charge le 2 novembre 2017. Par des arrêtés du 2 mars 2018, le préfet de la Sarthe a décidé de remettre M. et Mme C...aux autorités suédoises et les a assignés à résidence. M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 19 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. Les requêtes enregistrées sous les n° 18NT03615 et 18NT03616 concernent la situation d'un couple et ont fait l'objet d'une instruction commune. Dans ces conditions, il y a lieu de joindre les deux requêtes pour y statuer par un même jugement.

Sur la légalité des décisions de remise aux autorités suédoises :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement,(...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) " . Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de ne pas instruire la demande de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit ou, si nécessaire pour la bonne compréhension du demandeur, oralement, et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, leur délivrance complète par l'autorité administrative, notamment par la remise de la brochure prévue par les dispositions précitées, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. Il ressort des pièces des dossiers, notamment des mentions figurant sur les formulaires qu'ils ont respectivement signés à l'issue de l'entretien individuel dont ils ont bénéficié le 31 octobre 2017 avec le concours, par téléphone, d'un interprète assermenté en langue dari qu'ils ont déclaré comprendre, que M. et Mme C...ont chacun reçu communication du guide du demandeur d'asile et des brochures d'information, rédigés en anglais qu'ils ont déclaré également comprendre, qui comportent l'ensemble des informations requises par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n 604/2013 du 26 juin 2013. Il ressort également des mentions de ces mêmes formulaires que les informations contenues dans ces documents leur ont été traduites en langue dari par l'interprète assermenté leur apportant son concours. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'ils n'ont pas reçu, dès le début de la procédure, une information complète sur leurs droits en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe, cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

6. M. et Mme C...font valoir, d'une part, que leurs demandes d'asile ont été rejetées par les autorités suédoises, qui ont d'ailleurs accepté de les reprendre en charge sur le fondement des dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 applicables aux ressortissants de pays tiers dont la demande a été rejetée et qui ont présenté une demande auprès d'un autre État membre, et d'autre part, qu'ils craignent pour leur vie en cas de renvoi par les autorités suédoises en Afghanistan, en raison de la situation de violence généralisée qui prévaut dans ce pays. Toutefois, les arrêtés contestés n'ont ni pour objet ni pour effet d'éloigner les intéressés vers l'Afghanistan, mais seulement de prononcer leur transfert en Suède. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que des décisions d'éloignement, devenues définitives, auraient été prises à leur encontre par les autorités suédoises, ni qu'ils ne seraient pas en mesure de faire valoir devant ces mêmes autorités tout élément nouveau relatif à l'évolution de leurs situations personnelles respectives et à la situation de conflit qui prévaut en Afghanistan. Ainsi, M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir qu'en ne mettant pas en oeuvre la clause dérogatoire prévue au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013, le préfet de la Sarthe aurait entaché ses décisions d'erreurs manifestes d'appréciation au regard de ces dispositions.

Sur la légalité des décisions d'assignation à résidence :

7. M. et Mme C...n'invoquent en appel aucun moyen d'annulation à l'encontre des arrêtés du 2 mars 2018 par lesquels le préfet de la Sarthe a ordonné leur assignation à résidence.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 2 mars 2018. Leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. D...C...et Mme A...C...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 26 février 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

- M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mars 2019.

Le rapporteur,

P. BesseLa présidente,

N. Tiger-Winterhalter,

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT03615...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03615;18NT03616
Date de la décision : 15/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: M. Pierre BESSE
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : MESUROLLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-03-15;18nt03615 ?
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